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Laurent Schwartz

Publié en ligne le 24 novembre 2024
Laurent Schwartz
Les engagements d’un médaillé Fields
Emmanuel Marie Stefano Realdino et Florent Daniel
Petit à Petit, 2024, 64 pages, 17,90 €

Après Joseph Fourier 1 et Sophie Germain, Laurent Schwartz est le troisième scientifique dont la vie et l’œuvre sont traités par un « docu-BD » de la collection Petit à Petit. La recette reste la même et fonctionne toujours aussi bien : une alternance de planches de bande dessinée et des pages documentaires qui permettent d’approfondir le sujet.

L. Schwartz est né en 1915 à Paris dans une famille juive d’origine alsacienne. Il se passionne très vite pour les sciences, favorisé en cela par un environnement propice. Son père est chirurgien et un de ses grands-oncles est le grand mathématicien Jacques Hadamard (1865-1963). Étudiant brillant, il intègre l’École normale supérieure en 1934 et se verra attribuer la médaille Fields en 1950, l’une des deux plus hautes distinctions en mathématique (avec le prix Abel), pour ses travaux sur la « théorie des distributions ». Cette théorie qu’il a élaborée dans les années 1940 permet de généraliser la notion de fonction. Elle jouera un rôle crucial en physique car elle offrira un cadre rigoureux permettant de modéliser des phénomènes présentant des discontinuités.

Le cheminement scientifique qui va conduire L. Schwartz à sa théorie est décrit dans deux chapitres de BD et deux sections documentaires. La plus grande part du reste de l’ouvrage présente l’engagement politique du mathématicien.

C’est lors de ses études que le jeune L. Schwartz s’engage politiquement. D’abord attiré par le Parti communiste français, la révélation des procès de Moscou (qui débutent en 1936 et permettront à Staline d’éliminer ses principaux opposants) l’en éloigne et il adhère alors à la Quatrième Internationale (trotskyste). La guerre arrive et, avec elle, les persécutions à l’encontre des Juifs. Son action militante clandestine rend sa situation encore plus précaire et périlleuse. Il arrive néanmoins à concilier son activité politique et ses recherches scientifiques et soutient sa thèse en 1943. L. Schwartz s’éloigne du trotskysme à la fin de l’année 1947. Mais sa vie restera marquée par un engagement politique constant. Il soutient résolument la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, avec, en particulier, son combat pour que la vérité soit faite sur la disparition, après son arrestation à Alger en 1957, du jeune mathématicien et militant communiste Maurice Audin ; il faudra attendre 2018 pour que le président Emmanuel Macron reconnaisse officiellement la responsabilité de l’armée française dans son assassinat. Par la suite, L. Schwartz sera très actif dans de nombreuses causes au niveau international : tribunal Russel pour enquêter sur les crimes de guerres des États-Unis au Vietnam, en défense de collègues mathématiciens emprisonnés (comme Léonid Pliouchtch finalement expulsé d’URSS en 1976 après une intense campagne), etc.

L. Schwartz, c’est également une passion pour les papillons. Ce ne sera pas un simple passe-temps d’amateur : il acquiert une grande expertise (certains spécimens portent d’ailleurs son nom) et ses collections seront léguées à des musées.

Enfin, professeur à l’École polytechnique de 1959 à 1980, il mènera à bien une modernisation de l’enseignement des mathématiques et fondera en 1965 le centre de recherche en mathématiques de l’école (qui porte aujourd’hui son nom et constitue une unité mixte avec le CNRS).

Ce « BD-docu » nous fait découvrir ou redécouvrir un « mathématicien aux prises avec le siècle », pour reprendre le titre de son autobiographie 2 dont l’ouvrage s’inspire largement.

2 Laurent Schwartz, Un mathématicien aux prises avec le siècle, Odile Jacob, 1997.