Une histoire du temps et des horloges
Publié en ligne le 2 février 2025Éditions Ellipses, 2024, 143 pages, 23 €

Cet ouvrage, dans sa seconde édition, retrace la conquête du temps scientifique en suivant les étapes historiques. Malgré la complexité du sujet, Marie-Christine de La Souchère, agrégée de physique, sait capter l’attention du lecteur dès les premières lignes par son écriture limpide.
L’observation du ciel a d’abord permis de définir les trois premiers étalons directement offerts par la nature : jour, mois et année. Ordonnés, ajustés, manipulés, selon les civilisations et leurs besoins, les calendriers vont devenir alors les dépositaires de la mémoire collective, qu’ils soient lunaires (calendrier musulman), solaires basés sur les saisons (calendrier grégorien), luni-solaires (calendriers juifs et chinois), vagues 1 (Égypte), laïques (calendrier républicain)…
L’autrice nous présente ensuite des systèmes parfois très sophistiqués, mais limités. Les grains du sablier peuvent devenir cubiques à la longue, les clepsydres peuvent geler… Si les cadrans solaires sont parfois de véritables œuvres d’art ou des trésors d’invention, ils sont inopérants de nuit et par temps couvert. La maîtrise des systèmes d’engrenages avec les horloges entièrement mécaniques à partir du XIVe siècle va permettre de se distancier de l’astronomie. Les villes les plus prospères se dotent alors d’horloges ornant leurs églises et beffrois. Mais c’est le développement du chemin de fer qui va conduire à l’adoption d’un temps unifié sur l’ensemble du pays. L’essor des communications et du commerce international va nécessiter ensuite l’adoption d’un méridien unique et d’une heure de référence universelle. Le découpage du temps évolue progressivement avec les progrès scientifiques. Les horloges à quartz ou atomiques supplantent les horloges mécaniques en exploitant les propriétés de la matière, et la précision devient alors inouïe. Les systèmes technologiquement sophistiqués (comme les fontaines à atomes de césium) ne dérivent que d’une seconde par million d’années et même par quelques milliards d’années pour les horloges optiques de dernière génération. Le dernier chapitre sur la relativité élargit encore la vision du temps et réserve aux lecteurs quelques surprises.
Des encadrés judicieusement répartis au gré de la lecture viennent en écho du texte et d’intéressantes anecdotes animent cette épopée. On s’étonnera par exemple d’horloges de gares qui indiquaient l’heure locale à l’extérieur, mais celle de Paris à l’intérieur. M.-C. de La Souchère sait aussi doser les notions théoriques essentielles de physique, sans surcharge mathématique. La richesse de l’iconographie, la précision des informations, une médiagraphie complète font de ce panorama un remarquable ouvrage de référence hors du temps.
1 Le calendrier égyptien, qui perdura pendant des millénaires, comprenait une année de 12 mois de 30 jours à laquelle on ajoutait 5 jours appelés épagomènes. Cependant il manquait encore un quart de jour par an et les saisons et rites religieux associés se décalaient peu à peu. C’est seulement au bout de 1 461 années vagues que les saisons étaient de nouveau en accord avec le calendrier.