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Quand les animaux font la guerre

Publié en ligne le 12 avril 2023
Quand les animaux font la guerre
Loïc Bollache
HumenSciences, coll. Comment a-t-on su, 2023, 238 pages, 17 €

Ce livre entend dresser un panorama des comportements « guerriers » – entendons plutôt : conflictuels – chez les espèces animales, s’appuyant sur l’état actuel de la recherche. Une de ses grandes qualités est d’être rédigé dans un style simple et direct, sans technicité inutile. Guidé par la plume alerte de Loïc Bollache, professeur en écologie à l’université Bourgogne-Franche-Comté, le lecteur découvre ainsi de nombreuses et souvent étonnantes études, dont beaucoup menées dans les dernières années, à propos d’espèces aussi variées que les mangoustes, les suricates ou divers insectes, sans oublier bien sûr les animaux les plus proches des humains, comme les gorilles ou les chimpanzés.

L’exposé se décline en sept chapitres thématiques, qui abordent successivement la « guerre pour le territoire », la « guerre des sexes », « l’évolution des castes guerrières », la « guerre entre espèces », les « guerres de succession et guerres civiles », « l’exclusion sociale », et « la pacification des conflits ». Comme on le voit, l’auteur choisit de donner au concept de guerre une acception large, voire métaphorique : les conflits entre les sexes et, plus encore, l’exclusion sociale de certains individus relèvent manifestement de mécanismes et de logiques fort différentes des guerres humaines.

C’est bien toute l’ambiguïté de cette approche, que l’ouvrage ne parvient pas réellement à lever. L’intuition suggère qu’entre les conflits intervenant au sein des sociétés humaines, qui sont loin de se limiter aux seules « guerres » proprement dites, et ceux qui mettent aux prises des sociétés animales, il existe à la fois des lignes de recoupement et des différences majeures. Les cerner au plus près est un programme de recherche aussi ardu que passionnant, et qui n’a pour l’instant été qu’effleuré : au sein même des sociétés humaines, la communauté scientifique est loin d’être parvenue à un accord sur une définition et une classification des différents types d’affrontements collectifs. C’est pourquoi – et c’est sans doute le principal reproche qu’on peut adresser à ce livre par ailleurs très informatif – il aurait été préférable de poser explicitement ces questions, quitte à les laisser sans réponse, plutôt que les évacuer, notamment par l’usage peu précautionneux d’un vocabulaire mal défini (comme l’illustrent, outre les « guerres » elles-mêmes, les exemples des « castes » ou des « guerres civiles »).

Pour terminer, et bien qu’elle reste accessoire par rapport au propos du livre, on relèvera l’affirmation selon laquelle l’entomologiste et homme d’Église Pierre-André Latreille aurait été condamné à la déportation en 1793 « avec soixante-treize autres proscrits dont la seule faute était d’être prêtres ». En réalité, ce qui était reproché à ces condamnés n’était pas en soi leur fonction, mais leur refus de prêter serment à la constitution civile du clergé, autrement dit, leur opposition politique au régime. L’étude des révolutions, qui ne sont rien d’autre que des guerres sociales, n’exige pas moins de rigueur que celle des « guerres » animales !