BIAIS COGNITIF EXPRESS
Qui se ressemble...
Publié en ligne le 20 décembre 2024 - Esprit critique et zététique -

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Classification et catégorisation
Histoire de potager. Vient le moment de cueillir les premières tomates. Une question se pose : la tomate est-elle un fruit ou un légume ? Une tomate est généralement considérée comme un légume d’un point de vue culinaire. Dans la mémoire de la plupart d’entre nous, elle sera associée à la catégorie « légumes ». Ce qui permet ensuite d’imaginer des recettes de légumes intégrant l’objet « tomate ». Pour un botaniste, la tomate est un fruit et catégorisée comme telle dans sa mémoire. Ces deux catégorisations, l’une culinaire et l’autre biologique, ne sont d’ailleurs pas du tout contradictoires : la plupart des entités du monde appartiennent à de nombreuses catégories, plus ou moins éloignées les unes des autres, auxquelles nous les assignons selon les besoins de l’instant présent.
Notre mémoire associe et classe les informations. Les concepts enregistrés sont reliés les uns aux autres. Cette catégorisation mentale consiste à placer un ensemble d’objets dans différents groupes en fonction de critères communs. Il s’agit d’un processus cognitif fondamental dans la perception et dans la compréhension de concepts. Lorsque nous réfléchissons, nous nous appuyons sur cette classification, souvent en simplifiant ou en généralisant des propriétés : animaux, véhicules, etc. Par exemple, nous groupons tous les oiseaux ensemble sur la base de propriétés partagées par la quasi-totalité des membres du groupe (avoir des plumes, voler, avoir un bec…). Dans ce groupe, certains sont plus prototypiques que d’autres : les autruches nous paraissent, par exemple, moins typiques de la catégorie des oiseaux. Rapprocher les concepts partageant des caractéristiques communes en les regroupant par catégorie permet d’organiser sa mémoire et de l’utiliser plus efficacement.
Multiplicité catégorielle
Si nous écoutons notre intuition, le monde apparaît ainsi comme découpé en catégories qui nous semblent objectives à l’intérieur desquelles nous pouvons classer les différents objets qui nous entourent. Toutefois, ces classifications dépendent de notre culture, de notre langue, de notre expertise, de l’ensemble de nos expériences de vie. Elles vont dépendre aussi du contexte dans lequel nous nous situons et des objectifs que nous poursuivons. Par exemple, un couteau fait partie des couverts, mais peut servir d’outil, d’arme… Selon les contextes et son utilisation, il peut passer d’une catégorie à une autre. Au gré des situations, il est ainsi possible d’associer un même élément à une diversité de catégories. Il s’agit de catégorisation multiple.
La catégorisation constitue le lien entre notre perception et notre intellect et toute pensée repose dessus. Lorsque nous raisonnons, lorsque nous mettons en œuvre des actions, lorsque nous prenons des décisions, nous sommes guidés par nos catégories mentales. Elles concernent les objets du monde qui nous entourent, aussi bien que les personnes, ou les situations que nous rencontrons. Ce qui rend la catégorisation fondamentale dans la psychologie humaine, c’est sa facette inférentielle. Autrement dit, associer une entité du monde à une catégorie, c’est se donner la possibilité de faire des inférences à partir de cette entité.
Inférer, c’est aller au-delà de ce que l’on a strictement observé. Les inférences sont extrêmement importantes parce qu’elles nous permettent de dire plus que ce qui s’est réellement produit. Par exemple, si j’associe une certaine entité du monde à la catégorie « chien », je peux faire de nombreuses inférences : le chien a un estomac, il aboie et pourrait me mordre. Grâce aux inférences, l’être humain est en mesure d’anticiper, de faire des prédictions, de prendre des décisions, de raisonner.
Catégorisation et esprit critique
Face à une situation ou une information, le processus de catégorisation est un support du raisonnement mais ce processus étant imparfait et subjectif, il peut amener à des conclusions erronées ou non adaptées. Si, pour nos prochaines vacances, nous cherchons un lieu en France où il fait toujours chaud et où il ne pleut pas trop, notre catégorisation des régions françaises nous dira rapidement qu’il faut choisir une commune du sud de la France, proche de la mer et pas en montagne. Ce processus de catégorisation nous permettra ainsi de choisir rapidement la destination de nos prochaines vacances. Mais il aura ses limites si par exemple on nous propose de partir dans l’Aveyron, qui est bien dans le sud de la France, mais pas si proche de la mer et avec quelques reliefs pouvant avoir un effet sur la température et la pluviométrie.
Si nous entrons dans un restaurant, nous avons en tête tout un ensemble d’attentes et de comportements correspondant à la catégorie « restaurant » : attendre d’être placés, présentation d’un menu par le ou la serveuse, choix d’un apéritif, etc. Dans la grande majorité des cas, les inférences effectuées pour la catégorie « restaurant » vont être pertinentes et efficaces. Mais dans certaines situations la catégorie utilisée devra être précisée : c’est le cas si l’on identifie que le restaurant est de la catégorie « cafétéria » ou « buffet », nécessitant alors de ne pas rester assis à attendre d’être servi. Dans d’autres cas, ce sont certaines caractéristiques de la catégorisation qui devront être remises en question, par exemple si on change de pays où certaines habitudes n’entrent pas dans notre connaissance du fonctionnement typique d’un restaurant : le calcul des taxes et des pourboires aux États-Unis, l’habitude de commander des plats à partager dans certaines régions d’Espagne, la coutume d’enlever ses chaussures dans des restaurants traditionnels au Japon, etc.
Ces exemples et ceux proposés dans l’expérience associée à cet article, montrent bien l’importance de la catégorisation dans de très larges situations de la vie courante et la nécessité de garder un esprit critique quand il faut décider de revoir son jugement catégoriel pour résoudre un problème, éviter des erreurs ou des jugements hâtifs.
Publié dans le n° 349 de la revue
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L'auteur
À seconde vue

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