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Sécheresse, bassines, centrales nucléaires

Publié en ligne le 8 septembre 2023 - Climat -
Introduction du dossier

L’eau est indispensable à la vie. De tous temps, les sociétés humaines ont cherché à faciliter et sécuriser leur accès à l’eau. Des barrages et des canaux ont été construits dans l’Égypte antique pour gérer les crues du Nil et permettre l’irrigation des cultures. Le pont du Gard (aqueduc construit au premier siècle de notre ère pour amener l’eau d’Uzès à Nîmes) ou les citernes dans les châteaux forts construits pour soutenir un long siège en sont d’autres exemples. De même, dans les régions arides, on trouve des aménagements pour optimiser l’usage de l’eau et irriguer les cultures.

La distribution des populations sur la Terre a longtemps été contrainte par l’accès à l’eau nécessaire pour obtenir des rendements agricoles fiables. La croissance démographique liée à l’amélioration de l’hygiène et aux progrès de la médecine a conduit à une pression accrue sur les ressources en eau. Les nappes phréatiques sont exploitées à des profondeurs de plus en plus importantes. On parle même d’extraction d’« eau fossile » lorsque le temps de rechargement de la nappe excède le temps d’une civilisation humaine. En France métropolitaine, la ressource en eau est abondante. Les hauteurs de précipitations moyennes annuelles varient de 500 mm (500 litres par m2) pour les régions les plus sèches (côtes méditerranéennes, Anjou, Bassin parisien) à plus de 1 500 mm pour les régions de montagne [1]. D’importants efforts ont été faits pour adapter les infrastructures à ces précipitations (moyennes et extrêmes) et aux usages d’aujourd’hui. Cependant le changement climatique déjà en cours conduit à des modifications importantes du cycle de l’eau avec, en particulier, un renforcement de la saisonnalité (excès d’eau en hiver, déficit en été). La question des sécheresses reste néanmoins complexe et ne dépend pas que des précipitations (voir l’article de François-Marie Bréon, « Les sécheresses vont-elles devenir plus fréquentes en France ? »).

Quand on s’intéresse à la gestion de la ressource en eau, il convient de distinguer la « consommation » du « prélèvement ». L’eau consommée est la partie de l’eau prélevée qui n’est pas directement restituée au milieu aquatique où elle a été prélevée. Les activités les plus consommatrices d’eau sont, par ordre d’importance, l’agriculture (52 %, principalement pour l’irrigation), la production d’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales électriques (12 %) et les usages industriels (4 %) [2]. Ces dernières années, des conflits d’usage sont apparus et les périodes nécessitant des restrictions se sont multipliées. Les épisodes de sécheresse, qui peuvent être vus comme les premières conséquences du changement climatique, ont conduit à tarir les alimentations en eau de certains villages, nécessitant un ravitaillement par camion.

Le Moulin d’Alfort, Henri Rousseau (1844-1910)

Les besoins en eau pour l’irrigation estivale dans un contexte de multiplication des restrictions de prélèvements ont conduit à la construction de « réserves de substitution », aussi appelées « bassines » ou « mégabassines » par leurs détracteurs. L’objectif est de pomper l’eau en hiver (principalement dans les nappes phréatiques, mais parfois aussi dans les cours d’eau) lorsqu’elle est abondante, pour l’utiliser ensuite en été, lorsqu’elle fait défaut. Les opposants voient là une « mal-adaptation » au changement climatique et dénonce une « privatisation d’un bien commun ». Dans ce dossier, nous apportons des éléments sur le volet scientifique pour aider à comprendre cette controverse, avec une analyse du contexte géologique particulier de la région de Sainte-Soline qui a été au centre d’affrontements récents (voir l’article de Stéphane Varaire, « Les “mégabassines” de Sainte-Soline : un éclairage scientifique sur un sujet controversé »).

Par ailleurs, il y a eu ces dernières années plusieurs épisodes pendant lesquels le débit et la température des fleuves et rivières ne permettaient pas un fonctionnement normal de certaines centrales nucléaires sans enfreindre des seuils réglementaires. Cela a ravivé une controverse sur cette technologie présentée par certains comme « vulnérable au changement climatique » [3] (voir l’article de Jean Fluchère, « L’utilisation de l’eau dans les complexes industriels et les centrales électrogènes »).

Le suivi de l’état hydrologique en France

C’est le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) qui est chargé en France du suivi de l’état des nappes phréatiques [1]. Il publie régulièrement un bilan des niveaux établi sur la base des mesures faites par les piézomètres. Le débit de nombreuses rivières est également mesuré, ce qui permet un suivi de l’état des eaux de surface.

Les données brutes sur la profondeur des nappes et le débit des cours d’eau sont
mises à disposition du public par le service Hub’Eau [2]. Ce dernier est proposé par EauFrance, service public d’information sur l’eau et les milieux aquatiques dont la mission est de faciliter l’accès à l’information publique dans le domaine de l’eau en France.

Références
1 | BRGM, « État des nappes d’eau souterraines ». Sur brgm.fr
2 | Le site Hub’Eau.

Le cycle de l’eau est un sujet scientifique complexe. Il existe des incertitudes sur son évolution avec le changement climatique. Les conflits d’usage vont probablement devenir plus fréquents. Le partage de la ressource et l’adaptation de nos usages au changement climatique deviennent des questions politiques majeures. Les solutions à mettre en place dans ce cadre incertain ne sont pas simples à déterminer. Quelle part faut-il accorder à la sobriété, à la limitation de nos usages dans tous les domaines et en particulier l’agriculture ? Quelle part accorder au développement de solutions technologiques pour optimiser l’usage de la ressource ? Nous cherchons ici à donner quelques éléments scientifiques permettant d’éclairer le débat. Mais, bien entendu, ces éléments ne dictent en rien la « meilleure » solution. Celle-ci implique de nombreuses autres dimensions, dont celles relatives à la volonté d’indépendance alimentaire et énergétique, ou encore au choix du modèle agricole.

Références


1 | Météo-France, « Le climat en France métropolitaine », 4 novembre 2022. Sur meteofrance.com
2 | Commissariat général au développement durable, « Prélevée ou consommée : comment compter (sur) l’eau ? », mise à jour du 29 mars 2023. Sur notre-environnement.gouv.fr
3 | Souchay G, « L’accès à l’eau, un enjeu crucial pour le nucléaire », Reporterre, 6 août 2021. Sur reporterre.net