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Vivons-nous en pleine science-fiction ?

Publié en ligne le 16 février 2023
Vivons-nous en pleine science-fiction ?
Mark Brake (traduit de l’anglais par Jean-Yves Katelan)
De Boeck Supérieur, 2022, 280 pages, 22,90 €

Spécialiste de communication scientifique, le Britannique Mark Brake est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation tels que La Science dans Star Wars. Il propose ici un livre stimulant sur l’influence en retour de la science-fiction sur la science et la vision du monde que celle-ci bâtit.

On trouve en introduction une anecdote révélatrice : fasciné qu’on puisse regarder la télévision sur son téléphone, l’auteur s’exclame, émerveillé : « C’est de la science-fiction ! » Ses enfants, eux, se contentent de soupirer : « Mais non, papa, c’est juste un smartphone. » Ce qui était de la SF pour la génération précédente est devenu en quelques années un phénomène du quotidien, en partie parce que la SF a préparé la société à penser possible un appareil tel que le smartphone.

Chacun des courts chapitres est consacré à un thème classique du genre : contact avec des extra-terrestres, colonisation de Mars, guerre spatiale, voyage dans le temps, mutations génétiques, superpouvoirs… C’est pour l’auteur l’occasion d’évoquer les origines de la réflexion sur les concepts scientifiques associés, et la façon dont l’imagination des écrivains a accompagné celle des savants, quand ils n’étaient pas unis dans une même personne, comme l’astronome Kepler, auteur avec le Somnium (Le Songe) d’un récit de voyage dans la Lune, une sorte d’expérience de pensée.

Autre cas d’influence de la SF sur la science : l’idée qu’il faut explorer d’abord la Lune pour maîtriser l’accès à l’espace. Ce qui sous-tendait la « course à la Lune » de la guerre froide, a été préfiguré par diverses auteurs, notamment Robert Heinlein avec le classique L’Homme qui vendit la Lune.

Inversement, on peut dire que Darwin « invente » les extra-terrestres, car il établit l’idée d’une évolution liant la « grande chaîne du vivant », tous les organismes terrestres, des bactéries à l’être humain. Les êtres venant d’autres planètes n’en faisant pas partie, ils sont radicalement « autres ».

Bien sûr, la SF a tendance à imaginer le futur comme un prolongement du présent, ou par analogie : si l’avion est un bus volant, comment ne pas placer dans le futur des voitures individuelles volantes ? L’idée est tenace, et il existe aujourd’hui plusieurs projets de « taxis volants » sous forme d’aéronefs à décollage et atterrissage vertical.

La liste des ouvrages de science-fiction cités est très riche : depuis Histoire vraie de Lucien de Samosate (IIe s. de notre ère) jusqu’aux succès récents d’Hollywood : Inception, Premier Contact, Interstellar

Bref, un ouvrage agréable à lire, même s’il manque un peu d’organisation. Chaque chapitre évoque un sujet particulier de SF mais n’approfondit pas vraiment l’arrière-plan scientifique qui le sous-tend. Et un certain flou règne dès qu’on aborde les conceptions scientifiques médiévales ou antiques, ramenées à une école de pensée, et donc une vision du monde unique (les atomistes n’étaient pas les seuls proto-scientifiques du monde grec, par exemple). Bref, on en profitera plus si on a déjà quelques bonnes bases en histoire des sciences.


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Auteur de la note

Irène Delse

Auteure de romans (fantasy, science-fiction…) publiés (...)

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