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Bory de Saint-Vincent

Publié en ligne le 1er juillet 2010
Bory de Saint-Vincent
L’évolution d’un voyageur naturaliste

Hervé Ferrière, Préface de Pietro Corsi
Éditions Syllepse, 2009, 236 pages, 17 €

Voici un ouvrage qui mérite d’autant plus l’attention des historiens des sciences qu’il a reçu une distinction au salon d’histoire des sciences et des techniques de la ville d’Ivry en novembre 2008, remise en novembre 2009 à son auteur, qui est le premier lauréat de ce nouveau prix. Agrégé de sciences naturelles, chercheur associé à divers organismes à Paris VII (REHSEIS), Nantes (centre François Viète) et Brest, où il réside, Hervé Ferrière nous livre un ouvrage élaboré à partir de sa thèse, conduite sous la direction de Pietro Corsi, historien des sciences de réputation internationale, actuellement professeur à Oxford.

Félicitons aussi l’éditeur pour la présentation soignée. À un détail près cependant : est-ce à cause de la faiblesse orthographique de Bory qu’on a laissé passer tant de petites fautes ?

Pour rassurer les lecteurs qui ne sont pas connaisseurs d’histoire des sciences et craignent les élaborations trop spécialisées, précisons d’emblée qu’il s’agit ici d’une biographie, riche d’anecdotes passionnantes sur la vie d’un personnage dont le destin dépasse largement ses contributions scientifiques, quoique celles-ci soient d’une certaine importance.

En effet, on peut retenir au moins sa participation à l’expédition de Baudin, en 1800, aux îles Mascareignes (Maurice et Réunion) qu’il quitta précipitamment pour terminer seul la visite des îles ; il en ramène deux livres, des Essais sur les îles Fortuné (Canaries) et l’Atlantide en 1803 et des Voyages sur les (…) îles des mers d’Afrique (1804). Puis vient sa direction des 17 volumes du Dictionnaire classique de sciences naturelles en 1822-183 1, ouvrage en concurrence avec celui des frères Cuvier : Bory défendait le principe d’unité de composition des êtres vivants que son « maître » Etienne Geoffroy Saint-Hilaire opposait aux plans multiples d’organisation de Georges Cuvier. Il dirigea ensuite l’expédition française en Morée (Péloponnèse) en 1829.

Mais sa vie tumultueuse mérite aussi l’attention du lecteur. Né à Agen, où son père possède une ferme à tabac, en 1778, ce qui lui vaut le surnom de Gascon, il a pour oncle maternel Bernard Journu-Auber, un personnage important qui le soutiendra jusqu’à sa mort en 1815. Comparé à d’Artagnan, ou mieux, comme le note malicieusement Hervé Ferrière, à Tartarin, il aime se vanter et s’affuble volontiers d’un titre de baron qu’il n’a pas. En parallèle à ses travaux scientifiques, il mène une carrière militaire qu’il termine avec le grade de colonel. Il participe aux côtés de Soult à la malheureuse campagne d’Espagne en 1808. Il meurt en 1846.

Sur le plan idéologique ses idées sont intéressantes, et justifient une place à part au milieu des « seconds couteaux » scientifiques, opérant dans l’ombre des Cuvier, Lamarck, Geoffroy. De Bory, on peut retenir : son anticléricalisme déiste (il est proche des francs-maçons et des protestants), son transformisme contemporain mais différent de celui de Lamarck : sa façon de situer l’ébauche de la vie sur les côtes le conduit à l’importance des îles, une idée qui le rapprocherait de Darwin. Ajoutons, dans son Essai zoologique sur le genre humain, de 1827, son polygénisme raciste (nos races humaines sont autant d’espèces différentes selon lui) mais anti-esclavagiste, et puisque ces races sont, pour lui, inférieures, il suggère de les éduquer.

Autant de pensées qui peuvent paraître contradictoires au lecteur moderne, mais qui contribuent à l’originalité du personnage, et justifient l’entreprise d’Hervé Ferrière.


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