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Des décisions éclairées par la science ? Prouvons-le !

Publié en ligne le 10 octobre 2025 - Science et décision -
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Introduction du dossier

Dans les débats politiques, la science – argument d’autorité par excellence – est souvent invoquée, tant par les promoteurs d’un projet que par ses opposants, pour justifier leurs positions. Mais, faute d’une présentation claire des connaissances ayant servi à élaborer une proposition, on assiste souvent à des controverses confuses et polarisées. La transparence sur les données utilisées ne pourrait-elle pas améliorer la qualité des débats ?

Au Royaume-Uni, l’association Sense about Science a lancé une campagne pour renforcer la « transparence des preuves au sein du gouvernement ». Elle exige la publication des données et analyses qui fondent les décisions politiques, afin que les citoyens puissent comprendre leur rationalité (voir l’entretien avec David Sheley, responsable de cette campagne).

Et en France ?

Cette question résonne particulièrement après les polémiques autour de la loi dite « Duplomb » visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », promulguée le 11 août 2025. Les conditions de son élaboration illustrent l’absence fréquente de transparence sur les données mobilisées pour appuyer des politiques publiques (voir le communiqué de l’Afis : « Loi Duplomb. Rapport bénéfice-risque : quand le débat oublie la science »).

L’Allumeur de réverbères, Erik Werenskiold (1855-1938)

Voici quelques autres exemples parmi bien d’autres possibles.

En 2014, la loi interdisant la culture du maïs génétiquement modifié en France ne mentionnait pas, dans sa présentation à l’Assemblée nationale [1], les avis de l’Anses, du Haut Conseil des biotechnologies ou de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Cette dernière rappelait en particulier qu’aucune preuve scientifique ne justifiait une mesure d’urgence demandée par la France [2]. Le rapport parlementaire citait en revanche l’étude, déjà invalidée, de Gilles-Éric Séralini, sans préciser que l’article la présentant avait été rétracté deux mois plus tôt.

En 2015, la loi sur la transition énergétique, qui conduira au plafonnement du nucléaire et à la fermeture de la centrale de Fessenheim, ne s’appuyait sur aucune étude scientifique dans son exposé des motifs [3].

En 2015, le débat sur les zones à faibles émissions (ZFE) a mis en avant des arguments socioéconomiques. Le contre-amendement gouvernemental a opposé des raisons sanitaires [4], mais il ne citait qu’un chiffre global de mortalité liée à la pollution de l’air, sans préciser son origine, sans mentionner que c’est un chiffre toutes sources confondues et sans évaluer l’impact spécifique attendu de l’instauration des ZFE sur ce chiffre global. Plus généralement, aucune véritable étude d’impact n’était présentée.

Campagne de France, 1814(détail), Ernest Meissonier (1815-1891)

Un manque de transparence préjudiciable

Sans transparence, ni la rationalité des décisions, ni leur robustesse face à des scénarios alternatifs, ni leur efficacité attendue ne peuvent être correctement évaluées. Cela fragilise le débat démocratique et la confiance du public. Cette transparence pourrait aussi nuancer les oppositions binaires en montrant que toute décision résulte d’un compromis entre bénéfices et risques.

Une campagne en France ?

Au Royaume-Uni, en 2024, 74 % des citoyens estimaient important que le gouvernement publie toutes les données probantes justifiant ses décisions politiques [5]. En France, un autre sondage montrait la même année que 71 % des personnes jugeaient que « les décideurs politiques ne prennent pas assez en compte l’avis des experts scientifiques » [6].

L’Association française pour l’information scientifique souhaite, par ce dossier, promouvoir le développement d’une campagne similaire en France.

Références


1 | Gaillard G, « Proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 », Assemblée nationale, rapport, 26 février 2014. Sur assemblee-nationale. fr
2 | Autorité européenne de sécurité des aliments, “Scientific opinion on a request from the European Commission related to the emergency measure notified by France on genetically modified maize MON 810 according to article 34 of regulation (EC) N° 1829/2003”, 7 mai 2012. Sur efsa. europa. eu
3 | Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, « Projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte », 29 juillet 2014. Sur ecologie. gouv. fr
4 | Assemblée nationale, « Projet de loi de simplification de la vie économique », amendement n° 1724, 4 avril 2025. Sur assemblee-nationale. fr
5 | Sense About Science, “Evidence Week 2024”. Sur senseaboutscience. org
6 | IRSN, « Baromètre 2024 de la perception des risques et de la sécurité par les Français ». Sur irsn. fr