Faites-les lire !
Publié en ligne le 7 janvier 2025
Au moyen d’une revue détaillée de la littérature (plus d’un millier de références), l’auteur, directeur de recherche en neurosciences à l’institut Marc Jeannerod (Lyon), commence par confirmer que les enfants lisent de moins en moins (bien que neuf sur dix disent aimer la lecture), et par fustiger l’interprétation optimiste et erronée d’un sondage réalisé en 1998, selon laquelle 86 % des jeunes lisent : un « lecteur », d’après le sondeur, étant une personne ayant lu quelque chose (du roman à la recette de cuisine), à quelque fréquence que ce soit, sur n’importe quel support ! En revanche, la proportion de lecteurs quotidiens ou presque dans le cadre de leurs loisirs n’y était que de 18 %. Le déclin de la lecture est historique et durable, particulièrement depuis les années 1990, et corrélé à la pratique des écrans (« l’éléphant numérique »). Il est associé à la diminution continue des performances au classement PISA (programme international pour le suivi des élèves), parallèlement à l’appauvrissement langagier des manuels scolaires, des livres jeunesse, des paroles de chansons et… des discours politiques !
L’auteur rappelle ensuite clairement ce que l’on sait des mécanismes cérébraux de la lecture – qui n’est pas le fruit de l’évolution (l’écriture n’a que 5 000 ans) – et qui nécessite la construction de réseaux cérébraux complexes, pour apprendre à coder différemment une langue qu’on connaît déjà par l’oral (lire est bien le propre de l’Homme), ainsi que l’apprentissage de quantités considérables de données, de règles avec leurs exceptions, de codes de construction. L’école primaire enseigne efficacement la lecture « décodage », mais l’acquisition lexicale, syntaxique, et la compréhension générale des textes sont grandement aidées par la lecture partagée, quotidienne, avec un adulte ; leur efficacité est établie par des essais contrôlés randomisés et des études de cohorte rigoureuses. L’auteur souligne que la lecture partagée quotidienne ne doit pas être arrêtée dès que l’enfant sait lire (décoder). Il décrit ensuite les faits établissant la supériorité (modérée) du livre sur les écrans numériques habituels comme support d’apprentissage (probablement moindre vis-à-vis de matériels réservés exclusivement à la lecture 1). Il conclut sur les bénéfices multiples et durables significativement associés à la lecture : augmenter l’intelligence, enrichir le langage (vocabulaire, syntaxe, orthographe, capacités narratives), les connaissances et, grâce à la fiction, les ressorts des relations humaines et l’empathie… et pour finir permettre une meilleure réussite scolaire, celle-ci ne se résumant pas aux notes de français ! Un diagnostic donc, et un traitement efficace et peu coûteux, mais mettant les parents à contribution, qui pourrait être encore facilité par la distribution régulière et gratuite de livres scolaires 2.
Le livre, résumant clairement les protocoles des études citées, se lit avec un intérêt soutenu. Il est engagé, s’appuie sur une excellente argumentation et débouche sur un conseil simple aux parents : encore mieux que « les faire lire », il faut lire avec eux !
1 Altamura L, “Turning the page : what research indicates about print vs. digital reading”, Oklahoma Education Journal, 2024, 2:18-22. https://oej.scholasticahq.com/article/125437
2 Galea C et al. “The impact of shared book reading on children and families : a study of Dolly Parton’s imagination library in Tamworth, Australia”, J Research Childhood Education ; 2024. https://doi.org/10.1080/02568543.2024.2322731
Publié dans le n° 352 de la revue
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Éducation

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