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De l’atome imaginé à l’atome découvert

Publié en ligne le 11 mai 2014
De l’atome imaginé à l’atome découvert

Essai contre le relativisme scientifique

Hubert Krivine et Annie Grosman

Cassini, 2013, 154 pages, 15,20 €

Le physicien Richard Feynman pensait que la phrase qui contenait le plus d’information en un minimum de mots était l’hypothèse atomique ou le fait atomique : que toutes les choses sont faites de petites particules qui se déplacent en mouvement perpétuel. C’est l’histoire de la découverte de ce fait que raconte de façon agréable et pédagogique le livre de H. Krivine et A. Grosman. La théorie atomique est à la base de toute la chimie (et par là de la biologie), de la physique atomique et moléculaire, de la physique de l’état solide et de notre compréhension du deuxième principe de la thermodynamique (l’augmentation de l’entropie). C’est en cherchant à mieux comprendre l’atome qu’on est arrivé à la mécanique quantique. En montrant que le monde est essentiellement fait de vide, la conception atomique est aussi une des idées les plus contre-intuitives introduites dans les sciences.

On peut donc légitimement considérer la découverte de la structure atomique de la matière comme étant la découverte la plus fondamentale de l’histoire des sciences. Si la découverte de la relativité ou même de la mécanique quantique se fait sur quelques années, l’histoire de l’atomisme s’étend sur plusieurs siècles, depuis les spéculations des philosophes antiques jusqu’aux preuves accumulées par les physiciens et les chimistes au 19e siècle et surtout à l’utilisation du mouvement brownien par Einstein au début du 20e siècle pour calculer le nombre d’Avogadro, le nombre d’atomes contenu dans une quantité donnée de matière. Ce nombre a été ensuite mesuré expérimentalement par Jean Perrin, qui devait donner treize façons différentes de mesurer ce même nombre. Le fait d’arriver au même résultat par tant de voies distinctes allait établir définitivement « l’hypothèse atomique ». Mais cela après de nombreuses objections et débats auxquels contribuèrent, dans les deux camps, de grands savants.

L’ouvrage de H. Krivine et A. Grosman ne se contente pas de raconter l’histoire de l’atomisme, mais parle aussi de son importance dans la réfutation de l’homéopathie, y compris la fumeuse « mémoire de l’eau » de Jacques Benveniste, des problèmes qu’elle posait à l’Église catholique à cause de la doctrine de la transsubstantiation et de l’usage qui en est fait aujourd’hui pour définir un étalon de masse ou calculer l’âge de la Terre.

Le dernier chapitre est consacré aux approches sociologiques de la science, particulièrement celle de Bruno Latour, qui est passée au crible de la critique du point de vue de gens qui comprennent la science, compréhension que Latour juge manifestement inutile pour en analyser l’évolution et la dynamique.

L’histoire de l’atomisme, c’est aussi le triomphe de la vision matérialiste et réductionniste du monde, un monde composé seulement d’atomes et de rayonnement, contre toutes les conceptions animistes, holistes, dialectiques, spiritualistes ou vitalistes. Ce livre permet d’apprécier ce triomphe en peu de temps et sans gros effort.

Autre note de lecture, sur une autre édition de ce livre.