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Le Petit Prince et l’Astronome Turc

Publié en ligne le 21 janvier 2023
Le Petit Prince et l’Astronome Turc
Francesco Palla, Sylvie Duvernoy (illustrations), Hubert Reeves (préface)
Z4 Éditions, 2022, 106 pages,14 €

Francesco Palla, un astrophysicien mort soudainement en 2016 alors qu’il devait prendre la tête de l’European Astronomical Society, jouissait d’un grand prestige parmi ses collègues en raison de ses innombrables articles sur la matière interstellaire, la formation des étoiles et des planètes. Ignoré du public français, il était pourtant une célébrité en Toscane, sa région d’origine, pour sa vaste culture artistique, littéraire, cinématographique et musicale.

De 2005 à 2011, il dirigea l’Observatoire d’Arcetri, situé à deux encablures de la dernière prison de Galilée à Florence. Fasciné par la figure de ce savant, il avait conçu une réplique de la lunette de Galilée, ce qui avait ébloui une foule de curieux, enchantés de pouvoir observer la Lune et les satellites de Jupiter avec un instrument si rudimentaire, d’éprouver les difficultés rencontrées par Galilée pour les dessiner. Cet exploit valut à F. Palla d’obtenir à titre posthume le prix Giulio Preti de vulgarisation scientifique.

C’est aussi de vulgarisation qu’il s’agit dans son ultime ouvrage, Le Petit Prince et l’Astronome turc 1. Cette référence à un astronome turc dans le titre est un clin d’œil à Saint-Exupéry : dans l’un des chapitres de son plus célèbre ouvrage, il évoquait en effet la découverte en 1909 de l’astéroïde B612 (d’où venait le petit prince) par un astronome turc ; personne n’ayant voulu le croire en raison de son costume, il refit sa démonstration dans un habit à l’européenne et élégant... et tout le monde changea d’avis.

F. Palla nous indique que le projet de ce livre est né lorsqu’il avait repéré deux étoiles dessinées par Saint-Exupéry lui-même sur les épaules du petit prince. « Ma pensée, dit-il, s’est immédiatement tournée vers les épaules du géant Orion, révélées par la présence symétrique de Bételgeuse et Bellatrix, ainsi qu’à l’immortel duo de Castor et Pollux dans la constellation des Gémeaux […] J’ai eu la conviction d’avoir ainsi saisi une clé de lecture inédite pour moi, mais pas pour Antoine de Saint-Exupéry. »

L’auteur nous promet donc une œuvre poétique et philosophique sous couvert d’un conte pour enfants. En effet, dès les premières pages, il nous émerveille par sa capacité à associer des mots simples à la présentation des noms des constellations, puisés dans la mythologie grecque. Ces récits sont accompagnés de superbes illustrations de Sylvie Duvernoy.

Pilotés par un habile et érudit astronome turc, les lecteurs vont naviguer dans une voûte céleste remplie d’étoiles, de nébuleuses, de planètes, de satellites, de pulsars… sans négliger les instruments nécessaires pour les observer. Bien entendu, l’auteur mentionne également les astéroïdes, ces insignifiants cailloux, dont le (46610) Besixdouze 2, baptisé ainsi en référence à B612, censé être la demeure du petit prince. En passant, F. Palla nous apprend que ces minuscules objets peuvent aussi avoir des satellites, comme ce (45) Eugenia.

Le dernier chapitre est consacré aux trous noirs et à la matière noire recherchés depuis longtemps par tous les laboratoires et grands accélérateurs souterrains. « C’est la plus grande battue jamais organisée, affirme F. Palla, il y a plus de matière noire que de matière visible […] nous ne voyons qu’un petit pourcentage de l’ensemble, le reste nous échappe. » Et il conclut ici par la fameuse maxime d’Antoine de Saint-Exupéry : « L’essentiel est invisible pour les yeux. »

Ce livre passionnant, plaisant et instructif doit être mis entre toutes les mains.

1 Z4 Éditions a republié en 2022 Papa, dis-moi, l’astronomie qu’est-ce que c’est ? texte écrit et illustré en 1963 par notre ami le regretté Jean-Claude Pecker, à l’intention de sa fille qui entrait en CM2. Une recension de cet ouvrage est disponible sur le site de l’Afis (https://www.afis.org/Papa-dis-moi-L-ASTRONOMIE-qu-est-ce-que-c-est).

2 Lors de leur découverte, les astéroïdes reçoivent d’abord un nom provisoire indiquant l’année de la découverte suivie de deux lettres qui font référence au moment de la découverte dans l’année (p. ex. « 1989 AC »), puis un numéro (tel que 4179), et finalement (et optionnellement) un nom (tel que « (4179) Toutatis »), dans cet ordre.