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Les aides à la conduite et l’automatisation des véhicules

Publié en ligne le 13 août 2021 - Technologie -

Le véhicule autonome est omniprésent dans les articles de presse, que les journaux soient spécialisés ou à destination du grand public. Il incarne l’aboutissement d’une mobilité sans effort et en toute sécurité. Mais sous les termes de « véhicule autonome » se cachent des concepts différents et l’on préfère maintenant parler de véhicules automatisés, différenciés par leur niveau d’automatisation. De cette façon, il est possible de mieux appréhender, en fonction de chaque niveau d’automatisation, les réelles capacités des véhicules et les interactions nécessaires avec le conducteur, l’infrastructure et les autres usagers de la route.

Les différents niveaux d’automatisation

La classification des niveaux d’automatisation faisant habituellement référence dans le domaine est celle de la Society of Automotive Engineers (SAE). Elle comporte six niveaux allant de la conduite manuelle à la conduite complètement automatisée [1].

Niveau 0 : Conduite manuelle
Au niveau 0, le conducteur réalise la conduite du véhicule qui est entièrement manuelle, même s’il peut être assisté de systèmes de sécurité active.

Niveau 1 : Assistance au conducteur
Au niveau 1, la conduite manuelle est assistée par un système d’automatisation de la conduite sur un seul de ses axes. Il peut être longitudinal (vitesse et distance avec le véhicule qui précède, par exemple) ou latéral (suivi de lignes blanches par exemple).

Ainsi, par exemple, le régulateur de vitesse adaptatif (ACC ou Adaptive Cruise Control) est une aide longitudinale qui permet de maintenir le véhicule à la vitesse de consigne tant que la distance de sécurité est respectée. Si le véhicule qui précède ralentit, l’ACC maintient la distance de sécurité en réduisant la vitesse. Si le conducteur décide de déboîter pour effectuer un dépassement, la vitesse de consigne est reprise dès que le véhicule se trouve sur la voie adjacente si celle-ci est dégagée. De son côté, l’assistant de maintien de voie (LCS ou Lane Centering System) est une aide latérale qui permet au véhicule de rouler au centre de la voie en contrôlant la trajectoire avec les lignes délimitant la route.

Niveau 2 : Automatisation partielle
Au niveau 2, la conduite manuelle est assistée par des systèmes d’automatisation dans les deux axes : longitudinal et latéral. Ainsi, par exemple, le conducteur active dans le même temps l’ACC et le LCS. Si les lignes sont parfaitement tracées et visibles sur la route et si les panneaux de signalisation de la vitesse sont à jour, bien visibles et non ambigus, la tâche du conducteur n’est plus la conduite du véhicule à proprement parler, mais la supervision du système de conduite et son adaptation au contexte routier.
Le conducteur reste en charge de la conduite : il doit surveiller la route et le système automatisé afin d’assurer sa sécurité. On distingue deux modalités de conduite en niveau 2 : la modalité « main sur le volant » (hands-on) où au moins une main doit rester sur le volant sous peine de déclencher une alarme et la modalité « mains libres » (hands-off) où le conducteur peut enlever les deux mains du volant mais doit continuer à surveiller le système et la route. Dans ce dernier cas, une alarme se déclenche lorsque le regard du conducteur se détourne de la route plus de quelques secondes. L’introduction de la modalité « mains libres » dans l’Union européenne est actuellement très discutée.

Niveau 3 : Automatisation conditionnelle
Au niveau 3, la conduite est assurée par le véhicule et le conducteur est autorisé à réaliser d’autres tâches que celle de conduire. Cette conduite automatisée n’est possible que dans des conditions précises définies lors de la conception (domaine opérationnel de conception, ou ODD pour Operational Design Domain – voir encadré). Le conducteur doit pouvoir à tout moment être en capacité de reprendre la conduite dans le temps imparti par le système, lorsque celui-ci le sollicite par une alerte de reprise en main (sortie du domaine opérationnel de conception).

Niveau 4 : Haut niveau d’automatisation
Le niveau 4 est similaire au niveau 3. La différence est qu’en cas de sortie du domaine opérationnel de conception ou face à une situation routière particulière, le système demande au conducteur la reprise en main mais assure une mise en sécurité si le conducteur ne répond pas à la demande.

Niveau 5 : Automatisation complète
Au niveau 5, le véhicule est complètement autonome sur l’ensemble du trajet.

Domaine opérationnel de conception


Le domaine opérationnel de conception (ou ODD) se définit comme le contexte routier spécifique dans lequel une fonction automatisée donnée est opérationnelle. Il dépend de plusieurs paramètres :

  • La nature de l’infrastructure routière comme le type de route (autoroute, voies à chaussées séparées, etc.) ou la géométrie de la route (ligne droite, virage, rond-point, etc.).
  • Les outils logiciels utilisés, avec notamment la carte numérique, sa précision et son actualisation et les moyens de connexion (communication entre le véhicule et l’infrastructure ou entre véhicules).
  • Les contraintes opérationnelles comme les limitations de vitesse ou l’importance du trafic.
  • Le contexte routier comme la signalétique, la présence d’autres usagers de la route, d’obstacles sur la voie.
  • Les conditions environnementales comme le temps ou la luminosité.
  • Certaines zones spécifiques telles que les aires avec le géorepérage (géolocalisation pour une surveillance à distance de la position et du déplacement d’un objet), les zones de prudence (travaux, écoles, etc.).

On remarque que la notion d’ODD est d’autant plus difficile à bien appréhender par le conducteur qu’elle est dynamique. Ainsi, s’il se met à pleuvoir fortement sur une portion d’autoroute, le statut de la zone peut changer et se retrouver hors de l’ODD. Le conducteur doit donc avoir une bonne compréhension de cette notion complexe mais fondamentale, puisqu’elle détermine les interactions avec le véhicule. En effet, au niveau 3, par exemple, le système assure la conduite dans son ODD. Mais en cas de forte pluie, le système sort de son ODD et c’est au conducteur de reprendre la main et d’assurer la conduite sur ce même parcours.

Les prérequis à une automatisation de la conduite

Dépendance du véhicule automatisé vis-à-vis de l’infrastructure
L’automatisation implique une exigence accrue sur la qualité des tracés des lignes de signalisation routière horizontales (marquage au sol) et sur la précision et la localisation de la signalisation verticale (panneaux de signalisation). À titre d’exemple, l’accident d’une voiture Tesla du 2 mars 2018 en Californie est instructif [2]. Dans ce cas précis, le conducteur a activé le système appelé « autopilot » de Tesla qui correspond en fait à un niveau 2 d’automatisation. A priori, distrait lors de sa conduite, il ne s’aperçoit pas que son véhicule dérive. En effet, à ce niveau de la route, les lignes blanches se sont un peu effacées et il existe une traînée plus sombre sur le macadam dont on peut penser qu’elle a été prise de façon erronée comme repère par les capteurs, vu le centrage du véhicule à cheval sur deux voies. Ces dernières se séparent un peu plus loin et le véhicule arrive à pleine vitesse sur le séparateur en béton. L’accident est fatal pour le conducteur.

La bonne compréhension du conducteur
L’automatisation de la conduite implique également que le conducteur ait bien intégré les différences entre les différents niveaux et qu’il connaisse les niveaux d’automatisation de son véhicule, leurs domaines opérationnels de conception (ODD) et les limites du système dans chacun des niveaux.

Tout véhicule doit avoir un conducteur..., album publicitaire illustré par J.-J. Roussau vers 1930

Il faut également assurer une bonne lisibilité par le conducteur, lorsqu’il roule, du niveau d’automatisation dans lequel se trouve le véhicule. En particulier, il s’agit de bien différencier les niveaux 3 et supérieurs du niveau 2 pour lequel il doit en permanence superviser le système et le contexte routier puisqu’il reste en charge de la conduite. Au niveau 2, il est important d’éviter une trop grande confiance du conducteur dans le système afin de ne pas favoriser la distraction [3].

Contraintes technologiques

Les exigences technologiques diffèrent en fonction du niveau d’automatisation. Pour les niveaux 1 et 2, l’intérêt est de fournir des aides à la conduite en maintenant des prix abordables pour permettre au plus grand nombre de pouvoir avoir accès à ces technologies. Lorsque le niveau d’automatisation est supérieur ou égal à 3, les performances des technologies développées doivent être bien supérieures à celles des aides à la conduite puisque l’on s’affranchit du contrôle humain. De plus, pour pallier toute défaillance, il est nécessaire de prévoir une redondance des informations et donc des capteurs. Cela entraîne des coûts qui augmentent très vite et de façon très importante pour le véhicule comme pour l’infrastructure. C’est pourquoi les recherches en cours portent sur des ODD très limités mais correspondant à des situations d’usage importantes (comme les chaussées à voies séparées).

Une des grandes difficultés des recherches en cours concerne la manière de valider ces systèmes technologiques complexes. Si l’on élargit l’ODD, la question se complexifie nettement du fait de la variété des configurations routières, de la multiplicité des usagers de la route et de nouvelles trajectoires possibles, de la lisibilité de l’infrastructure par un robot.

Ainsi la notion de système de mobilité s’applique tout particulièrement au véhicule automatisé dont le développement et le déploiement doivent se faire impérativement en parallèle de ceux de l’infrastructure afin de permettre une lisibilité sans ambiguïté de cette dernière par des robots. Il serait même souhaitable de croiser étroitement la feuille de route de l’infrastructure avec celle du véhicule automatisé et du véhicule connecté (communication entre les véhicules ainsi qu’entre les véhicules et l’infrastructure, permettant d’anticiper les événements routiers tels que les travaux, embouteillages…). En effet le prérequis de l’acceptabilité de ces nouvelles fonctions technologiques repose sur la démonstration d’une fiabilité de la conduite automatisée au moins équivalente à la conduite manuelle voire supérieure.

L’exemple de l’aide au respect de la vitesse maximale autorisée


Plusieurs dispositifs d’aide à la conduite sont actuellement disponibles. La vitesse maximale autorisée peut être inférée à partir de la géolocalisation (en ville, sur autoroute, etc.) et de données issues de capteurs déchiffrant les chiffres sur les panneaux de vitesse. Le limiteur de vitesse enregistre la consigne donnée par le conducteur et permet au véhicule de ne pas dépasser cette limite. Le régulateur adaptatif de vitesse adapte la vitesse de consigne pour prendre en compte les distances avec les véhicules qui précèdent.

La généralisation des systèmes développés dans le cadre de véhicules automatisés de niveau 3 ou plus, permettant une adaptation automatique de la vitesse du véhicule à la vitesse réglementaire, ne peut être effective que sur des tronçons de route où l’infrastructure horizontale et la signalisation sont validées et actualisées (ODD). C’est pourquoi aujourd’hui, la fiabilité de tels systèmes n’est pas encore assurée sur le réseau routier complet. La reconnaissance automatique des panneaux est limitée par le manque de précision des capteurs embarqués (lecture des sous-panneaux) et le fait que la signalisation actuelle est conçue pour être comprise par un être humain capable d’interpolation et d’interprétation, ce qui n’est pas le cas d’un robot actuellement.

Mais la mise au point de tels systèmes constitue un axe intéressant de recherche. Une des premières étapes fut l’expérimentation avec le système Lavia (limiteur s’adaptant à la vitesse autorisée) initié en 1999 par la Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR) du ministère des Transports [1].


Référence
1 | « Carnet de route du Lavia – Limiteur s’adaptant à la vitesse autorisée », sur le site du ministère de la Transition écologique et solidaire.