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Les vrais et les faux OGM

Publié en ligne le 18 mars 2014 - OGM et biotechnologies -

OGM comprend le mot « organisme » (sous-entendu vivant). Les modifications génétiques effectuées sur des cellules somatiques (non sexuelles) isolées ou in vivo sont, dans le premier cas, des transfections (processus physique de transfert de gènes) et, dans le deuxième, des thérapies géniques. Ces modifications génétiques ne sont donc pas transmises à la descendance et elles ne conduisent donc pas à l’obtention d’OGM. Le mot transgénèse est utilisé par les chercheurs depuis les années 1980. Il ne s’applique en pratique qu’aux organismes pluricellulaires et donc aux plantes et auxanimaux mais non aux microorganismes. La transgénèse implique un transfert de gènes de quelque origine que ce soit et de manière à ce qu’ils soient transmissibles à la descendance. Pour les microorganismes, le mot transformation est plus communément employé dans les laboratoires. La transformation comprend le transfert spontané de gènes portés par des mini-chromosomes (les plasmides) mais aussi les transferts forcés qui peuvent permettre, entre autres, d’incorporer un gène étranger dans le chromosome principal de la bactérie. Dans le langage des laboratoires, une cellule animale est dite transformée lorsqu’elle a acquis la propriété de se multiplier indéfiniment. On dit que les cellules sont devenues immortelles et elles sont de ce fait précancéreuses. Elles ont pour cela subi des mutations spontanées ou induites, y compris par des transferts de gènes. Des mutations supplémentaires sont nécessaires pour que les cellules transformées deviennent tumorales puis capables de donner des métastases.

Le sigle OGM est employé en pratique surtout pour désigner des organismes génétiquement modifiés (plantes : PGM et animaux : AGM) destinés à être consommés ou utilisés comme animaux de compagnie et comme plantes ornementales. Le sigle OGM est plus rarement employé pour les modifications génétiques qui portent sur des animaux et des plantes utilisés pour la recherche fondamentale et les applications médicales.

« Génétiquement modifié » est en soi vague puisque tous les organismes vivants se modifient spontanément à chaque génération. Il a été décidé arbitrairement dans l’Union Européenne de considérer qu’une modification génétique ne conduit à l’obtention d’un OGM que s’il y a une intervention humaine et une opération de génie génétique mettant donc en œuvre de l’ADN isolé. Les infections virales qui transfèrent fréquemment des gènes aux plantes et aux animaux ne donnent pas naissance à un OGM. Il en est de même pour la fusion des protoplasmes 1 de plantes différentes, bien que cette opération revienne à transférer tout ou partie des gènes d’une espèce dans une autre.

La sélection naturelle, mais également la sélection faite par l’homme à partir de mutations spontanées, donnent des mutants considérés comme naturels mais non comme des OGM, bien que les mutations spontanées aient des impacts considérables sur les génomes, dans la mesure où elles jouent un rôle clef dans l’évolution des espèces. La sélection faite à la suite de mutations effectuées en aveugle avec des mutagènes chimiques ou des irradiations donnent des mutants mais non des OGM et en tout cas pas d’OGM cachés. Le terme « OGM caché » a été inventé et mis sur le marché des polémiques par les faucheurs volontaires qui n’ont plus d’OGM à détruire. Il est clairement établi que les mutations spontanées et induites correspondent à des modifications génétiques bien plus profondes des génomes que la transgénèse classique. L’obtention de variétés de plantes (consommables ou ornementales) via l’action de mutagènes se pratique avec succès et sans inconvénient connu depuis 1920, bien que le procédé soit peu précis. Les mutations sont en effet aléatoires et le plus souvent inconnues. La sélection qui suit les mutagénèses spontanées ou induites permet de ne conserver que les variétés exploitables. Des milliers de variétés obtenues par ces techniques sont exploitées et en particulier consommées couramment par les animaux et par l’homme.

La définition d’OGM dans l’Union Européenne n’est donc pas strictement scientifique. Elle repose sur des considérations sécuritaires plus ou moins théoriques et sur des considérations psycho-philosophiques diverses. Les réglementations actuelles pour l’utilisation des OGM dans l’Union Européenne sont donc basées, pour une part essentielle, sur la mise en œuvre d’une technique (le transfert de gènes) et non seulement sur l’innocuité du produit. La transgénèse est par ailleurs considérée par un certain nombre de gens comme non naturelle et condamnable à ce titre.

Aux États-Unis, les OGM sont maintenant appelés des GEO (genetically engineered organism, donc GEP et GEA respectivement pour les plantes et les animaux) et non plus GMO (genetically modified organism). Cette formulation annonce clairement la couleur. Les techniques de modification génétique ne sont pas considérées comme la source en soi de problèmes sécuritaires particuliers et l’intervention de l’homme est clairement revendiquée. Les problèmes de sécurité sont donc traités au cas par cas en fonction des niveaux de risque présumés mais non des techniques mises en œuvre. La position de l’Union Européenne est de moins en moins tenable car elle manque de logique scientifique [1]. Elle nuit gravement aux pays en développement, notamment africains, qui souhaitent produire des OGM pour les consommer et les commercialiser [2]. Elle ne nuit pas forcément au principal producteur de semences OGM, Monsanto, qui a décidé de ne plus demander à l’Union Européenne des agréments pour la culture d’OGM, tout en renforçant les possibilités d’achat par les Européens d’OGM cultivés ailleurs [3]. Cette réalité apparaît plus nettement encore avec les techniques récentes permettant une intégration ciblée des gènes étrangers [4]. Ces techniques permettent de muter ponctuellement et très précisément des gènes de plantes ou d’animaux ainsi que de remplacer une version d’un gène (allèle) par une autre plus intéressante, un type de modification qui pourrait se produire spontanément [5]. De tels animaux ou plantes génétiquement modifiés ne répondent plus à la définition d’OGM. On propose donc des formules nouvelles (cisgénèse et intragénèse) pour tenter de rendre compatibles l’impact de ces innovations avec les réglementations en vigueur et pour minimiser les situations de blocage engendrées par les réglementations non basées strictement sur les risques réels.

1 Forme de modification génétique permettant, chez les végétaux, de fusionner deux plantes différentes pour former un nouvel hybride possédant les propriétés génétiques des deux espèces d’origine.