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Pourquoi j’ai toujours raison

Publié en ligne le 27 février 2025
Pourquoi j’ai toujours raison
Et les autres ont tort
Carol Tavris, Elliot Aronson
Flammarion, 2016, 416 p., 11 €

Durant ma longue carrière de psychologue (60 ans), j’ai trouvé peu d’ouvrages aussi passionnants que celui-ci. Le titre en français ne donne pas une bonne idée du contenu. Le titre et le sous-titre en anglais sont plus parlants 1. Cela dit, la traduction, impeccable, se lit très agréablement.

Les auteurs sont bien connus des psychologues d’orientation scientifique. Carol Tavris, qui a enseigné à l’université de Californie à Los Angeles, a publié de nombreux articles visant notamment à démonter les erreurs et absurdités de la psychologie. Elle est co-autrice de l’excellent manuel Invitation to Psychology (8e édition en 2021). Elle a reçu en 2016 le prix Bertrand Russell de chercheur distingué de la Fondation pour la pensée critique (Bertrand Russell distinguished scholar award from the Foundation for Critical Thinking). Elliot Aronson a réalisé son doctorat sous la direction du célèbre Léon Festinger à l’université Stanford. Il a mené sa carrière de professeur à l’université de Californie à Santa Cruz. De nombreux prix lui ont été attribués pour ses recherches expérimentales en psychologie sociale.

Un fil rouge de l’ouvrage est la théorie de la dissonance cognitive, incontestablement une des théories les plus solides de l’histoire de la psychologie. Cette théorie éclaire un nombre considérable de nos comportements dans la vie quotidienne : notre tendance impulsive à nous justifier, les inconvénients de ne pas reconnaître ses erreurs, l’impact d’un investissement sur la valorisation d’un engagement ou d’une dépense, des déformations de souvenirs et l’apparition de faux souvenirs, etc.

Les auteurs passent en revue certaines des erreurs et des illusions courantes en politique (comme continuer une guerre alors que ses conséquences désastreuses deviennent évidentes), en psychologie et en psychiatrie (une des pires catastrophes a été « la thérapie des souvenirs retrouvés » en vogue aux États-Unis à la fin du siècle dernier), dans le domaine judiciaire (le système pénal américain n’est pas mal conçu, mais comporte une faiblesse radicale : l’excès de confiance en eux-mêmes des policiers, des juges et des procureurs). Un chapitre très instructif porte sur les déterminants de la satisfaction conjugale et les facteurs de désunion (notamment la façon de faire des attributions causales et de se justifier envers et contre tout). L’ouvrage se termine par l’examen de facteurs de conflits internationaux et de la difficulté de les résoudre.

Les auteurs donnent toujours de nombreuses illustrations des processus psychologiques et sociologiques qu’ils présentent. Toutes les affirmations, toutes les recherches et tous les exemples sont parfaitement référencés, et parfois développés sur une cinquantaine de pages. Un index des noms et des matières clôt cet ouvrage qu’on ne saurait trop recommander à toute personne curieuse et, particulièrement, aux juristes, aux politiciens et même aux psychologues de profession.

1 Mistakes were made (but not by me). Why we justify foolish beliefs, bad decisions, and hurtful acts [Des erreurs ont été faites (mais pas par moi). Pourquoi nous justifions des croyances insensées, des mauvaises décisions et des actions blessantes].