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Psycho

Publié en ligne le 24 août 2025
Psycho
Comprendre ce qui se passe dans notre tête
Paul Bloom
Markus Haller, 2024, 564 pages, 28 €

L’auteur, docteur en psychologie cognitive du prestigieux Massachusetts Institute of Technology, a enseigné à l’université de Yale, puis à celle de Toronto. Il a mené plusieurs recherches publiées dans des revues de haut niveau. Par exemple, une étude sur le langage menée avec l’éminent Steven Pinker et publiée dans une des meilleures revues de psychologie : Behavioral and Brain Sciences.

En lisant, on se prend de sympathie pour Paul Bloom qui agrémente son exposé d’anecdotes personnelles, de références à la vie pratique et de beaucoup d’humour. Je souligne que l’auteur a un souci constant d’épistémologie et de méthodologie. Il donne sans cesse des explications alternatives à des résultats de recherches.

L’ouvrage fournit beaucoup de données classiques : le fonctionnement du cerveau ; les apports essentiels de Skinner ; le fonctionnement de la mémoire et la facilité de développer des faux souvenirs ; la puissance du conformisme ; le raisonnement en catégories sociales et les stéréotypes ; les biais cognitifs, etc.

Mais l’ouvrage présente aussi des données moins connues : l’intérêt et les limites de la comparaison du fonctionnement du cerveau et des ordinateurs ; l’intérêt et les limites des neurosciences (celles-ci ne remplacent pas la psychologie) ; le fait que les enfants sont plus intelligents que ne le croyait Jean Piaget, le plus éminent spécialiste de l’épistémologie génétique ; les facteurs et la fonction du dégoût ; les motivations et les émotions morales ; les caractéristiques de la population qui sert pour la grande majorité des recherches en psychologie : les WEIRD 1 (les habitants des Western Educated Industrialized Rich Democracies ; démocraties industrielles, riches, éduquées à l’occidentale, soit un huitième de la population mondiale).

Dans le chapitre sur les principaux troubles mentaux, P. Bloom défend l’idée que les différences psychologiques entre individus sont graduelles et que la psychopathologie ne semble pas faire exception.

L’ouvrage se termine par un thème à la mode : la psychologie positive, certes intéressante mais « qui compte beaucoup d’erreurs et de mensonges ». Sont présentées des corrélations entre le sentiment de bien-être et une série de variables (pays où l’on vit, le fait d’avoir des enfants, etc.). Ici encore, l’auteur met en garde contre une utilisation naïve de causalités apparentes.

P. Bloom a fait de son cours une version qui se lit comme un essai. Le livre est idéal pour de futurs étudiants en sciences humaines, pas seulement en psychologie. Il convient parfaitement au non-spécialiste de la psychologie qui souhaite un large panorama de thèmes essentiels de la psychologie contemporaine.

En un mot : c’est absolument excellent ; des informations classiques mais aussi tout à fait à jour, toujours parfaitement référencées et qui renvoient à une bibliographie de trente-cinq pages ; un style très agréable, une traduction élégante, parfaite ; un index des matières et des noms. L’auteur ne se limite pas à la psychologie scientifique : des considérations philosophiques et éthiques reviennent régulièrement. Il cite des extraits d’ouvrages francophones non traduits en anglais, par exemple de Stanislas Dehaene, Jean Piaget ou Marcel Proust.

1 Jeu de mot : weird signifie « bizarre » en français.