Complotisme et manipulation : entretien avec les auteurs

Notre regard sur le complotisme a évolué : après avoir souri d’un phénomène jugé inoffensif, nous réalisons les conséquences délétères associées. Au-delà des tensions interpersonnelles avec nos proches ou des exacerbations sur les réseaux sociaux qu’elles peuvent engendrer, nous constatons que des personnalités de premier plan adhèrent à des théories du complot, alors qu’elles exercent des responsabilités majeures et prennent des décisions dans les champs de la santé publique, de l’économie, de la sécurité. . . Que chacun d’entre nous comprenne les rouages du complotisme devient alors un enjeu de société majeur afin de mieux agir, de préserver nos démocraties et nos libertés.

Complotisme et manipulation, en s’appuyant sur une bibliographie scientifique solide, décrit avec simplicité, et parfois avec humour, la façon dont chacun d’entre nous peut se laisser séduire ou manipuler par de fausses croyances. Exercice de l’esprit critique et psychologie sociale sont alliés dans une perspective bienveillante, mais sans concessions, qui entend dépasser les polarisations. Des mécanismes impliquant l’individu jusqu’aux influences extérieures (motivations politiques, financières ou idéologiques d’acteurs exploitant nos failles), nous avons cherché à dresser une représentation du complotisme ancrée dans l’actualité. Mais notre objectif était également d’offrir des clés d’action concrètes permettant d’adopter les bons réflexes et diminuer l’incidence du complotisme. Ceci est rassemblé dans une charte en fin d’ouvrage. Nous avons eu par ailleurs la fierté de voir ce dernier préfacé par « Madame 0 », l’héroïne de l’incontournable et historique Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois.

Nous espérons qu’à la lecture de l’ouvrage, nos lecteurs seront convaincus que le monde ne se divise pas en complotistes et non-complotistes : nous sommes tous susceptibles d’adhérer à de fausses croyances complotistes, voire attirés par des groupes sociaux qui les portent. Disposer des connaissances et savoir les exprimer dans des systèmes en apparence logiques ne suffit pas pour bien exercer son esprit critique. Biais cognitifs, moindres compétences épistémologiques, raisonnements fallacieux, etc. , nous assujettissent. D’autres dimensions s’immiscent également dans nos jugements : sociétales (degré de confiance accordé aux institutions, ou de corruption associée à la société), politiques (type d’orientation politique, intérêts économiques particuliers), idéologiques (appétence pour telles visions du monde), sociales (précarité, culture générale), psychologiques (traits de personnalités spécifiques, besoin de contrôle), voire psychopathologique (sentiment d’anxiété, tendance à la paranoïa).