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Fake news ?

Publié en ligne le 5 juillet 2019 - Esprit critique et zététique -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°329 (juillet 2019)

En anglais, les termes false et fake n’ont pas exactement le même sens. Le premier renvoie à quelque chose de faux ou d’erroné : c’est de l’ordre des faits ou de la logique. Le second pourrait se traduire par « factice », « truqué » ou « mensonger » : il sous-entend une intention, celle de tromper.

La contestation d’une information erronée se fait sur le terrain des faits, de l’argumentation et de la preuve. À l’inverse, l’accusation de fake news tend à déporter la controverse sur l’intention et l’honnêteté des interlocuteurs. Elle se transforme souvent en anathème qui vise à décrédibiliser les personnes en dénonçant une intention (réelle ou supposée) et rend plus difficile toute réflexion sur le fond des propos (qui prendrait le risque de laisser croire qu’il défend un truqueur ou un menteur ?). Prouver l’intention, ou se défendre de toute intention, est difficile, voire impossible.

Force est de constater que dans de nombreuses controverses médiatiques autour des sujets scientifiques et techniques, le terme fake news est largement utilisé et il peut, lui-même, être brandi pour discréditer une information pourtant validée par les connaissances scientifiques.

Bien entendu, la manipulation de l’information à des fins politiques ou idéologiques est une réalité de longue date. Les outils modernes (Internet et les réseaux sociaux en particulier) ont permis de décupler les possibilités de diffusion. Mais un « ministère de la Vérité » qui déciderait du vrai et du faux et qui aurait autorité
pour séparer le mensonge de la bonne foi serait un remède pire que le mal.

À titre individuel, le meilleur antidote est de faire appel à son esprit critique, de procéder à la vérification de l’information en remontant à sa source et en évaluant la qualité des références données. Mais, comme le souligne le sociologue Gérald Bronner, ce n’est pas chose aisée :  « exercer son esprit critique, c’est apprendre d’abord à se méfier de ses intuitions », à avoir conscience que notre raisonnement peut s’égarer de bien des façons, que  « nous n’accédons pas toujours à l’information adéquate pour bien juger en raison de la position que nous occupons dans l’espace social, des groupes que nous fréquentons, que ce soit dans la vraie vie ou sur Internet » et qu’il importe avant tout de  « se méfier [des] biais de notre raisonnement » [1]

Faire appel à l’intelligence de nos lecteurs, c’est ce à quoi nous nous employons, en séparant les faits de l’interprétation et, surtout, en fournissant  « les sources et les références, à l’appui des affirmations présentées dans les articles [...] permettant aux lecteurs de les vérifier et d’approfondir le sujet » [2]

Science et pseudo-sciences
Références

 1 | Bronner G, « L’esprit critique peut s’enseigner et s’apprendre en tant que tel », entretien au Monde, 11 juin 2019. Sur lemonde.fr

 2 | Charte de la rédaction. En 4e page de couverture de SPS.