La vie cachée des sols
Publié en ligne le 25 avril 2025Éditions Quæ, coll. Carnet de sciences, 2024, 152 pages, 23 €

Voici un livre qui lève brillamment le voile sur le sol, ce compartiment de l’environnement qui nous rend tant de services au quotidien (alimentation, biodiversité, régulation du climat…) tout en restant largement méconnu du grand public. Les bons ouvrages de vulgarisation susceptibles d’alimenter la culture scientifique collective ne sont en effet pas légion. Relevant ce défi, La Vie cachée des sols est un concentré pédagogique et richement illustré de l’état actuel des connaissances scientifiques sur le sujet. Le format et le style d’écriture de l’ouvrage ont été pensés pour permettre au profane curieux de découvrir ce qui se passe sous ses pieds, autant qu’au professionnel (agriculteur, conseiller technique, décideur, voire chercheur) ayant déjà une expertise sur les sols de développer une vision plus globale de leur fonctionnement complexe.
L’auteur est bien connu des sphères académiques française et internationale 1 : directeur de recherche et ancien chef du département Agroécosystèmes de l’Inrae, il est un spécialiste mondialement reconnu des interactions écologiques entre les racines des plantes cultivées et le sol.
Comme le suggère son titre et tout en évitant soigneusement les raccourcis simplistes parfois entrevus dans les médias, l’ouvrage prend sciemment le parti de présenter les organismes vivant dans le sol comme ses architectes principaux, dont les multiples activités jouent un rôle crucial dans sa formation et son développement. On y apprend ainsi que la formation des sols doit beaucoup aux champignons qui s’y développent en « mangeant les cailloux », notamment par l’intermédiaire de leur microbiote bactérien qui n’est donc pas l’apanage de notre tube digestif.
On est ensuite pris de vertige à la lecture, remarquablement illustrée, de la diversité (autant en nombre d’individus que d’espèces) des organismes vivants qui peuplent le sol et en font l’un, si ce n’est le plus grand, des réservoirs de biodiversité de la planète. On découvre que pour les organismes de loin les plus nombreux, les microorganismes, le sol s’apparente à leur échelle à un désert parsemé d’oasis. Cela est notamment dû, nous dit l’auteur, à l’incroyable surface développée 2 des sols, estimée en moyenne à près de 20 m2 pour chaque cm3 de sol !
L’auteur nous explique ensuite pourquoi les organismes comme les vers de terre et les bactéries sont les principaux responsables de la composition chimique des sols et des propriétés associées. Sans l’activité incessante de ces organismes, il n’y aurait en effet pas de recyclage de la matière organique morte qui se dépose à la surface des sols et donc pas de mise à disposition de certains éléments chimiques comme l’azote ou le phosphore, indispensables à la croissance des plantes. On y apprend également que celles-ci ont cette incroyable capacité à modifier l’acidité du sol au contact de leurs racines, en l’augmentant ou au contraire en la diminuant de deux à trois unités de pH, c’est-à-dire d’un facteur allant de 100 à 1000 !
Plus extraordinaire encore, l’auteur rappelle que si les organismes du sol évoluent comme tout organisme vivant pour s’adapter au changement climatique en cours, ils sont aussi l’un des principaux déterminants de ce dernier et l’une des principales solutions pour limiter son ampleur. Les sols constituent ainsi le deuxième réservoir de carbone de la planète, après les océans mais avant la végétation.
Pour refermer son cabinet de curiosités, l’auteur s’appuie sur le mythe de la terre nourricière, partagé par de nombreuses sociétés humaines, en rappelant que, parmi les nombreuses fonctions assurées par les sols, leur fertilité fournit directement ou indirectement 95 % de notre alimentation. La préservation de la santé des sols apparaît donc plus que jamais comme un enjeu majeur de santé globale, au carrefour de celles de l’environnement, des animaux et des humains. Face à l’empreinte forte laissée par l’être humain sur les sols, l’auteur appelle de ses vœux à un changement de modèle de nos sociétés, en invoquant notamment une transition franche et massive vers la prise en compte des processus écologiques dans les pratiques agricoles 3. Un véritable défi, autant culturel que technique, qui amènera le lecteur, en refermant le livre, à ne plus fouler le sol comme avant !
1 Note : l’auteur de ce livre et celui de la présente note sont collègues, le premier ayant même été il y a quelques années le directeur de la thèse du second.
2 La surface développée ou surface spécifique d’un sol est le rapport entre sa surface réelle (extérieure mais aussi et surtout répartie au sein de ses anfractuosités) et son volume.
3 Aujourd’hui couramment appelée la transition agroécologique.
Publié dans le n° 353 de la revue
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Auteur de la note
Environnement et biodiversité

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