Matières premières minérales et transition énergétique : un regard sur le recyclage
Publié en ligne le 13 octobre 2025 - Environnement et biodiversité -
Cet article propose au lecteur non spécialiste une introduction au recyclage des matières premières d’origine minérale, essentiellement les métaux. Ce sont des sujets d’importance majeure pour le développement de l’économie circulaire, lui-même intimement lié au concept de développement durable.
Réduire l’usage des ressources naturelles, en l’occurrence l’extraction à partir de ressources géologiques des minéraux et des minerais 1 nécessaires aux activités humaines, permet de limiter les impacts sur l’environnement, notamment en termes de consommation d’énergie, d’eau et de production de déchets potentiellement problématiques.
Nous (tous les humains) utilisons essentiellement les minéraux et les métaux 2 pour les fonctions, les services indispensables au bien-être matériel qu’ils permettent dans presque tous les domaines : alimentation, défense, eau, énergie, espace, construction, informatique, santé, télécommunications, transport, etc.
Pourquoi recycler ?
Deux grandes catégories de ressources naturelles sont indispensables à la vie de l’espèce humaine depuis ses lointaines origines : les ressources du vivant et les ressources minérales [1, 2]. Leur production est nécessaire au fonctionnement des sociétés humaines telles qu’elles se sont développées depuis des millénaires.
À partir du XIXe siècle, l’usage croissant des sources d’énergie fossile (charbon, puis pétrole et gaz), allié à de nombreuses innovations techniques, a conduit à une croissance vertigineuse de la consommation de matières premières minérales, bien supérieure à la croissance démographique mondiale. Les techniques d’exploration et d’exploitation minière, de traitement des minerais et de métallurgie se sont perfectionnées. Aujourd’hui presque tous les 92 éléments naturels du tableau périodique des éléments sont utilisés dans une gamme de plus en plus large de produits de grande consommation. En un siècle, de 1922 à 2022, alors que la population mondiale était multipliée par quatre (passant d’environ deux milliards d’individus à presque huit milliards), certaines consommations de minerais ou de métaux ont été multipliées par dix, cent ou parfois plus de mille (voir encadré).

Cette croissance spectaculaire est largement le fait des pays les plus riches. Elle s’explique par les développements rapides des infrastructures (transports, eau, énergies), du bâti, de l’agriculture intensive très consommatrice d’engrais et d’équipements mécaniques, de la consommation de biens et de services (défense, éducation, équipements domestiques, santé, transport, technologies de l’information et de la communication…). Une étude du Groupe international pour l’étude des ressources des Nations unies a analysé l’écart entre les usages de plusieurs alliages et métaux (aciers, aluminium, cuivre, fer, plomb et zinc) pour les habitants des pays riches et ceux des pays plus pauvres [3]. Cet écart par habitant se situe dans une fourchette de 5 à 15. Il indique une augmentation potentielle énorme si les sociétés de ces pays, dont la population avoisine quatre milliards d’habitants, se développent selon le modèle des pays les plus riches.
Ce tableau présente les évolutions comparées de la démographie mondiale et de la production mondiale de ciment et d’une sélection de minéraux et métaux au cours de la période 1922-2022 (sauf pour le ciment où la référence est 1924). Le chiffre indiqué est le facteur multiplicatif. La population mondiale a été multipliée par 4 entre 1922 et 2022 [1] quand la production d’aluminium a été multipliée par 786, celle d’arsenic par 3, etc.

- En vert, les productions qui ont crû moins vite que la croissance démographique mondiale, à cause de la grande toxicité de nombreux composés chimiques contenant ces éléments, entraînant une restriction de leurs usages.
- En orange, celles qui ont crû dans une fourchette comprise entre la croissance démographique mondiale et cinq fois cette croissance.
- En rouge, et c’est le cas de 11 des 16 productions sélectionnées, celles dont la croissance a été supérieure à cinq fois celle de la population mondiale.
Référence
1 | United Nations, “Population Division”, sur un. org.
La transition énergétique vers une économie mondiale « net zéro-carbone », indispensable pour réduire les catastrophes multiformes que le changement climatique fait peser sur l’avenir de l’espèce humaine, va également accélérer la demande en certaines matières premières minérales. Les véhicules électriques à batteries rechargeables nécessitent beaucoup plus de matières premières minérales que les véhicules à moteurs thermiques. De même, les systèmes de production électrique à partir de sources d’énergies renouvelables (soleil, vent) et les réseaux électriques intelligents nécessaires pour ajuster la production et la demande à partir de nombreuses installations déconcentrées de production sont bien plus gourmands que les systèmes de production centralisés, utilisant aujourd’hui principalement les énergies carbonées fossiles ou le nucléaire [4, 5].
Cette appétence mondiale pour les matières premières minérales a de nombreuses conséquences en termes de consommation d’énergie, de ressources en eau, de gestion des déchets et d’exacerbation des risques géostratégiques.
Le recyclage : une nécessité, mais une réalité complexe
Dans ce contexte, le recyclage des matières premières minérales offre de nombreux avantages. Mais c’est aussi un domaine économique et industriel d’une très grande complexité, fort éloigné des idées parfois simplistes que l’on peut avoir à son sujet [6, 7, 8].
Le recyclage permet de réduire la demande en matières premières dites « primaires », c’està-dire extraites du sous-sol. On parle alors de source « secondaire ».
Le recours à des sources secondaires consomme beaucoup moins d’énergie et d’eau. Ainsi, par exemple, on estime que la production d’acier par recyclage réduit la consommation d’énergie de 74 % à 90 % [9]. Pour le cuivre, ce serait 85 % [10].

Le recyclage, lorsqu’il est effectué dans des pays à la fois producteurs de déchets et de métaux recyclés, réduit également fortement les impacts liés aux transports des matières premières primaires depuis le lieu de leur extraction minière jusqu’aux lieux successifs de leur transformation en produits finis. Certains déchets métalliques font l’objet d’un important commerce international, comme c’est le cas pour l’acier [11].
Le recyclage des métaux ne génère pas ou peu de déchets et réduit les risques de pollution liés aux déchets qui pourraient sinon rester à l’abandon. Cependant le développement et la maîtrise industrielle des procédés nécessaires au recyclage peuvent aussi comporter des risques importants, comme en témoignent les incendies qui ont ravagé plusieurs sites pilotes de recyclage des batteries au lithium (voir par exemple [12]). Enfin, le recyclage est un facteur de sécurisation des approvisionnements pouvant contribuer à réduire les effets des tensions géopolitiques. En effet, il permet en principe à chaque pays de valoriser le stock de minéraux et de métaux présent dans son économie.
Les opérations de recyclage
Le recyclage se décompose en un ensemble d’opérations successives dont la complexité varie en fonction de la nature des produits à recycler et des objectifs des acteurs de la filière.
Dans le cas des matières premières minérales, ces objectifs peuvent être d’obtenir une « nouvelle » matière première (métal, alliage, composé chimique) à partir de produits en fin de vie. Cette matière première recyclée, ou « secondaire », doit présenter des caractéristiques similaires à celles des matières primaires.
La première étape serait, idéalement, que la conception même des produits industriels soit faite en intégrant le recyclage ultérieur. Cela passe par exemple par le développement du marquage normalisé des composants permettant d’en identifier la composition de manière automatisée et par la facilitation des opérations de démontage et de tri des composants. Cependant, inciter le consommateur à réduire sa consommation de produits comportant des assemblages très complexes de différents éléments associés en très petites quantités, au motif qu’il est impossible de recycler ces éléments de manière économiquement rentable, paraît malheureusement peu efficace. En outre, dans certains cas, ce serait se priver de bénéfices sociétaux majeurs apportés par le numérique (technologies de l’information et de la communication) au motif que de nombreux éléments rares et critiques contenus dans les produits électroniques ne sont pas recyclables !
La seconde étape est la formulation conjointe par les États et les acteurs industriels d’une politique de recyclage définissant des priorités (matières à recycler, objectifs quantifiés, échéancés et réalistes) et les stratégies nécessaires à l’atteinte de ces objectifs (développement d’infrastructures industrielles et d’écofilières, mesures incitatives, formation, recherche, financements…).
La troisième étape est la collecte des produits en fin de vie. Il s’agit ici de constituer l’équivalent d’un gisement économiquement exploitable à partir de déchets parfois très disséminés. Des millions de téléphones portables en fin de vie dorment dans nos tiroirs (gisement collectable) ou terminent dans nos ordures ménagères (usage dispersif ne permettant pas le recyclage). À l’échelle de l’Union européenne, il est estimé que seulement 12 % des téléphones portables en fin de vie entrent dans une filière de recyclage [13]. Soit le reste est revendu, soit il dort dans nos tiroirs ou bien encore alimente le commerce international, parfois illicite, de déchets électroniques.
Une meilleure organisation des filières de collecte est donc un enjeu majeur, mais la motivation des consommateurs est tout aussi importante, cette motivation pouvant être stimulée par exemple par un système de consigne conférant une valeur économique à ce qui, autrement, serait un déchet sans valeur.
La quatrième étape consiste souvent, pour les produits comportant de nombreux éléments à la composition très variée, à déconstruire le produit en vue de trier les composants riches en matières premières économiquement recyclables. Ce tri peut être très complexe et coûteux : il existe, par exemple, une grande variété de batteries au lithium de composition variable et dont les technologies de production et les matières premières nécessaires vont encore beaucoup évoluer pendant au moins une ou deux décennies. Il existe également une très grande diversité de composition des aciers inoxydables.
Un téléphone portable contient environ quarante éléments chimiques différents et certains d’entre eux sont classés par l’Union européenne comme « critiques ». C’est le cas du tantale et des terres rares 3. Mais à ce jour, seulement l’or présent sur les connecteurs de la carte mère et le cobalt présent dans la batterie au lithium sont largement recyclés, et ce pour des raisons économiques. Il faut isoler les composants porteurs de ces métaux et ce tri peut s’avérer très complexe dans le cas de composants dont les formats et la composition sont hétérogènes et varient continuellement.
La cinquième et dernière étape est celle de la production de matières premières secondaires à partir des composants triés, en appliquant la combinaison appropriée de procédés physiques, chimiques, voire biologiques, de manière économiquement rentable et environnementalement soutenable. Si technologiquement les possibilités sont très vastes, les contraintes économiques ou environnementales peuvent très fortement limiter le champ des possibilités. Manipuler des batteries au lithium comportant des charges électriques résiduelles et des composés chimiques toxiques nécessite de très grandes précautions qui pèsent sur la rentabilité du recyclage.
Limites du recyclage
Les limites au recyclage sont nombreuses et de plusieurs ordres.
Les politiques publiques
Les politiques publiques ne favorisent pas suffisamment le tri sélectif, la constitution d’écofilières et le développement des différentes opérations industrielles nécessaires au recyclage. Cela nécessite des investissements importants et des changements de comportement de nombreux citoyens pas toujours enclins à fournir cet effort, ni à financer les développements nécessaires.
La filière industrielle
Les installations industrielles nécessaires à la déconstruction, au tri et à la métallurgie sont encore rares, car elles nécessitent des investissements importants et des savoir-faire technologiques très pointus. Ajoutons à cela l’évolution rapide des technologies dans de nombreux domaines, compliquant la définition et la mise en œuvre de stratégies industrielles et des investissements nécessaires. En effet, il n’existe pas de technologie universelle adaptée à l’énorme diversité de couples liant un métal spécifique à un usage déterminé. De plus, il manque des ressources humaines qualifiées dans les domaines techniques nécessaires au recyclage.
La durée d’usage avant recyclage
La période d’immobilisation de certains métaux dans certains usages est très longue (quarante ans et plus). C’est le cas, par exemple, de l’acier utilisé dans les infrastructures ou du cuivre utilisé dans le bâtiment et dans le domaine de l’énergie. Cela limite le stock potentiellement recyclable dans un contexte de croissance continue de la demande.
Assemblages complexes, usages dispersifs
Un produit peut être de composition simple, en métal pur ou en un alliage bien identifié, ce qui en facilite le recyclage. Les conducteurs électriques en cuivre, les pièces en acier ordinaire, les canettes de boissons en acier ou en aluminium ou les batteries au plomb font partie des produits les plus faciles à recycler. Mais ce n’est pas le cas pour tous les produits.
La conception même de certains appareils conduit à des assemblages complexes de petites quantités de métaux divers avec des résines, des colles et des vernis difficiles à séparer. Cette complexité est très élevée dans les déchets électroniques comportant de nombreux métaux rares et critiques (gallium, germanium, tantale…) utilisés en très petites quantités, qui deviennent ainsi économiquement non recyclables.
De même, les usages dispersifs sont peu propices à la constitution d’un stock de matière facilement recyclable. Ainsi, si un simple procédé de fusion peut permettre de recycler le cuivre à partir de fils, de plaques ou de barres de cuivre pur, il est économiquement impossible de recycler le cuivre des sols des vignes traitées à la bouillie bordelaise. De même, les éléments chimiques contenus dans les engrais, dont le phosphore et le potassium, ne sont pas directement recyclables.

L’exemple du téléphone portable illustre bien les problèmes évoqués ici. Il est constitué d’un assemblage de modules (batterie de type lithium-oxyde de cobalt, carte-mère avec le microprocesseur, mémoire et circuits auxiliaires, carte SIM, écran, module haut-parleur, module photo et vidéo…), chacun avec divers éléments chimiques, par exemple du lithium et du cobalt dans la batterie et de l’indium ainsi que de l’étain dans l’écran. Des études détaillées [14, 15] montrent qu’en plus de ce qui est nécessaire à la production des matières plastiques, des résines, des peintures ou du verre utilisés, il faut 35 éléments chimiques différents, sous diverses formes, pour la construction d’un smartphone. Au cours moyen de ces différents éléments en 2024, la valeur totale de ces matières premières représente environ 2, 10 € par smartphone, ce montant variant un peu selon les modèles. Parmi tous les éléments chimiques utilisés, dix d’entre eux concentrent 94 % de la valeur [14]. L’or se trouvant en placage sur les connecteurs des puces électroniques présentes sur la carte-mère et le cobalt, présent dans la batterie, représentent à eux seuls 57 % de la valeur des matières premières contenues (1,30 € pour l’or et 0,36 € pour le cobalt). Les technologies nécessaires au recyclage de ces deux métaux sont bien rodées, ce qui explique qu’à ce jour, le recyclage des matières premières contenues dans les téléphones portables est limité à l’or et au cobalt. Par contraste, le lithium de la batterie ne représente que 0,03 € (1, 2 % de la valeur). Étant techniquement très complexe, et donc coûteux, à recycler, il n’est pas valorisé à ce jour. Le gallium, le palladium, le tantale, des terres rares (néodyme et dysprosium) dont la valeur est inférieure à 0,02 € ne sont pas recyclés.
Le coût des matières premières et l’évolution rapide des technologies de production
Quand le coût de production des matières premières primaires est plus faible que celui des matières premières issues du recyclage, la filière de recyclage se trouve logiquement handicapée : il est plus rentable d’extraire que de recycler. Par ailleurs, les évolutions technologiques peuvent fragiliser les filières existantes. Un exemple est la croissance extrêmement rapide au cours de la décennie 2010-2020 de l’utilisation des LED dans le domaine de l’éclairage, en substitution des ampoules fluorescentes compactes utilisées pour l’éclairage domestique, des tubes néon utilisés dans les bureaux et les entrepôts et des ampoules à halogénures ou vapeurs de sodium utilisées pour l’éclairage urbain. Les ampoules fluorescentes compactes et les tubes néon nécessitaient la mise en œuvre de deux terres rares, l’europium et le terbium, peu ou pas utilisés dans l’éclairage LED. Le moteur de cette très rapide substitution technologique a été l’importante économie d’énergie liée à l’utilisation des LED et l’existence, notamment en Chine, de l’infrastructure industrielle nécessaire à leur production. Cette substitution a conduit Solvay, producteur de poudres luminophores à base d’europium et de terbium, à arrêter en 2016 les opérations de recyclage des ampoules fluorescentes compactes lancées en 2012 [16].
Quels métaux recycle-t-on ?
Le recyclage des matières premières minérales ne peut se développer par lui-même que s’il est économiquement rentable. Par choix politique, les États peuvent subventionner cette activité (au moyen de taxes, par exemple) ou la stimuler par des réglementations, par exemple des politiques de consignes assignant une valeur économique à ce qui autrement serait un déchet, ou en accompagnant la création d’écofilières assurant la collecte de certains produits arrivant en fin de vie (voitures, batteries au plomb, déchets électriques et électroniques…).
De nombreux facteurs économiques et technologiques déterminent le taux de recyclage d’un minéral ou d’un métal à partir des produits en fin de vie. Ainsi, aujourd’hui, le taux de recyclage du lithium des batteries électriques est extrêmement faible. Au sein de l’UE il est voisin de zéro [17]. Il n’y a pas de base de données statistiques publiques documentant de manière systématique les volumes et les prix des matières premières recyclées.
Néanmoins, au niveau mondial, l’Agence internationale de l’énergie donne quelques chiffres [18]. Il en ressort qu’en 2023, l’aluminium est issu à environ 35 % du recyclage. C’est environ 17 % pour le cuivre, 10 % pour le cobalt, mais moins de 3 % pour le nickel ou le lithium. La Commission européenne publie les données disponibles, par exemple dans les fiches relatives aux matières premières minérales produites par le projet de recherche et d’innovation de l’Union européenne Scrreen [17].
Au niveau français, deux études de l’Agence de la transition écologique (Ademe) éclairent l’état du recyclage. Une étude de 2010 [6] fournit une analyse fouillée du recyclage en France de 35 métaux rares : argent, béryllium, cobalt, gallium, germanium, indium, iridium, lithium, osmium, palladium, platine, rhénium, rhodium, ruthénium, tantale, titane, tungstène et vanadium, ainsi que les terres rares, tous d’importance majeure pour l’économie française, à partir de leurs principaux usages industriels. Elle compare la taille du gisement collectable avec ce qui est effectivement collecté, puis évalue la proportion effectivement recyclée, qui est souvent très faible, entre zéro et quelques pour cent du total collectable.
Une étude de 2023 présente en 220 pages un panorama très détaillé du recyclage de l’acier, de l’aluminium et du cuivre en France, et les actions nécessaires pour améliorer la production de matières premières secondaires [7].
Le rapport décrit des réalités industrielles et réglementaires complexes, aboutissant à ce que la France soit le principal exportateur net de matières premières de recyclage (MPR 4) métalliques comparé à ses voisins directs (Allemagne, Belgique, Espagne et Italie) et vers des pays hors UE. En 2019, elle a ainsi exporté vers ces pays 45 % des volumes collectés d’acier, 47 % de ceux de l’aluminium et la totalité de ceux du cuivre.
Au niveau européen, la teneur en métal recyclé des flux de métaux consommés [17] est comprise entre 70 % et 80 % pour seulement deux métaux : le plomb et l’étain. Elle est entre 20 % et 35 % pour l’acier, l’antimoine, le cadmium, le chrome, le cobalt, le cuivre, le palladium, le platine et le rhénium et inférieure à 5 %, et parfois nulle, pour de nombreux métaux, dont la plupart sont inscrits sur la liste européenne des métaux critiques (béryllium, bismuth, bore, lithium, dysprosium, gallium, germanium, néodyme, niobium, tellure, titane et vanadium).
Recycle-t-on assez ?
Nous ne recyclons pas assez, que ce soit en France, dans l’Union européenne ou au niveau mondial. Vu les avantages manifestes du recyclage, il est un élément très important des actions nécessaires à la transition mondiale vers une économie véritablement circulaire, nécessaire pour réduire les menaces de long terme sur l’avenir même de l’humanité.
Mais la complexité des sujets et les limites évoquées ci-dessus, ainsi que la préférence de nombreux acteurs économiques et politiques à travers le monde pour des bénéfices à très court terme, font que les progrès sont plus lents que ce qu’ils devraient être. À titre d’exemple, au niveau mondial en 2000, selon les données de l’USGS (United States Geological Survey, le service géologique américain), 13, 2 % du cuivre raffiné mondial, soit environ deux millions de tonnes, était issu du recyclage. Vingt ans plus tard, en 2020, le tonnage de cuivre secondaire produit a doublé (environ quatre millions de tonnes), mais ne représente encore que 15, 8 % de la production mondiale de cuivre raffiné. Un progrès plutôt modeste. Le recyclage de nombreux métaux rares reste lui toujours extrêmement faible (0 à 5 %).
En 2024, l’Union européenne a publié son règlement des matières premières critiques [19] fixant plusieurs objectifs ambitieux à l’horizon 2030, dont celui de développer « la capacité de recyclage de l’Union, y compris toutes les étapes de recyclage intermédiaires » afin de « produire des quantités satisfaisant au moins 25 % de la consommation annuelle de matières premières stratégiques de l’Union ». Cet objectif politique est éminemment louable, mais pourra-t-on réaliser en cinq ans les investissements nécessaires, les évolutions des politiques publiques et des comportements que cela suppose, le développement des technologies et des capacités industrielles nécessaires à l’atteinte économiquement satisfaisante de cet objectif ?
1 | Christmann P, « Développement économique et croissance des usages des métaux », Annales des Mines, Série Responsabilité et Environnement, 2016, 82 : 8-15.
2 | Cazanave C, « Les métaux et minerais, des ressources qui pourraient manquer ? », Qu’est-ce qu’on fait ? , infographies, avril 2023. Sur qqf. fr
3 | International Resource Panel, “Metal stocks in society”, Working Group on the Global Metal Flows, rapport, 2010. Sur resourcepanel. org
4 | Ministère de la Transition énergétique, « Les ressources minérales critiques pour les énergies bas-carbone : chaînes de valeur, risques et politiques publiques », Rapport, 2023. Sur ecologie. gouv. fr
5 | International Energy Agency, “Critical minerals market review 2023”, Rapport, 2023. Sur iea. org
6 | Monier V et al. , « Étude du potentiel de recyclage de certains métaux rares », Agence de la transition écologique, synthèse, juillet 2010. Sur yumpu. com
7 | Agence de la transition écologique, « Étude du potentiel d’amélioration du recyclage des métaux en France : état des lieux du recyclage de l’acier, de l’aluminium et du cuivre en France et plan d’action », Rapport, 2023. Sur ademe. fr
8 | International Resource Panel, “Metal recycling : opportunities, limits, infrastructure”, Working Group on the Global Metal Flows, rapport, 2013. Sur resourcepanel. org
9 | US Energy Information Administration, “Recycling is the primary energy efficiency technology for aluminum and steel manufacturing”, 9 mai 2014. Sur iea. gov
10 | International Copper Association, “Recycling”, 2025. Sur internationalcopper. org
11 | Cai W et al. , “Mapping the global flows of steel scraps : an alloy elements recovery perspective”, Environmental Research Letters, 2023, 18 : 094048.
12 | « En Aveyron, un incendie dans un entrepôt de stockage détruit 900 tonnes de batteries au lithium », France 24, 18 février 2024.
13 | European Commission, “Tracking mobile phone recycling rate to improve them”, Cordis EU research results, 20 mars 2023. Sur cordis. europa. eu
14 | Bookhagen B, “Metallic resources in smartphones”, Thèse, University of Vienna, Faculty for Geosciences, Geography and Astronomy, 2020. Sur othes. univie. ac. at
15 | Tantawi ON, “Evolution of smartphones metal content with its fast-improving functionalities”, Thèse, Purdue University, 2020. Sur hammer. perdue. edu
16 | Fréel A, « Solvay abandonne ses unités de recyclage de terres rares en France », L’Usine nouvelle, 29 janvier 2016.
17 | European Union, “Lithium”, Solutions for Critical Raw Materials, Horizon 2020 Programme, factsheets, 1er novembre 2020. Sur scrreen. eu
18 | International Energy Agency, “Historical recycled input rate for selected materials, 2015-2023”, 18 novembre 2024. Sur iea. org
19 | « Règlement (UE) 2024/1252 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre visant à garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques », Journal officiel de l’Union européenne, 3 mai 2024.
1 Un minéral est une espère chimique inorganique à l’état solide, un minerai est un assemblage de minéraux dont un ou plusieurs sont des minéraux métallifères.
2 Le terme « métal » utilisé dans cet article désigne parfois des éléments qui ne sont pas à proprement parler des métaux, mais des métalloïdes aux propriétés intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux.
3 Les terres rares, au nombre de 16, sont des métaux particuliers aux propriétés chimiques proches, utilisés dans certaines technologies avancées (aimants, batteries, écrans, ampoules basse consommation, etc. ). Le terme « terre » fait référence à l’aspect pulvérulent terreux de leurs oxydes, qui ont été isolés par les chimistes souvent plus d’un siècle avant l’élément pur, un métal.
4 Matière première de recyclage (MPR) : ressource issue d’un premier traitement de déchets et répondant à des spécifications normées pour un usage industriel en substitution des matières vierges.
Publié dans le n° 353 de la revue
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L'auteur
Patrice Christmann

Chercheur et consultant indépendant dans les domaines de l’économie et des politiques des matières premières (…)
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