Les mines dans les pays en développement : aspects environnementaux
Publié en ligne le 26 juillet 2025 - Environnement et biodiversité -
L’extraction de ressources minérales du sous-sol est une activité essentielle dont l’utilité, voire la nécessité, ne peut être mise en doute : les métaux sont indispensables à notre quotidien. On les trouve dans nos voitures, dans les batteries de nos téléphones, dans nos appareils médicaux, dans nos bâtiments… La forte croissance des usages numériques et les transitions énergétique et environnementale nécessaires à la lutte contre le changement climatique entraîneront de facto une demande en forte croissance de métaux, donc du secteur de l’extraction minière. L’Agence internationale de l’énergie [1], la Commission européenne [2] ou le rapport Varin en France [3] soulignent tous une croissance du marché de ces ressources de 50 à 300 % pour certaines d’entre elles, dans le quart de siècle à venir.
L’exploitation minière dans les pays en développement joue parfois un rôle crucial dans leur développement économique. Mais l’extraction du sous-sol des minerais contenant ces métaux est, par essence, non durable dans le sens où les métaux extraits ne sont pas renouvelés. L’exploitation minière est souvent localisée dans des pays à développement faible, non seulement pour des raisons géologiques, mais aussi pour des raisons de coûts de main d’œuvre, de normes environnementales plus laxistes, voire de populations moins informées des impacts de cette activité et des droits qu’elles pourraient exercer.
Cette industrie a des impacts environnementaux significatifs, aussi bien aux échelles locales et régionales que globales. Pour en avoir une meilleure compréhension, il convient de différencier l’exploitation en surface de l’exploitation souterraine et de prendre en compte les procédés locaux d’extraction des métaux des roches exploitées. La phase d’extraction du minerai s’accompagne très fréquemment d’une première étape visant à séparer, au moins partiellement, les métaux d’intérêt de leur gangue rocheuse. Cette séparation se fait par une chaîne de procédés plus ou moins complexes, avec des impacts variables sur l’environnement : sélection mécanique par concassage, broyage, tri et dissolution chimique. Les matériaux rocheux extraits pour accéder au minerai et qui ne contiennent pas suffisamment de minéraux précieux pour être traités (les « stériles ») sont stockés en tas ou, après broyage et traitement, sont transformés en boues fines, souvent acides, stockées dans des bassins dits de décantation.
Les impacts environnementaux
Les impacts environnementaux sont nombreux, variés et parfois interdépendants. Ils sont souvent dus à de la négligence, au manque de compétences et de professionnalisme ou à une gestion historique défaillante. La plupart pourraient aujourd’hui être évités ou réduits, et réparés. Les responsabilités sont multiples. Les industriels sont directement responsables de leurs activités et des impacts associés, et ils ont les moyens techniques et financiers. Les États sont responsables de la définition et de la mise en place des gouvernances et de cadres réglementaires. Dans les pays en développement, il existe de nombreuses exploitations minières informelles ou illégales, souvent réalisées sans autorisation, qui posent de nombreux problèmes environnementaux et sociaux.
L’utilisation d’eau
Les mines, particulièrement celles de roche dure, utilisent de l’eau dans chacune des étapes du processus : production d’eau potable pour les travailleurs du site, équipements de refroidissement, séparation des déchets de minéraux, lutte contre la poussière. Ces usages sont alors en concurrence avec d’autres, en particulier dans des régions sèches et isolées où l’approvisionnement en eau et son élimination sont problématiques. Quand l’exploitation souterraine se situe sous le niveau de la nappe phréatique, par exemple, le pompage et l’évacuation de l’eau sont indispensables. Les quantités pompées peuvent devenir très importantes et atteindre plusieurs millions de mètres cubes d’eau par an.
La pollution de l’eau
Trois causes principales sont à l’origine de la pollution des eaux :
- un drainage acide contaminant les milieux naturels par ruissellement lorsque les roches contenant des sulfures sont exposées à l’humidité atmosphérique ;
- une contamination par des métaux comme l’arsenic, le cobalt, le cuivre et le plomb, provenant des roches déstabilisées par la variation d’acidité des eaux en ruissellement ;
- une pollution par des produits chimiques tels que le cyanure ou l’acide sulfurique utilisés pour extraire les minéraux.
Ces pollutions déséquilibrent les écosystèmes et peuvent être toxiques pour la faune et la flore. Elles peuvent contaminer les sources d’eau locales pour des dizaines d’années. De nombreux exemples de pollutions et atteintes aux écosystèmes sont reportés dans la littérature [4]. Ainsi, par exemple, les sols et les sources d’eau aux alentours de la mine de cuivre de Toquepala au Pérou, située loin des villes voisines et exploitée par environ 900 employés vivant sur place, ont été contaminés par l’arsenic (80-100 parties par milliard, qu’il faut ramener à moins de 10, correspondant à la limite recommandée par l’OMS pour les eaux de boisson [5]).

La déforestation et la perte de biodiversité
L’exploitation minière entraîne souvent une déforestation, en particulier pour l’exploitation en surface. L’emprise foncière de l’exploitation reste globalement faible, mais les routes construites pour accéder aux mines ouvrent l’accès à la forêt, et l’afflux de main-d’œuvre et d’infrastructures de soutien contribue à la déforestation. Ceci peut localement perturber les écosystèmes et la vie sauvage. Un exemple marquant est le bassin du Congo en République démocratique du Congo. L’extraction de cuivre et d’autres minéraux ainsi que l’arrivée massive des exploitants chinois ont entraîné une déforestation importante [6].
L’érosion et la dégradation des sols
L’accès au minerai demande de dégager végétation et sol pour pouvoir exploiter la roche, soit en front de mines, soit en galeries. Cela perturbe les sols et les roches, ce qui, sans précautions préalables, peut entraîner une érosion. L’excavation, elle, peut perturber l’écoulement des eaux souterraines, jusqu’à provoquer parfois l’assèchement des puits ou des cours d’eau environnants. En Afrique du Sud, dans la région du Bushveld, l’exploitation de platine, de palladium et d’autres métaux précieux a entraîné une érosion significative des sols. Le dynamitage et le creusement de vastes excavations ont exposé les sols à l’érosion par les pluies [7].
Le stockage des minerais extraits ou des stériles, les grands bassins de décantation demandent des surfaces qui peuvent être très significatives aux dépens de terres arables.
La transformation des paysages et la stérilisation de foncier
Les eaux usées sont rejetées sous forme de boue constituée d’un mélange de particules fines de gangue, de produits chimiques et d’eau vers des bassins de retenue ou de décantation. Elles peuvent former des retenues avec des barrages gigantesques. Si la surveillance et l’entretien sont insuffisants, les retenues se dégradent avec un risque de rupture et de pollution majeure des vallées en aval. En novembre 2015, près de la ville de Mariana au Brésil, la rupture d’un barrage de résidus miniers géré par les géants Vale et BHP avait engendré le déversement de dizaine de millions de mètres cubes de boues toxiques conduisant au décès de 19 personnes et à la destruction de plus de 200 bâtiments dans cinq municipalités du district, mais également à des conséquences environnementales majeures : pollution de 668 km de cours d’eau, destruction de forêts, etc. [8]. Une étude indique que 10 % des installations de stockage de résidus ont signalé des problèmes de stabilité notables [9].
L’effondrement de mines souterraines, créant des dolines ou fossés en surface, est aussi un risque. Ce fut le cas lors de l’effondrement de la mine de Belmoral en 1980 au Canada, qui créa en surface un cratère d’environ trente mètres de diamètre, ou celui de la mine de Kiruna en Suède, qui entraîne le déplacement de quartiers d’habitation.
Le bruit, les poussières, la santé publique
Explosifs, engins, broyage, etc. génèrent du bruit et des poussières. Les populations locales peuvent être exposées, ce qui peut entraîner des problèmes de santé. La silice cristalline présente dans les poussières de mines peut provoquer la silicose, une maladie pulmonaire chronique : elle a été dévastatrice pour les mineurs des XIXe et XXe siècles. Les programmes de prévention imposés par les réglementations ont été efficaces mais les mineurs des mines illégales dans les pays en développement payent encore un lourd tribut. Les poussières de plomb et d’autres métaux lourds peuvent entraîner des cancers pulmonaires. Dans certaines régions minières, des taux plus élevés de certains cancers sont observés [10].

Les émissions de gaz à effet de serre
Les principales sources d’émission de gaz à effet de serre liées à l’activité minière sont, d’une part, la production d’électricité pour les usages de la mine, souvent à partir de centrales thermiques au fioul car éloignée des réseaux électriques et, d’autre part, l’utilisation de véhicules lourds fonctionnant au diesel.
Après l’arrêt de l’exploitation
Les impacts environnementaux peuvent persister : les mines abandonnées peuvent continuer à libérer des polluants et les écosystèmes peuvent prendre beaucoup de temps à se rétablir. Les obligations des exploitants sont définies dans les codes miniers, mais la mise en place de réglementations et de politiques efficaces nécessite une capacité institutionnelle solide qui peut être limitée dans certains pays. Par ailleurs, il peut y avoir une difficulté à mobiliser les fonds nécessaires pour réparer une gestion historique déficiente.
Quelle gouvernance ?
Il est inconcevable de nos jours de ne pas concilier l’exploitation des ressources naturelles avec la protection de l’environnement et la sécurité des travailleurs. La sensibilisation aux impacts environnementaux s’est accrue au cours des dernières décennies, ce qui a entraîné des réglementations environnementales plus strictes dans le monde entier et une réponse correspondante de l’industrie minière internationale. L’enjeu est principalement la réputation, l’acceptabilité et donc, de plus en plus, le droit à opérer. Dans les pays les plus avancés, les mines sont régies par un Code minier et un Code de l’environnement 1. Ces codes donnent des cadres sur les règles d’attribution des permis d’exploration, d’exploitation avec des exigences environnementales strictes et spécifiques pour la protection des sols, de l’eau, de l’air, pour les spécifications de réhabilitation, etc.
Dans les pays à faible gouvernance, le contexte est souvent plus complexe et les cadres réglementaires peuvent être faibles, voire inexistants. Les gouvernements manquent de capacités juridiques et techniques, et les parties prenantes sont peu informées, ou peu organisées, pour faire reconnaître leurs droits et revendications. La dimension stratégique que revêt le secteur minier de ces pays peut les inciter à mettre en place une réglementation souple afin d’attirer les entreprises internationales.
De plus en plus, les entreprises vont au-delà de la conformité réglementaire. C’est le cas pour les entreprises internationales, très suivies par les organisations non gouvernementales, qui alertent, mais aussi par les agences de notation ou les proxy advisors (agences qui fournissent des conseils pour les votes des actionnaires). Cet enjeu est plus spécifique aux entreprises internationales privées et concerne peu les petites entreprises locales, voire les compagnies nationales.
Les organismes internationaux ont œuvré pour développer des mécanismes de régulation sur les dimensions environnementales et sociales. Dans les années 1990, sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), des principes visant à améliorer la performance environnementale des compagnies minières ont été mis en place. Parmi les plus connus figurent les « Berlin Guidelines » [11]. Plusieurs conventions environnementales internationales concernent l’industrie minière. Le Groupe international des experts pour les ressources (Gier) initié en 2007 sous l’égide du PNUE recense 90 initiatives à l’échelle mondiale : des documents cadres de politique publique, des lois et réglementations, des standards et des guides de bonnes pratiques, d’initiatives volontaires [12].
De façon générale, de nombreux pays miniers sont signataires de ces traités à caractère multilatéral et international, mais leur application effective dans les lois et réglementations de certains pays est souvent insuffisante pour assurer des standards de mines effectivement responsables : l’engagement volontaire des acteurs industriels est alors indispensable.
Ces engagements volontaires sont pris par les entreprises internationales quand elles sont soucieuses de leur réputation, par exemple, mais pour les entreprises nationales ou locales, peu ou pas soumises aux pressions des agences de notation et des ONG, une gouvernance ambitieuse est indispensable.
Quelques exemples d’initiatives de pratiques responsables
Des initiatives vont au-delà de ces cadres. Certaines entreprises décident, par exemple, d’inscrire leur activité minière dans des normes très ambitieuses comme celle de l’Initiative pour l’assurance minière responsable (Irma) [13]. Celle-ci couvre divers aspects de l’exploitation minière responsable et est, à ce jour, la seule qui prévoit une évaluation des sites miniers par une tierce partie régie avec les parties prenantes : l’entreprise, les communautés locales, la société civile et les travailleurs. Sur l’aspect environnemental, la norme s’attache à la minimisation des impacts à travers une gestion responsable des ressources naturelles, la protection de la biodiversité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. À ce jour, une vingtaine de mines dans le monde ont initié le processus, huit d’entre elles étant opérées par l’entreprise Anglo American, leader sur ce sujet. L’entreprise française Eramet a initié ce processus depuis un an et s’est engagée à ce que chacune de ses mines entre dans le processus d’ici trois ans [14]. Pour se conformer à la réglementation ou pour respecter leurs engagements, les entreprises transforment de plus en plus leurs pratiques. Elles mettent en œuvre des méthodes de développement et de gestion intégrant des mesures de suivi des impacts dans le but de les éviter, les minimiser et les réparer (voir par exemple [15]).
Conclusion
L’extraction de ressources minérales du sous-sol est une activité essentielle et indispensable, notamment pour la transition énergétique. Elle joue un rôle crucial dans le développement économique des pays en voie de développement qui disposent des ressources, mais l’extraction des minerais contenant ces métaux est par essence non durable et l’exploitation minière est une industrie à forts impacts environnementaux. Les responsabilités sont multiples : celle des États est dans la gouvernance et la mise en place de cadres réglementaires exigeants, celle des industriels qui ont les moyens techniques et financiers est de prévenir, minimiser et réparer ces impacts, et de travailler en coopération et respect avec les communautés locales, de collaborer avec leurs pairs et leur chaîne de valeur pour une gestion durable des ressources exploitées.
1 | International Energy Agency, “Global critical minerals outlook”, rapport, 2024. Sur iea.org
2 | European Commission, "Critical raw materials for strategic technologies and sectors in the EU : a foresight study", rapport, 2020
3 | MineralInfo , " France 2030 : le rapport "Varin" sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales remis au Gouvernement ", 11 janvier 2022
4 | Safe Drinking Water Fondation, "Exploitation minière et la pollution de l’eau", 2025.
5 | Organisation mondiale de la Santé, "Arsenic", 7 décembre 2022.
6 | Megevand C et al., "Dynamiques de la déforestation dans le bassin du Congo : réconcilier la croissance économique et la protection de la forêt ", Banque mondiale, 2013
7 | Golder Associates, "Volclay Bathlako Mining soil, land use, land capability assessment", rapport, mai 2012
8 | do Carmo FF et al., "Fundão tailings dam failures : the environment tragedy of the largest technological disaster of Brazilian mining in global context", Perspectives in Ecology and Conservation, 2017, 15:145-151
9 | Franks DM et al., "Tailings facility disclosures reveal stability risks", Scientific Reports, 2021, 11:5353
10 | Fernández-Navarro P, "Proximity to mining industry and cancer mortality", Science of The Total Environment, 2012, 435-6:66-73
11 | International Union for Conservation of Nature, "Governance : law and rights".
12 | Site de International Resource Panel
13 | The Initiative for Responsible Mining Assurance , "Standards", 2025.
14 | Eramet, "Eramet accélère son engagement RSE avec le lancement de son premier audit par l’Initiative for Responsible Mining Assurance", communiqué de presse, 11 mai 2023
15 | Comilog, "Nos actions environnementales", 2020.
1 Voir l’article dans ce dossier de Science et pseudo-sciences.
Publié dans le n° 352 de la revue
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L'auteur
Manoelle Lepoutre

Ingénieure géologue, administratrice de société minière, membre de l’Académie des technologies.
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