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Les ravages des faux souvenirs – ou la mémoire manipulée – en thérapie

Publié en ligne le 25 mai 2013 - Psychologie -

La conférence de ce vendredi 17 mai 2013 fut une intervention de haut niveau, riche et pointue. Le sujet est difficile et peu « public ». En effet, les ravages occasionnés par les faux souvenirs qui ressurgissent au cours d’une TMR (thérapie de la mémoire retrouvée) sont peu connus. Ce sont pourtant de nombreuses familles totalement brisées par de faux souvenirs d’abus sexuels qui auraient eu lieu dans l’enfance et qui seraient retrouvés au cours d’une psychothérapie, vingt ou trente ans plus tard.

Les TMR prennent leurs sources dans le concept de refoulement, en vogue chez de très nombreux psychiatres et psychothérapeutes. Vers 1890, nait le mythe qu’un traumatisme oublié serait la cause des troubles psychiques. Ce concept, bien que très populaire, n’a aucun fondement scientifique 1.

Elles s’appuient sur différents mythes qui ne sont pas validés par la science, par exemple l’émotion d’une victime rendrait crédible son témoignage ou la mémoire fonctionnerait comme une caméra vidéo. D’ailleurs, la clarté et la précision d’un souvenir ne sauraient pour autant attester de sa véracité, ce qui peut paraître surprenant au premier abord.

Les explications de Brigitte Axelrad s’appuient essentiellement sur les avancées scientifiques dans le domaine de la mémoire et sur la façon dont les souvenirs peuvent être inventés, manipulés ou transformés. Au cours de la conférence, le public a semblé particulièrement frappé par quelques exemples de fabrication expérimentale de faux souvenir. En commençant seulement par une suggestion cohérente, puis à partir de détails véridiques, en accentuant la plausibilité d’une situation, on glisse subrepticement vers une interprétation qui s’implante et prend toute sa place dans la mémoire. Certains ont pu ainsi se souvenir d’un voyage en montgolfière qu’ils n’ont pourtant jamais fait…

En effet, les images mentales ne sont pas des copies fidèles de la réalité. Le fonctionnement de la mémoire, qui est très malléable, permet la manipulation par la suggestion, notamment en psychothérapie. Le patient adhère facilement à ce qu’on lui propose, car il entre en psychothérapie à un moment où il est fragilisé et a soif d’explications et d’interprétations sur son mal-être.

La conviction de certains thérapeutes utilisant différentes méthodes comme les associations libres, l’interprétation des rêves ou la suggestion hypnotique peut aboutir à une grande distorsion des souvenirs. Des questions répétitives ou biaisées, la thérapie de groupe entraînant la contagion, y contribuent également. Parfois, il s’agit juste d’une pression insidieuse. Elle est d’ailleurs plus efficace si elle reste imperceptible. Pour certains psys, ce qui compte, c’est « la vérité du patient », peu importe que cela se soit passé réellement ou non !

Certains psychothérapeutes de la mémoire retrouvée sont tout à fait sincères. Ils croient dans cette théorie du refoulement pour l’avoir apprise. Ils poussent leurs patients dans cette direction. Toute attitude thérapeutique a une influence et la suggestion, de manière générale, commence dès l’entrée en thérapie. L’impact de la personnalité et de la croyance du psy est donc déterminant. (Par exemple, un psy d’inspiration freudienne articulera son discours autour de la sexualité.)

Il est essentiel de comprendre que, malheureusement, rien ne permet de différencier un faux souvenir d’un vrai ! Ni l’émotion, ni la netteté, ni la présence de détails précis… Ici réside l’extrême difficulté du sujet. Seule une (ou des) corroboration(s) indépendante(s) ou des preuves extérieures peuvent permettre d’avoir des certitudes. C’est pour cette raison que le problème est si sérieux. 56% des victimes des TMR ne reviendront jamais sur leurs accusations.

Les thérapies de la mémoire retrouvée détruisent les patients et leur famille, mais par ailleurs les victimes réelles d’abus sexuels sont discréditées, ce qui est tout aussi grave. Les médecins, mais aussi les juristes, avocats, juges ou journalistes sont souvent ignorants de ce problème et un important effort d’information doit être entrepris.

Après cet exposé d’une grande clarté, naît une discussion animée, où la conférencière répondra avec une grande compétence et un calme souverain aux questions brûlantes, comme aux demandes d’information spécifiques. On regrettera seulement que davantage de personnes ne se soient déplacées, dans ce week-end prolongé, malgré la présence de quelques représentants d’associations concernées.

Voir aussi le blog du comité local de l’AFIS pour le Languedoc-Roussillon

Pour approfondir le sujet : Les ravages des faux souvenirs ou la mémoire manipulée, par Brigitte Axelrad, Ed. Book-e-book.

1 Un point important est à noter : les études des victimes d’abus sexuels dans l’enfance suggèrent que les abus ne sont ni oubliés, ni refoulés.