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Les ressources françaises en métaux : un approvisionnement souverain est-il possible ?

Publié en ligne le 26 juillet 2025 - Environnement et biodiversité -

Le souvenir de la mine s’effaçant progressivement de la mémoire collective, la majorité du grand public a oublié que la France fut un grand pays minier. Un des tout premiers pays au monde à créer en 1783 à Paris une École royale des mines (devenue École des mines de Paris en 1816) pour former les cadres indispensables à la bonne marche de ce fleuron national, source de richesse qu’était alors la mine. La France fut aussi, il n’y a pas si longtemps, un leader mondial pour la production d’antimoine 1 (vers 1900-1910, l’usage principal étant alors les alliages métalliques, notamment pour renforcer le plomb dans diverses applications) et de germanium (1980-1990, largement utilisé dans l’électronique), ainsi qu’un des plus grands producteurs de fer dans les années 1950-1960, jouant un rôle clé dans l’approvisionnement des aciéries de France et d’Europe.

Encore nombreuses en France métropolitaine jusqu’aux années 1990, les mines fermèrent l’une après l’autre : l’histoire du fer lorrain s’achève à Audun-le-Tiche (Moselle) en 1997 après plus de 150 ans d’extraction, celles du zinc et du germanium à Saint-Salvy (Tarn) en 1993, celle de l’uranium au Bernardan (Haute-Vienne) en 2001 et celle de l’or à Salsigne (Aude) en 2004 [1]. Peu fermèrent en raison de l’épuisement de la ressource : les facteurs économiques furent bien plus déterminants. Contrairement à la métropole, l’activité minière de la France ultramarine est réelle : avec la Guyane et sa petite production d’or, et surtout la Nouvelle-Calédonie avec sa forte production de nickel (mais également de cobalt) qui hisse la France au rang de quatrième producteur mondial de ce métal. Pour être complet, signalons que la métropole exploite aujourd’hui trois mines, mais pas de métaux : une de sel à Varangéville (Meurthe-Et-Moselle) et deux de bauxite dans l’Hérault (Villeveyrac et Les Usclades), pour des usages en cimenteries et non pas pour la production d’aluminium métal (la bauxite est le principal minerai d’aluminium mais est aussi employée comme matière réfractaire).

Avec en objectif la transition énergétique et dans un environnement géostratégique instable, un récent rapport du Sénat affirme que « la connaissance, voire l’exploration et l’exploitation du potentiel minier de la France sont cruciales », posant la question d’une relocalisation partielle de cette industrie [2]. Le développement de nouvelles mines en France fait l’objet d’âpres controverses, certains affirmant à l’opposé qu’il n’est nul besoin d’ouvrir des mines, que ce soit en France ou en Europe [3].

Cet article apporte des éléments pour répondre à une question simple mais déterminante pour l’avenir : un approvisionnement souverain, ici considéré à l’échelle nationale, en certains métaux est-il possible ? Il aborde cette question sur le plan géologique, indépendamment des aspects socio-économiques et politiques.

On distingue, dans la production de ressources minérales, la production primaire issue de l’extraction dans le sol et la production secondaire issue du recyclage. Si ce dernier couvre une bonne part de nos besoins pour le plomb (le taux d’incorporation, c’est-à-dire la part de métaux recyclés dans la nouvelle fusion, est de 95 %), les métaux ferreux (43 %), le cuivre (35 % environ) et le zinc (30 %), sa contribution reste en deçà de 30 % pour la majorité des autres métaux, voire nulle comme pour les terres rares [4], et le recours aux métaux « neufs » demeure indispensable.

L’avenir minier peut s’envisager sous trois angles à risque financier croissant : poursuite de l’exploitation d’un gisement ancien (quand des réserves existent), estimation précise de cibles reconnues mais non exploitées et, bien sûr, l’exploration en terrain vierge (greenfield en anglais) pour de nouvelles découvertes, facilitée par le perfectionnement des outils d’exploration et la bonne connaissance de la géologie.

Rappelons que de très nombreuses découvertes minières ont été réalisées en métropole après 1945, la plupart à mettre au crédit de l’inventaire minier national (1968-1992) et de son acteur majeur, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM, établissement public créé en 1959 et rassemblant le Service de la carte géologique de la France et différents bureaux miniers existants dans les territoires d’outre-mer de l’époque) [5]. Certaines ont fait l’objet de travaux de reconnaissance avancée, débouchant parfois sur une exploitation partielle : zinc et germanium à Saint-Salvy dans le Tarn (1973-1992), antimoine aux Brouzils en Vendée (1990-1992) et à Ty Gardien dans le Finistère (1981-1983), or à Rouez dans la Sarthe (1989-1992), etc. En 2024, les potentialités minières métropolitaines ne sont donc pas des vues de l’esprit : des cibles minières ont été identifiées, certaines majeures, et des tonnages de minerai ont même été estimés [6, 7]. On dispose ainsi d’un catalogue très sérieux de cibles présentant un faible risque financier, notamment pour le tungstène, l’antimoine, l’or et le lithium (les deux premiers sont classés « substances de forte criticité » par l’Union européenne depuis 2020 – voir encadré), une base solide pour un redémarrage minier. N’oublions pas cependant que les ressources et réserves ont été évaluées en 1970-1990 avec les teneurs de coupure (teneur minimale en métal pour une exploitation rentable), modèles de gisements, estimation des ressources et réserves... pertinents à l’époque mais qu’il convient de réévaluer avec les critères internationaux des codes miniers d’aujourd’hui. L’évolution globalement à la hausse des cours et des marchés des métaux entre 1990 et 2024 autorise donc une vision optimiste quant à leur potentiel.

Les ressources minérales critiques


Les matières premières dites critiques sont des matières premières pour lesquelles un risque pèse sur la chaîne d’approvisionnement, soit parce que celle-ci est concentrée dans un très petit nombre de pays, soit parce que la stabilité politique des pays fournisseurs est limitée, alors qu’elles présentent un intérêt économique ou industriel fort pour les pays demandeurs. Certaines sont très utilisées pour le développement des nouvelles technologies, notamment celles des transitions énergétique et numérique. Elles sont donc au cœur d’enjeux stratégiques importants, allant même jusqu’à toucher directement à l’indépendance des pays […].

Ces matières premières critiques sont répertoriées par la Commission européenne tous les trois ans depuis 2011, sur une liste qui en compte aujourd’hui trente. Outre les terres rares (un groupe de 17 métaux aux propriétés voisines), cette liste comprend notamment l’indium, le cobalt, le lithium, la bauxite ou encore des métaux nobles 2comme le platine 3.

En France, le Comité pour les métaux stratégiques (Comes) publie depuis 2015 une matrice de criticité permettant d’identifier des métaux stratégiques pour la France, c’està-dire des métaux indispensables notamment pour l’économie du pays, l’indépendance énergétique et la défense. Cette liste spécifique à la France inclut notamment l’argent, le chrome ou encore le cuivre, qui ne sont pas identifiés comme critiques au niveau européen.

Source
CEA, « Les matières premières critiques », 2 février 2022. Sur cea.fr

L’Enlèvement du creuset brisé, Constantin Meunier (1831-1905)

Des potentialités très sérieuses pour certains métaux et substances

Sauf indication contraire, les chiffres des productions donnés par la suite sont issus des rapports « Commodities Statistics and Information » édités chaque année par l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS, organisme gouvernemental dédié aux sciences de la Terre) [8]. Dans certains documents, les pays de l’Union européenne apparaissent fréquemment comme « producteurs » de métaux parce que ceux-ci sont issus de fonderies établies sur leur sol, mais alimentées par du minerai importé. L’Islande et la Norvège sont ainsi les grandes productrices d’aluminium d’Europe alors qu’elles n’ont aucune mine de bauxite, mais une électricité bon marché permettant de produire l’aluminium à un coût minimal.

Le tungstène
Le tungstène est un métal très « critique » qui a de multiples emplois sous forme de carbures de tungstène et de carbures cémentés (54 % des utilisations), irremplaçables dans tous les outils de coupe et de forage, d’aciers au tungstène et de superalliages nécessaires à la fabrication des turbines d’avions et de fusées, d’armements, de boucliers antiradiations, ou encore de tungstène métal pour les filaments et résistances chauffantes. L’Europe en produit environ 1 500 tonnes par an (tungstène métal), grâce aux mines de Mittersill (Autriche) et Panasqueira (Portugal) pour une consommation annuelle proche de 17 000 tonnes [9, 10].
En France, l’ancien gisement de tungstène de Salau (Ariège) a été partiellement exploité (1970-1986) et dispose encore d’une ressource exploitable d’au moins 12 000 tonnes de tungstène métal [11]. Le gisement potentiel de Coatan-Noz (Côtes d’Armor) a été estimé en 1980 à 1,1 million de tonnes de minerai avec des quantités appréciables de cuivre qui accompagne le tungstène, et d’autres potentialités majeures existent, notamment dans l’emprise d’anciennes mines : Montbelleux (Ille-et-Vilaine, avec de l’étain), Leucamp-Enguialès (Cantal-Aveyron), Montredon (Tarn), et sur des cibles découvertes par l’inventaire minier (Fumade, Tarn, au moins 16 000 tonnes de tungstène) [6].

L’antimoine
L’antimoine est surtout un ignifugeant incorporé sous forme d’oxyde aux plastiques, caoutchoucs, textiles, peintures, et un alliage du plomb dans les batteries automobiles. L’Europe ne produit plus d’antimoine primaire, dont le marché est dominé par la Chine (40 000 tonnes des 84 000 tonnes produites dans le monde en 2022). Mais les potentialités françaises pour l’antimoine sont fortes, avec notamment le gisement des Brouzils (Vendée) aux réserves prouvées de plus de 10 000 tonnes qui ont été à peine entamées de 1990 à 1992, et le district minier de Brioude (Haute-Loire) qui recèle encore de belles réserves.

L’or
L’or est surtout employé en bijouterie (environ 60 % de la production) et, pour le reste, principalement comme métal d’investissement sous forme de lingots, pièces pour les banquiers et épargnants, considéré comme une valeur refuge depuis 4 000 ans ! Il y a quelques usages industriels – électronique en particulier – et un peu en dentisterie. La consommation annuelle française est estimée à 20 tonnes, avec une production nationale de 1,6 tonne en Guyane, à comparer à la production minière européenne (33 tonnes) et mondiale (3 060 tonnes) [12].

Un orfèvre dans son atelier, Petrus Christus (1415-1475)

Pour l’or métropolitain, l’essentiel des gisements est porté par des filons hercyniens profonds de plusieurs kilomètres (datant d’environ 300 millions d’années, lors de la formation de montagnes), les shear zones, connus dans le Limousin (Lauriéras, Cheni, Le Bourneix...). L’extraction n’a concerné que les parties très riches (teneur moyenne de 10 grammes par tonne, celle des mines actuelles étant de l’ordre de 1 gramme par tonne) et superficielles de ces filons (moins de 140 m à la Bellière et moins de 350 m à Lauriéras) ; un stock important d’or (et d’argent, un sous-produit constant associé à l’or) est donc toujours en terre [13]. Quatre permis exclusifs de recherche (PER) ont été accordés ces dernières années sur ces filons aurifères du Limousin.

Le lithium
Métal confidentiel il y a encore une quinzaine d’années, le lithium s’est imposé comme un des piliers de la transition énergétique, notamment par son emploi dans les batteries lithium-ion des véhicules électriques. Les besoins futurs varient selon les scénarios, mais suivent tous des courbes à pentes ascendantes et la production actuelle mondiale de 82 000 tonnes [14] va probablement exploser. La France est très bien placée avec le granite d’Échassières (Allier) qui est une des plus importantes réserves de lithium d’Europe. Il fait l’objet d’un projet de l’entreprise française Imerys qui envisage d’extraire 116 millions de tonnes de roches à 0,90 % d’oxyde de lithium permettant la production de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium directement utilisable dans les batteries. L’étain et le tantale seront des sous-produits d’extraction, c’est-à-dire des métaux associés en petites quantités au lithium dans le granite et récupérés en même temps que lui [14].

La fluorine
La fluorine (ou fluorure de calcium) est un minéral employé comme fondant, indispensable en sidérurgie et dans la production d’aluminium. C’est aussi le minerai d’un gaz, le fluor, aux multiples usages en chimie, notamment pour la fabrication de l’acide fluorhydrique et des gaz réfrigérants fluorés. C’est également une substance classée « critique » par l’Union européenne, entre autres parce que la Chine produit 5,7 des 8,3 millions de tonnes annuelles (soit 65 %). L’Europe en produit 160 000 tonnes par an dans des mines d’Espagne. La France ne produit plus de fluorine depuis 2005, mais elle possède près de 6 millions de tonnes de ressources estimées dans le Morvan [5], principalement sur les sites de Pierre-Perthuis (2,25 millions de tonnes), Courcelles-Fremoy (1 million de tonnes), et Antully (1,4 million de tonnes) où un projet d’exploitation suit son cours.

Des potentialités plus nuancées pour d’autres métaux

Le cuivre et le zinc
Le cuivre est également un des métaux clés de la transition énergétique et numérique en raison de sa conductivité électrique remarquable. La consommation française est d’environ 190 000 tonnes [1] dont 35 % proviennent du recyclage. Le zinc est surtout employé dans la galvanisation de l’acier, c’est-à-dire à la protection contre la corrosion (50 % de la consommation), destiné à la construction, l’industrie automobile, le transport, etc. L’Union européenne en produit près de 710 000 tonnes par an mais en consomme près de 2 millions de tonnes [10]. La France ne produit plus de zinc primaire (c’est-àdire issu de l’extraction minière, par opposition au recyclage) depuis 1992.

Pour ces deux métaux (avec souvent du plomb et de l’argent en sous-produits), de sérieuses potentialités existent dans l’Hexagone avec les gisements de sulfures de Porte-aux-Moines et Bodennec en Bretagne, Chizeuil dans le Morvan, Chessy dans le Lyonnais et surtout Rouez en Pays manceau [6] dont le tonnage (95 millions de tonnes de sulfures) en fait un amas de taille mondiale et une mine potentielle pouvant fournir 1,4 million de tonnes de zinc, 570 000 tonnes de cuivre, 280 000 tonnes de plomb et 145 tonnes d’or. Ceci correspond à une valeur contenue dépassant 20 milliards d’euros (cours des métaux de septembre 2024). Chessy (Rhône), reconnu par des travaux miniers en 1990, est un amas de taille moyenne (5,8 millions de tonnes de minerai) mais riche (8,2 % de zinc, 2,4 % de cuivre et 22 % de barytine).

Une autre cible minière est représentée par des gisements essentiellement zincifères mais riches en « petits » métaux stratégiques comme le germanium, l’indium et l’argent : Plélauff (Côtes d’Armor), Arrens (Hautes-Pyrénées), voire Saint-Salvy, un filon de zinc très riche en germanium, exploité jusqu’à 430 m de profondeur [15]. La bordure cévenole a déjà abrité des mines importantes de zinc (Les Malines, Hérault) et de plomb-argent (Largentière, Ardèche) et peut recéler de belles surprises que les méthodes modernes d’exploration minière permettraient de reconnaître.

L’uranium
L’uranium sert aujourd’hui en quasi-totalité de combustible dans les centrales nucléaires. Pour alimenter ses 57 réacteurs, la France en consomme près de 8 000 tonnes par an, fournis par le Kazakhstan, l’Australie, l’Ouzbékistan, le Niger, la Namibie et le Canada [16], la dernière mine française ayant fermé en 2001. La seule ressource notable connue (25 000 tonnes d’uranium) repose dans les sables de l’Éocène moyen de Coutras (Gironde) [1], mais il est probable que les anciennes mines du Limousin, de Vendée ou du Lodévois recèlent encore des ressources.

L’aluminium
Second métal produit à l’échelle mondiale après le fer (environ 82 millions de tonnes en 2022), extrait de la bauxite, l’aluminium possède de multiples usages dans des domaines très variés comme l’aéronautique, l’automobile, la construction ou l’emballage alimentaire. La France en consomme environ 1,3 million de tonnes par an [17] (et l’Union européenne plus de 6 millions), mais n’a plus de production minière. Les deux mines de bauxite actives dans l’Hérault alimentent exclusivement l’industrie cimentière.

Les réserves de bauxite de Provence et de l’Hérault ont été estimées à environ 20 millions de tonnes en 1980 [18], un chiffre trop faible pour espérer relancer l’exploitation pour la production d’aluminium.

Le nickel et le cobalt
Ces deux métaux « cousins » sont aussi parmi les métaux au centre des transitions énergétique et numérique. Irremplaçable dans les aciers inoxydables (64 % de la production), les piles et les batteries, le nickel est produit à raison de 3,27 millions de tonnes par an, mais pratiquement pas en Europe continentale (moins de 45 000 tonnes, extraits surtout en Finlande). Le cobalt est indispensable aux batteries, superalliages et aimants de haute technologie. La Finlande participe très modestement à la production mondiale (2 200 tonnes extraits sur les 197 000 tonnes mondiales), dominée par la République démocratique du Congo (144 000 tonnes).

Pour ces deux métaux, aucun espoir en métropole. Mais la Nouvelle-Calédonie est un des grands producteurs mondiaux de nickel (quatrième rang avec 200 000 tonnes en 2022 et plus de 20 % des ressources du globe) et un producteur notable de cobalt en sous-produit du nickel, avec 2 000 tonnes en 2022, un chiffre qui a hissé la France au rang de huitième producteur mondial [8].

Les terres rares
Les terres rares portent bien mal leur nom (qui date du XIXe siècle) : ce sont 17 métaux, et non des « terres », et pas si rares à l’échelle de la planète. Leurs propriétés magnétiques et optiques remarquables sont employées dans un large panel d’appareils de haute technologie, qu’il s’agisse de rotors d’éoliennes, de smartphones, de batteries de véhicules hybrides et électriques. En revanche, elles sont effectivement très rares en métropole : aucune ressource économique n’y a été identifiée à ce jour et la géologie laisse peu d’espoir quant à une éventuelle découverte.

D’autres métaux utiles
En ce qui concerne d’autres métaux utiles, mais rares en France, les potentialités existent mais sont plus limitées. Abbaretz (Loire-Atlantique) possède un « stock » identifié dans les années 1970 de plus de 8 000 tonnes de cassitérite, le minerai d’étain. Des potentialités sérieuses existent pour le titane et le zirconium dans les « grès à rutile et zircon » de Bretagne et de Normandie, notamment près d’Acqueville dans le Cotentin [19]. Pour le molybdène (et le cuivre), il existe à Beauvain dans l’Orne un gisement potentiel sondé et étudié en 1987-89.

Le fer
Terminons avec le métal roi de nos industries : le fer. Les minerais de fer français de Lorraine, de Normandie et d’Anjou, autrefois intensément exploités, ont une teneur trop basse pour espérer concurrencer les minerais riches des gigantesques gisements australiens, brésiliens et sud-africains.

Conclusion

Un puits de mine envahi par la végétation, Carl Gustav Carus (1789-1869)

Actuellement en sommeil, l’exploitation minière française de l’Hexagone connut de grandes heures. En 2024, contrairement à ce que pourrait laisser croire la myriade d’anciennes mines, des ressources notables en certains métaux dorment encore dans notre sous-sol, créant le prélude indispensable pour un réveil minier. Ces ressources y seraient exploitées dans des mines aux conditions de sécurité et de respect de l’environnement drastiques, avec des techniques à la pointe du progrès, bien loin de l’image dramatique de Germinal qui, si elle est obsolète dans nos pays industrialisés, reste malheureusement trop actuelle dans certaines régions minières de la planète [16].

La géologie délivre donc un état des lieux factuel clairement optimiste quant aux ressources potentielles : comme nous venons de le voir, la France est correctement dotée en plusieurs métaux et autres substances ; sans rêver d’une autonomie complète, un approvisionnement national est possible pour des substances critiques comme le tungstène, l’antimoine et la fluorine, qui sécuriserait en partie nos filières aval, en plus d’améliorer notre balance commerciale et de créer des emplois.

Mais des travaux de certification des réserves sont nécessaires pour attirer des investisseurs et rebâtir partiellement une filière. Ces objectifs ne peuvent se concrétiser que dans un climat de confiance résultant d’une volonté politique claire. Depuis peu, celle-ci s’est exprimée au niveau gouvernemental avec la création en 2022 de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi, animé par le BRGM et en partenariat avec le CEA, l’Ifpen, l’Ifri et le Conservatoire des arts et métiers [12]), la mise en route d’un nouvel inventaire minier, le programme France Relance, et la signature d’accords bilatéraux avec deux grands pays miniers, le Canada et l’Australie, pour sécuriser nos approvisionnements, en attendant le relais partiel par une production nationale. Les fruits de cette volonté commencent à mûrir : une douzaine de permis exclusifs de recherche (PER, autorisant l’exploration minière sur un secteur bien délimité) ont été récemment accordés en métropole, un premier pas vers le réveil minier.

L’Union européenne, avec son Critical Raw Material Act (CRMA) [20], se fixe comme objectif de réduire notre dépendance, notamment en adaptant les législations pour faciliter les exploitations des matières premières critiques, un pas encore dans le sens d’une plus grande souveraineté en termes d’approvisionnement en métaux.

Références


1 | Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, La Mine en France : histoire industrielle et sociale, Serge Domini, 2018.
2 | Sénat, "Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique", rapport, 6 juillet 2022
3 | Izoard C, "Nous n’avons pas besoin d’ouvrir des mines en Europe", Reporterre, 25 octobre 2022
4 | Mineral Info, "Les ressources secondaires en France", portail français des ressources minérales non énergétiques. Consulté le 13 février 2025
5 | Béziat P, Bornuat M, Carte minière de la France métropolitaine à 1/1 000 000, Éditions du BRGM, 1995.
6 | Minéral Info, "Le potentiel du sous-sol français", portail français des ressources minérales non énergétiques. Consulté le 13 février 2025
7 | Marcoux É, "Panorama des gisements et du potentiel français", Géologues, 2016, 189:53-60
8 | National Mineral Information Center, "Statistics and information on the worldwide supply of, demand for, and flow of minerals and materials essential to the US economy, the national security, and protection of the environment", 2024.
9 | Marcoux É, "Le tungstène dans le monde en 2018", Mines et Carrières, 2019, HS25:5-43
10 | Marcoux É, "Les métaux en Europe en 2022 : production, autonomie, potentialités", Mines et Carrières, 2022, 307:37-49
11 | Poitrenaud T et al., "The perigranitic W-Au Salau deposit (Pyrenees, France) : polyphase genesis of a late Variscan intrusion related deposit", Bulletin de la Société géologique de France, 2021, 192:1-24
12 | Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielle, " Qu’est-ce que l’OFREMI ? ". Consulté le 13 février 2025.
13 | Bouchot V et al., " Les minéralisations aurifères de la France dans leur cadre géologique autour de 300 Ma ", Chronique de la recherche minière, 1997, 528:13-62.
14 | " EMILI : un projet pour la transition énergétique et la souveraineté européenne ". Consulté le 13 février 2025.
15 | Cassard D et al., " Mise en place et origine des minéralisations du gisement filonien à Zn, Ge, Ag (Pb,Cd) de Noailhac-Saint-Salvy (Tarn, France) ", Chronique de la recherche minière, 1994, 514:3-37.
16 | Connaissance des énergies, "D’où vient l’uranium naturel importé en France ?", 30 juillet 2024.
17 | Cristiani J, "Souveraineté industrielle et énergétique : le cas exemplaire de l’aluminium français", La Tribune, 20 août 2022
18 | Lajoinie JP, Laville P, " Inventaire des formations bauxitiques du Midi de la France ", Annales des Mines, 1980, 155-66.
19 | Marcoux É, Mines et ressources minérales d’Armorique, Société de l’Industrie Minérale, 2017.
20 | European Commission, "Critical raw materials act", 2024.

1 L’antimoine est un métalloïde, élément aux propriétés intermédiaires entre un métal et un non-métal.

2 Métaux particulièrement résistants à la corrosion, et qui peuvent se trouver tels quels dans la nature : or, rhodium, osmium, palladium, ruthénium, iridium et platine. On inclut parfois l’argent et le cuivre [NDLR].

3 La liste des ressources minérales critiques comprend également des minerais dont l’intérêt n’est pas la production d’un métal [NDLR].

Publié dans le n° 352 de la revue


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L'auteur

Éric Marcoux

Consultant et professeur émérite de l’université d’Orléans. Il a été vice-président de la Société géologique de (…)

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