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Moi le blob

Publié en ligne le 4 janvier 2023
Moi le blob
Audrey Dussutour et Simon Bailly
HumenSciences, 2022, 248 pages, 18 €

Le blob, petit nom donné par Audrey Dussutour à son sujet de prédilection, le fameux Myxomycète Physarum polycepharum, revient dans un second ouvrage de la même autrice. Habituellement tapi dans la litière ou le bois mort des forêts, il « se déplace et se nourrit comme un animal, produit des pigments comme une plante, se reproduit comme un champignon, mais n’appartient à aucune de ces trois grandes branches de la classification des espèces » 1.

La taille énorme de la seule cellule qui le constitue et la facilité à le cultiver en ont fait un sujet d’étude de prédilection jusque dans les années 1970. Malgré tout, les avancées techniques concernant la culture de cellules animales ont réduit l’intérêt qu’on lui portait, mais l’expérience du labyrinthe, en 2000, de Toshiyuki Nakagaki l’a remis sur le devant de la scène en surprenant la communauté scientifique par son « intelligence » alors que le blob est dépourvu de cerveau 2.

L’éthologiste qui a rédigé cet ouvrage, connue pour ses travaux sur les fourmis et certains unicellulaires, est très investie dans la valorisation des sciences auprès du public. En 2021, elle a disséminé des blobs à travers la France à près de 350 000 élèves et 5 000 enseignants, en parrainant avec Thomas Pesquet l’expérience éducative proposée par le Cnes et le CNRS « Élève ton blob » 3.

Alors que son premier ouvrage 4 permettait aux lecteurs, grâce à cet unicellulaire, d’appréhender le quotidien des chercheurs, ce nouvel opus choisit une approche anthropomorphique, clairement affichée. Cette approche permet selon l’autrice de « faire voler en éclat les barrières imaginaires qui vous séparent des autres êtres vivants ». Ce choix pourrait surprendre mais cet objectif est atteint tout en nuance, notamment grâce à des précisions sur des concepts majeurs de biologie. Le lecteur pourra ainsi appréhender l’organisation, le fonctionnement, les comportements et les applications du blob, ainsi que ses relations avec les autres membres présents et passés du domaine du vivant. Chaque chapitre emprunte des titres de films culte choisis astucieusement pour illustrer les concepts abordés. Le titre « Les gremlins » permet d’aborder, par exemple, les conditions de culture c’est-à-dire les effets de l’eau, de la nourriture et de la lumière sur cet organisme. La compréhension du contenu scientifique passe ensuite par l’identification d’analogies avec la biologie de l’humain. A. Dussutour nous apprend ainsi que l’ADN du blob ne contiendrait pas moins de 34 000 gènes codant des protéines, alors que le nôtre n’en comporterait que 21 000. L’ouvrage est également parsemé d’une dizaine de protocoles expérimentaux faciles à mettre en œuvre et amusants, ainsi que des conseils pour permettre à tout un chacun de découvrir de façon concrète le blob. Il est ainsi possible de tester les aptitudes de prédiction et de mémorisation de cet organisme modèle, par exemple dans des labyrinthes. Le livre se termine par une très courte mais efficace bibliographie. En effet les quelques références choisies suffisent pour s’orienter vers des lectures riches en informations scientifiques.

L’esthétique du livre a également son importance. Simon Bailly, qui collabore souvent avec la presse et qui a illustré quelques livres avec son univers graphique original, propose ici une partie en bande dessinée qui introduit cet étrange être unicellulaire en s’appuyant sur la première apparition médiatique du blob, l’histoire vraie de Marie Harris publiée en 1973 dans The New York Times 5.

Permettre à un public novice en science d’effleurer ne serait-ce qu’imparfaitement la complexité d’un organisme semble un défi impossible. Et pourtant, A. Dussutour y parvient avec élégance. Son idée brillante étant de glisser discrètement des concepts fondamentaux des sciences dans un scénario amusant.

Attention toutefois à ne pas lire cet ouvrage en diagonale, il faut approfondir sa lecture pour profiter de l’expérience !

1 Herzberg N, « Le blob, cet étrange génie visqueux, ni plante, ni animal, ni champignon », Le Monde, 19 juin 2017.

2 Oettmeier C, “Physarum polycephalum—a new take on a classic model system”, Journal of Physics D : Applied Physics, 2017, 50:413001

4 Dussutour A, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le Blob sans jamais oser le demander, Équateurs Sciences, 2017.

5 “‘Blob’ Grows in Dallas ; Housewife Is Puzzled”, The New York Times, 30 mai 1973.