La qualité de l’air intérieur
Publié en ligne le 13 février 2025 - Environnement et biodiversité -
Nous passons en moyenne 85 % de notre temps dans des environnements clos dans lesquels nous pouvons être exposés à de nombreux polluants. Même si elle est encore loin d’être aussi médiatisée et étudiée que la pollution de l’air extérieur, la qualité de l’air intérieur, relativement méconnue jusqu’au début des années 2000, fait ainsi l’objet d’un nombre croissant de travaux de recherche et d’un renforcement de la réglementation. La crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de Covid-19 a même placé, du moins pour un temps, le sujet au centre de l’attention du public et des scientifiques et rappelé l’importance pour la santé d’assurer un bon renouvellement de l’air intérieur dans les logements, les écoles, les locaux de travail et les bâtiments recevant du public.
En Europe, la politique d’économie d’énergie induite par les chocs pétroliers des années 1970 a conduit à la construction de bâtiments plus étanches pour assurer une meilleure isolation. La réduction des taux de renouvellement d’air combinée à l’utilisation d’un nombre croissant de nouvelles substances chimiques sont à l’origine de concentrations intérieures notables pour certains polluants, notamment des composés organiques volatils (COV) dont le formaldéhyde (classé par l’OMS comme cancérigène certain pour l’Homme), à des niveaux très supérieurs à ceux de l’air extérieur [1]. Cette tendance s’est renforcée dans un contexte de lutte contre le changement climatique incitant à accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, un important gisement d’économie d’énergie. Des travaux [2] ont montré que les mesures de rénovation énergétique, lorsqu’elles ne sont pas associées à une adaptation de la ventilation, peuvent induire un piégeage des polluants et une augmentation de leurs concentrations intérieures. C’est notamment le cas du radon [3, 4, 5].
La qualité de l’air intérieur dépend de facteurs multiples qui interagissent et évoluent continuellement dans le temps. Pour évaluer ses effets sur la santé, la tendance actuelle est de considérer la qualité de l’environnement intérieur dans sa globalité, en tenant compte non seulement des polluants chimiques et biologiques, mais aussi des autres paramètres présents comme le bruit, la lumière (naturelle ou artificielle) et le confort thermique. Ils peuvent être des motifs d’insatisfaction associés à la perception d’une mauvaise qualité de l’air intérieur, bien qu’il ne s’agisse pas de pollution de l’air en tant que telle. Nous ne traitons pas ici de cette dimension supplémentaire.

Paradoxalement, alors que son évaluation est complexe, les solutions pour assurer une bonne qualité de l’air intérieur sont connues et relativement simples à mettre en œuvre dans la plupart des cas. L’efficacité du renouvellement de l’air (ventilation, aération, filtration), le contrôle du taux et des sources de pollution ainsi que de l’humidité à l’intérieur des bâtiments sont des facteurs clés de la qualité de l’air dans les espaces clos [6].
Sources de pollution
Les sources de pollutions intérieures sont très variées et peuvent être réparties en plusieurs catégories [7] :
- Les activités humaines : tabagisme, bricolage, utilisation de bougies parfumées, d’encens et d’huiles essentielles, de produits d’entretien et d’hygiène corporelle…
- L’occupation des lieux : présence humaine (taux d’occupation), animaux domestiques, plantes, présence de nuisibles potentiellement allergéniques, usage d’insecticides, de pesticides…
- Les équipements : peintures, moquettes, colles, ordinateurs et imprimantes…
- Les matériaux de construction, d’ameublement et de décoration : meubles, appareils de chauffage, de cuisson…
- L’air en provenance de l’extérieur s’il n’est pas filtré : transports, activité industrielle, chauffage urbain, agriculture...
- Polluants issus des sols : radon, hydrocarbures, anciennes activités industrielles...
Nature des polluants
Ces sources génèrent des polluants d’origine, de nature et de composition hétérogènes [8].
Polluants biologiques
Il s’agit de micro-organismes tels que bactéries et virus, d’allergènes notamment liés à la présence d’acariens, de blattes, d’animaux domestiques, de pollens et de plantes d’intérieur, de moisissures qui émettent des COV dès le début de leur développement favorisé par une humidité excessive, de bio-effluents humains…
Agents physiques
Ce sont des fibres minérales (amiante, laine de roche), particules (en suspension dans l’air, déposées sur les surfaces, ou générées par la cuisson des repas, les activités de bricolage, le tabagisme), humidité, radioactivité liée à la présence de radon dans le sol…
Agents chimiques
On trouve en particulier des COV issus des matériaux de construction, de décoration, des produits d’entretien et parfums d’ambiance, de la fumée de tabac (dont tabagisme passif), du dioxyde d’azote issu de processus de combustion comme la cuisson au gaz, de l’ozone (imprimantes, photocopieurs, purificateurs d’air), des métaux lourds, des insecticides et autres biocides… La fumée de tabac, quand elle est présente, constitue la principale source de pollution de l’air intérieur [7] avec 4 000 composants chimiques (dont 250 nocifs et 50 cancérigènes) [9].
Certains polluants, particulièrement dangereux pour la santé, font l’objet d’une surveillance spécifique :
- Le monoxyde de carbone, gaz inodore et incolore émis lors de processus de combustion incomplète, notamment par des appareils vétustes, défectueux ou inadaptés pour se chauffer ou cuisiner. Ce gaz toxique est à l’origine d’une centaine de décès chaque année en France [10].
- Le plomb, utilisé autrefois dans les peintures et maintenant interdit.
- L’amiante, cancérogène avéré pour l’Homme.
- Le radon, gaz radioactif d’origine naturelle, qui doit faire l’objet d’une vigilance spécifique dans les régions géographiques granitiques ou volcaniques.
La hausse de l’humidité relative ou de la température peut favoriser la libération de polluants, notamment des COV, par les matériaux. Ce risque, qui pourrait augmenter avec le changement climatique, concerne une part importante des logements existants, via le séchage du linge, la douche, la préparation des repas, mais également des bâtiments tertiaires du fait de défauts lors de leur construction ou d’un excès d’étanchéité, non compensé par une ventilation adaptée, favorisant une condensation à l’intérieur [12].
Des spécificités selon les usages
En dehors des logements qui cumulent de multiples sources de pollution intérieure, d’autres espaces clos présentent certaines spécificités.
Dans les lieux d’enseignement, les produits (colles, feutres, peintures, etc.), les activités (dont le nettoyage) et le mobilier présents contribuent à une pollution marquée essentiellement par les composés organiques volatils et semivolatils (aldéhydes, phtalates…), les particules fines (craies), mais également des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et du lindane (insecticide longtemps utilisé dans la protection du bois et interdit pour cet usage depuis 2006, mais toujours utilisé en médecine vétérinaire pour les animaux domestiques et en médecine humaine contre les poux et la gale), présents dans l’air de 100 % des écoles selon la campagne nationale écoles conduite par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur entre 2013 et 2017 [13].
Dans les immeubles de bureaux, le matériel (imprimantes, photocopieurs, mobilier, revêtements de sol) et l’utilisation fréquente de produits d’entretien sont des sources de COV et d’ozone. La pandémie de Covid-19 a mis en lumière la notion de confinement, estimé via la mesure de la concentration en dioxyde de carbone (CO2), traceur de présence humaine, dont les fortes teneurs dans un espace clos p. ex. salle de réunion) indiquent une mauvaise adéquation du renouvellement de l’air de la pièce à sa densité d’occupation [7].

Les lieux clos de pratique sportive sont à l’origine de pollutions spécifiques, telles les piscines exposant le public et le personnel aux chloramines et trihalométhanes présents dans l’air et l’eau et résultant de réactions chimiques entre les produits de désinfection chlorés et les substances organiques apportées par les baigneurs (sueur, salive, urine). Ces substances irritantes, à l’origine de l’odeur caractéristique des piscines, provoquent des réactions inflammatoires oculaires, cutanées et respiratoires, des rhinites et de l’asthme [14].
Voies d’exposition
Nous respirons en moyenne 15 m3 d’air par jour. La voie d’exposition préférentielle aux polluants de l’air intérieur est l’inhalation.
Pour les enfants, l’ingestion via les contacts mains-bouche pourrait également être une voie d’exposition non négligeable. Elle est notamment à l’origine de plombémies importantes liées à l’ingestion de particules de plomb parfois présentes dans les peintures ou les canalisations de logements anciens [15]. De nombreuses mesures réglementaires ont contribué à diminuer l’exposition à cette pollution : en 1995, plus d’un quart des enfants de un à six ans avaient une concentration de plomb dans le sang supérieur à 50 μg/L, elle est tombée à environ 2 % en 2017 [16].
L’impact sanitaire potentiel de certains composés semi-volatils (phtalates, biocides…) pouvant être présents dans l’air intérieur ainsi que sur les surfaces où ils se déposent suscite un intérêt croissant concernant, en particulier, leur effet perturbateur endocrinien [17].
Effets sur la santé
Une bonne qualité de l’air à l’intérieur d’un bâtiment a un effet positif démontré sur le bien-être des occupants et améliore la performance des élèves dans les écoles et des travailleurs dans les bâtiments de bureaux. À l’inverse, la pollution de l’environnement intérieur peut avoir un impact néfaste sur notre santé.
La relation de causalité entre l’exposition à des polluants et la survenue d’effets potentiels sur la santé est souvent difficile à démontrer, et ce d’autant plus que nous sommes tous exposés à des mélanges de polluants à faibles doses pouvant interagir entre eux (par exemple le radon et le tabac [18]).
Les personnes âgées, les enfants en bas âge, les personnes porteuses de maladies chroniques, en particulier respiratoires et cardio-vasculaires sont non seulement les plus sensibles à cette pollution mais aussi ceux qui passent le plus de temps à l’intérieur [19].
À l’échelle de la France métropolitaine, une étude publiée en 2014 a montré que l’exposition à six polluants de l’air intérieur (benzène, trichloroéthylène, radon, monoxyde de carbone, particules en suspension dans l’air et fumée de tabac environnementale) est susceptible d’entraîner chaque année le décès d’environ 20 000 personnes, dont plus de 16 000 attribuables aux seules particules [20] (voir encadré).
Une étude publiée en 2014 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) évalue à 19 884 la mortalité totale en un an engendrée par six polluants de l’air intérieur, avec la répartition suivante (il s’agit ici d’une estimation mathématique et non de décès réellement observés) :
- 342 décès liés au benzène suite à une leucémie ;
- 20 décès par cancer du rein engendré par le trichloréthylène ;
- 2 074 décès par cancer du poumon associé à une exposition au radon résidentiel ;
- 98 décès venant d’une intoxication au monoxyde de carbone ;
- 16 236 décès associés à une exposition aux particules en suspension dans l’air, dont 10 006 d’origine cardiovasculaire, 2 074 par cancer du poumon et 4 156 des suites d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ;
- 1 114 décès par la fumée de tabac environnementale dont 152 par cancer du poumon, 510 par infarctus, 392 par accident vasculaire cérébral et 60 des suites d’une BPCO.
Source
« Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur », Anses/ABM/CSTB, Rapport d’étude, avril 2014. Sur anses.fr
Des populations plus vulnérables
Les personnes en situation de précarité sont particulièrement exposées à une mauvaise qualité de l’air intérieur au sein de leur foyer [21], souvent situé dans des quartiers à pollution de l’air extérieur marquée (transports, industries). Leur logement peut être exempt de ventilation ou avoir des bouches d’aération calfeutrées pour se préserver du froid. L’utilisation de chauffages d’appoint, d’appareils vétustes, mal entretenus ou non conçus pour être utilisés à l’intérieur (comme les braseros et les barbecues), augmente le risque d’intoxication au monoxyde de carbone, parfois mortel.
La crise énergétique en Europe liée au conflit entre la Russie et l’Ukraine a contribué à la pollution de l’air, en raison de la combustion accrue de charbon et de bois ou même de déchets pour le chauffage domestique, au moyen d’appareils vétustes ou de cheminées à foyer ouvert, entraînant un impact sur la santé [22].
Symptômes et pathologies
Les symptômes les plus fréquents liés à une dégradation de la qualité de l’air intérieur sont une irritation ou des manifestations allergiques au niveau des yeux, du nez, de la gorge, de la peau, une congestion des sinus, une toux, des éternuements, des maux de tête, une sensation de fatigue ou de malaise, des nausées. Ces symptômes sont cependant dits « non spécifiques » car d’autres facteurs que la mauvaise qualité de l’air peuvent y contribuer.

Une dégradation de la qualité de l’air intérieur peut également provoquer l’apparition ou l’aggravation de pathologies aiguës ou chroniques, en particulier respiratoires (asthme et bronchopneumopathie chronique) [23]. Certaines substances augmentent le risque de cancers qui peuvent apparaître après l’exposition. C’est le cas du mésothéliome, un cancer lié à l’exposition aux fibres d’amiante, et du cancer du poumon pouvant survenir après exposition au tabac ou au radon [24]. On estime à 3 000 le nombre annuel de décès par cancer du poumon liés à l’exposition domestique au radon [11].
Une augmentation importante et préoccupante de la fréquence des allergies respiratoires (asthme et rhinite allergique) est observée depuis plusieurs décennies dans les pays industrialisés. Elles touchent particulièrement les enfants, adolescents et jeunes adultes et pourraient être en partie liée à des facteurs environnementaux comme l’exposition précoce dans la vie (y compris au stade fœtal) aux allergènes et à certains polluants chimiques retrouvés à l’intérieur des locaux [25, 26].
Un excès d’humidité favorise le développement de moisissures pouvant générer des effets délétères sur la santé respiratoire : développement et exacerbation de l’asthme chez les enfants et les adultes sensibles exposés, risque de rhinite allergique [27].
Certains composés organiques semi-volatils (COSV) sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens [28]. D’autres, tels le benzène et le formaldéhyde, sont classés « cancérigènes certains » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). D’autres encore provoquent des effets sur le système nerveux, le système reproductif, l’immunité… Les nanoparticules (diamètre inférieur à 100 nm) émises dans l’air intérieur au cours de l’utilisation ou de la dégradation de matériaux ou de produits de consommation courante peuvent pénétrer profondément dans l’organisme, notamment dans les poumons, le cerveau, la circulation sanguine, avec des effets potentiellement toxiques encore mal connus.
Lorsque plusieurs personnes au sein d’un même bâtiment se plaignent de symptômes non spécifiques (fatigue, maux de tête, malaises, irritations, etc.) pour lesquels on ne retrouve pas de cause infectieuse ni toxique, on évoque un « syndrome collectif inexpliqué », terme qui remplace peu à peu celui de « syndrome des bâtiments malsains » introduit dans les années 1970 et reconnu par l’OMS en 1983. Des facteurs environnementaux favorisants sont souvent retrouvés : ventilation insuffisante, inconfort olfactif, pollution sonore ou lumineuse dans les locaux, ambiance de travail dégradée. Le fait que ces symptômes disparaissent lorsque la personne quitte le bâtiment est évocateur d’un tel syndrome [29]. Plus de 30 % des immeubles seraient concernés [30], avec un coût élevé pour les entreprises et la société via une diminution des performances des salariés et une augmentation de l’absentéisme.
Coût de la pollution de l’air intérieur
Une étude exploratoire publiée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en 2017 a évalué le coût socio-économique de la pollution de l’air intérieur à 19 milliards d’euros par an en France en tenant compte de seulement six polluants (benzène, trichloréthylène, radon, monoxyde de carbone, particules et fumée de tabac environnemental) [31].
Aux États-Unis, le Bureau de l’air de la Californie a estimé en 2005 à 45 milliards de dollars le coût annuel de la pollution de l’air intérieur (pour 34 millions d’habitants en Californie en 2000) [32].
Comment assurer une bonne qualité de l’air intérieur
Le contrôle de la qualité de l’air intérieur passe par la maîtrise des sources de pollution via la filtration de l’air entrant extérieur, par le choix de matériaux de construction et de décoration peu émissifs en COV, puis par une dilution et une évacuation efficace des polluants de l’air intérieur grâce à une ventilation adaptée.
Ventilation
Pour assurer une bonne qualité de l’air intérieur, une ventilation adéquate est nécessaire. Les besoins varient selon le type de bâtiment, le type de local dans un même bâtiment ainsi que le taux d’occupation et l’activité des occupants.
Dans les bâtiments résidentiels, outre la ventilation naturelle, le principal système utilisé est la ventilation mécanique contrôlée (VMC). En pratique, la ventilation doit être permanente et la circulation de l’air assurée par l’entrée d’air dans les pièces principales (séjour, chambres) et son extraction dans les pièces de service (cuisine, salles de bains, WC). Les entrées et sorties d’air doivent être convenablement et régulièrement entretenues (dépoussiérage notamment) et ne pas être obturées. Si la réglementation impose depuis 1982 un système de ventilation [33], le recours à une VMC n’est pas obligatoire dans l’habitat individuel privé.
Dans les immeubles de bureaux, des réglementations définissent les dispositifs à mettre en place [34, 35].
Les systèmes de ventilation doivent également satisfaire à des exigences portant sur la performance énergétique, la sécurité incendie et le confort acoustique.
En milieu scolaire, des études ont montré que des taux de renouvellement de l’air intérieur insuffisants et des concentrations importantes de dioxyde de carbone (CO2) sont liés à une dégradation des performances scolaires ainsi qu’à un taux d’absentéisme accru [36].
Surveillance de la qualité de l’air intérieur
Depuis le 1er janvier 2023, la surveillance de la qualité de l’air est obligatoire dans les crèches, garderies, les établissements scolaires de la maternelle au lycée (général, technologique et professionnel), ainsi que dans les centres de loisirs, pour s’assurer de l’efficacité de leurs moyens d’aération et du respect des valeurs guides édictées par l’OMS, l’Anses et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP).
Sans avoir pour le moment de caractère obligatoire dans le secteur tertiaire, les mesures prises pour assurer une ventilation adéquate pendant la pandémie et les coûts pour les entreprises dus à une détérioration de la qualité de l’air intérieur incitent à contrôler les concentrations de polluants dans les locaux de travail pour s’assurer que le renouvellement d’air est suffisant.
La vente à des particuliers et des institutions (écoles, entreprises…) d’appareils portables revendiquant des propriétés d’épuration de l’air intérieur a fortement augmenté avec la pandémie de Covid-19[2]. Cependant, la question de leur efficacité mais aussi de leur innocuité se pose.
Destinés à l’ensemble de la population, ces dispositifs ciblent plus particulièrement les personnes asthmatiques (4 millions en France et plus de 10 % des enfants touchés) et allergiques (25 à 30 % de la population).
Ils reposent sur différents principes de fonctionnement (filtration, photocatalyse, plasma, ozonation, ionisation…) et certains proposent des options supplémentaires (programmateur, indicateur de changement de filtre, humidificateur, plante verte, système émettant des huiles essentielles…).
L’Anses estime que les données scientifiques disponibles ne permettent pas de démontrer l’efficacité et l’innocuité des purificateurs d’air intérieur en conditions réelles d’utilisation [1]. Elle recommande d’informer la population sur les risques d’une détérioration de la qualité de l’air intérieur en lien avec l’usage de ces dispositifs, la dégradation incomplète de polluants pouvant entraîner la formation de composés plus nocifs (comme le formaldéhyde). L’Agence met également en garde les sujets asthmatiques sur une possible aggravation de leur état avec les appareils pouvant générer de l’ozone, un puissant irritant pulmonaire, et avec ceux utilisant des huiles essentielles, potentiellement allergisantes. En complément à ces recommandations, l’Anses a publié en 2020 une mise en garde contre les « sprays et diffuseurs à base d’huiles essentielles » rapportant des cas d’intoxication et décrivant « des effets indésirables en conditions normales d’utilisation, notamment des symptômes irritatifs des yeux, de la gorge et du nez, et des effets respiratoires ». Elle rappelle que « ces produits émettent des composés organiques volatils qui peuvent constituer une source de pollution de l’air intérieur » [3].
Enfin, ces appareils peuvent s’avérer bruyants, et leur entretien, notamment le nettoyage des filtres et pièces sensibles qu’ils peuvent contenir, doit être régulier et soigneux.
Références
1 | Anses, « Identification et analyse des différentes techniques d’épuration d’air intérieur émergentes », Rapport d’expertise collective, 2017. Sur anses.fr
2 | Squinazi F et al., « Quelle place donner aux dispositifs mobiles d’épuration de l’air intérieur dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus SARS-CoV-2 dans les espaces clos ? », positionnement de l’Association pour la prévention de la pollution atmosphérique, 2021. Sur appa.asso.fr
3 | Anses, « Sprays et diffuseurs à base d’huiles essentielles : l’Anses appelle à la vigilance », expertise, 28 avril 2020. Sur anses.fr à une détérioration de la qualité de l’air intérieur incitent à contrôler les concentrations de polluants dans les locaux de travail pour s’assurer que le renouvellement d’air est suffisant.
Conclusion
Dans les environnements intérieurs, limiter les émissions de polluants à la source, éliminer les sources d’humidité et disposer d’un système de ventilation adapté permettent d’assurer une bonne qualité de l’air. Dans son logement, l’aération demeure le meilleur moyen pour lutter contre un air pollué. Le premier conseil consiste donc à ouvrir les fenêtres des pièces à vivre deux fois par jour durant quelques minutes [37] (en cas de pic de pollution, le faire de préférence tôt le matin ou tard le soir).
1 | Notman N, “How human biology and behavior affect indoor air quality”, PNAS, 2020,117 :22619-22.
2 | Ortiz M et al.,“Indoor environmental quality related risk factors with energy-efficient retrofitting of housing : A literature review”, Energy and Buildings, 2020, 221 :110102.
3 | Symonds P et al., “Home energy efficiency and radon : an observational study”, Indoor Air, 2019, 29 :854-64.
4 | Meyer W, “Impact of constructional energy-saving measures on radon levels indoors”, Indoor Air, 2019, 29 :680-5.
5 | Collignan B et al., “Relationships between indoor radon concentrations, thermal retrofit and dwelling characteristics”, Journal of Environmental Radioactivity, 2016, 65 :124-30.
6 | Mansouri A et al., “Impact of climate change on indoor air quality : a review”, International Journal of Environmental Research and Public Health, 2022, 19 :15616.
7 | Mandin C et al., « Environnements intérieurs », in Environnement et santé publique, 2023, Presses de l’EHESP, 2023, chapitre 22, 575-96.
8 | United States Environmental Protection Agency, “Indoor pollutants and sources : basic information on pollutants and sources of indoor air pollution”, page web, 2023. Sur epa.gov
9 | Pasquereau A et al., « Le tabagisme en France : comportements, mortalité attribuable et évaluation de dispositifs d’aide au sevrage », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 6 octobre 2016.
10 | Santé publique France, « Les intoxications au monoxyde de carbone peuvent concerner chacun de nous : adoptez les bons gestes pour réduire les risques », communiqué de presse, 15 novembre 2019.
11 | Géorisques, « Radon : un risque méconnu », fiche risque, mai 2023. Sur georisques.gouv.fr
12 | Organisation mondiale de la santé, “WHO guidelines for indoor air quality : dampness and mould”, 2009.
13 | Dassonville C et al., « Qualité de l’air intérieur et contamination des poussières déposées au sol dans les écoles en France », Rapport final, décembre 2019. Sur oqai.fr
14 | Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, « Trichloramine dans les piscines et les centres aquatiques », dépliant, 2019. Sur inrs.fr
15 | Organisation mondiale de la santé, « Intoxication au plomb et santé », page web, 11 août 2023. Sur who.int
16 | Inserm, « Saturnisme, intoxication au plomb », dossier, 30 août 2019. Sur inserm.fr
17 | Anses, « Connaissances relatives aux données de contamination et aux expositions par des composés de la famille des phtalates », Rapport d’étude, 2015. Sur anses.fr
18 | Organisation mondiale de la santé, « Radon et santé », page web, 25 janvier 2023. Sur who.int
19 | Organisation mondiale de la santé, « Pollution de l’air et santé de l’enfant : prescrire un air sain », résumé, 2018. Sur iris.who.int
20 | « Étude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur », Anses/ABM/CSTB, Rapport d’étude, 2014. Sur anses.fr
21 | Lewis AC, “Hidden harms of indoor air pollution : five steps to expose them”, Nature, 2023, 614 :220-3.
22 | « La crise énergétique européenne alimente la mauvaise qualité de l’air de la Pologne à la Grèce », IQAir, 10 novembre 2022. Sur iqair.com
23 | Cincinelli A, Martellini T, “Indoor air quality and health”, International Journal of Environmental Research and Public Health, 2017, 14 :1286.
24 | Melloni B et al., « Radon et exposition domestique », Revue des maladies respiratoires, 2000, 17-1061.
25 | Carrer P et al., “Allergens in indoor air : environmental assessment and health effects”, Science of The Total Environment, 2001, 270 :33-42.
26 | Broséus L et al., “Placental DNA methylation signatures of prenatal air pollution exposure and potential effects on birth outcomes : an analysis of three prospective cohorts”, The Lancet, 2024, 8 :E297-308.
27 | Anses, « Qualité de l’air intérieur », page web, 28 novembre 2017. Sur anses.fr
28 | Observatoire de la qualité des environnements intérieurs, « Produits de nettoyage et air intérieur », Campagnes et études, 9 juillet 2015. Sur oqai.fr
29 | Ezratty V, « Le Sick building syndrome (SBS) ou syndrome des bâtiments malsains », La Presse Médicale, 2003, 32 :1572-9.
30 | Wittczak T et al., “‘Sick building syndrome’ : a new problem of occupational medicine”, Med Pr, 2001, 52 :369-73.
31 | Boulanger G et al., “Socio-economic costs of indoor air pollution : a tentative estimation for some pollutants of health interest in France”, Environment International, 2017, 104 :14-24.
32 | California Environmental Protection Agency, “Indoor air pollution in California”, Report to the California Legislature, 17 mars 2005. Sur ww2.arb.ca.gov
33 | Légifrance, « Arrêté du 24 mars 1982 relatif à l’aération des logements ». Sur legifrance.fr
34 | Lucas JP et al., « État de la ventilation dans le parc de logements français », Observatoire de la qualité de l’air intérieur, Rapport, juin 2009. Sur splf.fr
35 | Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, « Qualité de l’air intérieur », dossier, 2024. Sur inrs.fr
36 | Wargocki P et al., “The relationship between classroom temperature and children’s performance in school”, Building and Environment, 2019, 157 :197-204.
37 | Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, « Qualité de l’air intérieur : comment agir ? », Recommandations, 22 octobre 2013. Sur sante.gouv.fr
Publié dans le n° 350 de la revue
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Les auteurs
Gaëlle Guillossou

Gaëlle Guillossou est ingénieur chercheur au Service des études médicales d’EDF. Elle est évaluateur des risques (…)
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