Naissance de la géologie historique
Publié en ligne le 16 août 2004La terre, des « théories » à l’histoire
Gabriel Gohau
Collection Inflexions, éditions Vuibert. Adapt
Desmarets (1725-1815) écrit l’histoire des volcans dans le sens rétrograde, en commençant par les plus récents [...] On ne saurait trouver meilleure opposition avec la trajectoire buffonienne, déroulée dans le sens direct, en partant de la formation du globe [...]
Les théories de la Terre cherchaient à se calquer sur le modèle du déluge, en retraçant une histoire globale, uniformisée, de ses effondrements, inondations, et soulèvements. Mais ce qu’on sait de la Terre, c’est-à-dire cette connaissance qui prendra le nom de géologie en 1779, va naître plutôt d’une façon historique d’étudier les formations terrestres, c’est-à-dire en remontant à partir du présent. Il en résulte une obligation de passer par des constats locaux, des investigations régionales, qui fait de la géologie une grande mosaïque. Le cheminement, de type inductif, est alors difficile, et les géologues de cette période hésitent à toucher à cette époque primitive délicate à saisir, en particulier à cause du mauvais état des traces anciennes.
Gabriel Gohau voit dans ces années charnières une sorte de rupture épistémologique. Mais il demeure prudent car un « changement de perspective » n’est jamais vraiment si brutal qu’il s’apparenterait à une « coupure ». Des précurseurs ont préparé le terrain.
A la lecture de cet ouvrage instructif, on ne peut s’empêcher de penser que les astrophysiciens ont eu la même démarche : celle de dérouler un film à partir des observations et de remonter jusqu’au big bang.
La suite naturelle du livre de Gohau pourrait sans doute être un ouvrage sur les cheminements des deux disciplines : comment elles ont progressé en se nourrissant parfois l’une de l’autre et comment les progrès dans les datations géologiques ont permis les progrès de l’astrophysique.
L’ouvrage de Gohau n’est pas qu’historique et érudit, il pousse aussi à une réflexion sur la méthodologie scientifique, et à évaluer sa marge d’indépendance par rapport à l’époque dans laquelle elle est ancrée.