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OGM, pesticides, homéopathie : science ou idéologie

Publié en ligne le 5 janvier 2019 - Esprit critique et zététique -
Éditorial de Science et pseudo-sciences n°327 (janvier 2019)

D’un point de vue scientifique, une évaluation se fait au cas par cas, qu’il s’agisse d’une plante génétiquement modifiée, d’un pesticide ou d’un médicament.

Un OGM donné est conçu pour des bénéfices attendus dans des conditions bien spécifiées. Mais il pourra se révéler sans intérêt dans un contexte agricole ou climatique différent, voire préjudiciable à son environnement dans le cadre de mauvaises pratiques. Ceci n’est pas spécifique aux plantes génétiquement modifiées mais concerne toutes les semences. Affirmer « les OGM sont des poisons » n’a pas plus de sens que de prétendre qu’ils sont « sans problème ». La controverse quitte le terrain scientifique dès lors que le mode d’obtention de ces variétés fait l’objet de toute l’attention au détriment de leurs caractéristiques intrinsèques (voir notre dossier dans ce numéro).

Il en est de même pour les pesticides. La distinction entre pesticides de synthèse et pesticides « naturels » n’a aucun sens sur le plan scientifique. Tous les pesticides sont des « produits chimiques »
et leur profil toxicologique doit être examiné au cas par cas. Le « naturel » n’a pas de raison d’être meilleur que le synthétique. Ainsi, par exemple, le sulfate de cuivre 1 largement utilisé comme pesticide en agriculture biologique (sous le nom de bouillie bordelaise) a fait l’objet d’une intense mobilisation de la filière agro-industrielle « bio », conduisant au renouvellement de son autorisation au niveau européen pour sept ans 2. Et ce, malgré les risques reconnus en matière d’environnement et de pollution des sols 3 et malgré la demande d’interdiction pure et simple de la part de certains États membres.

Enfin, pour les médicaments en général, et donc pour l’homéopathie, c’est également au cas par cas que l’on peut décider de l’efficacité et du rapport bénéfices-risques. C’est en tournant le dos à ce principe en vigueur qu’un statut dérogatoire a été accordé aux granules homéopathiques, dispensant les fabricants de fournir la preuve de leur efficacité pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché. La Haute autorité de santé (HAS) vient d’être missionnée par la ministre de la Santé pour évaluer « le bien-fondé des conditions de prise en charge et du remboursement des médicaments homéopathiques ». Si l’on s’intéresse à l’homéopathie en général, la seule conclusion logique serait alors de demander aux fabricants de pilules homéopathiques de se conformer au droit commun de l’évaluation. Si l’on s’intéresse à l’évaluation des produits, on ne voit pas bien en quoi peut consister une telle évaluation si elle ne s’effectue pas au cas par cas 4.

Le point commun aux mobilisations contre les OGM en général, contre les pesticides en général (sous-entendus « chimiques » ou « synthétiques ») ou en défense de l’homéopathie en général semble bien être la vision selon laquelle le progrès scientifique est dangereux a priori ou que la nature est bonne par principe. La nature n’est ni bonne ni mauvaise, elle se contente d’être. En revanche, la science est l’un des meilleurs outils dont s’est dotée l’humanité pour résoudre les nombreux problèmes auxquels elle doit faire face, qu’il s’agisse de contribuer au développement humain ou de faire face aux défis environnementaux.

Science et pseudo-sciences

1 Présenté comme naturel, alors qu’il n’existe bien entendu pas sous cette forme dans la nature et qu’il est obtenu après traitement par des industriels de la chimie.

2 Règlement d’exécution (UE) 2018/84 de la Commission du 19 janvier 2018. Sur eur-lex.europa.eu

3 EFSA, “Conclusion on pesticides peer review of the active
substance copper compounds
”, EJ-EFSA Journal, 20 décembre 2017. Sur efsa.onlinelibrary.wiley.com

4 Elle pourrait cependant arguer du fait que, pour la quasi-totalité des préparations homéopathiques, la dilution est telle qu’il ne reste absolument plus rien d’autre que l’excipent, et qu’à ce titre, ces préparations ne peuvent alléguer la moindre action thérapeutique propre (au-delà de l’effet placebo).