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Entretien avec Suzy Collin-Zahn

Publié en ligne le 5 janvier 2020 - Astronomie -

Suzy Collin-Zahn est astrophysicienne et directeur de recherche honoraire à l’Observatoire de Paris-Meudon.

Ses recherches ont principalement porté sur l’astronomie extragalactique, l’environnement des trous noirs dans les noyaux de galaxies actifs et les quasars. Elle a reçu deux prix de l’Académie des sciences (1973 et 1994), le prix Lodewijk Woltjer Lecture de la Société astronomique européenne (2013) et le prix Janssen de la Société astronomique de France (2015). Suzy Collin-Zahn est membre du comité de parrainage de l’Afis et de la revue Science et pseudo-sciences.

Propos recueillis par Emeric Planet

SPS : Pourquoi et comment vous êtes-vous intéressée à la science ?

Suzy Collin-Zahn : Il y a plusieurs raisons. Je n’ai pas du tout de mémoire et, pendant toutes mes études, la seule discipline qui me paraissait facile était les mathématiques, ainsi éventuellement que la physique, parce que je pensais ne pas avoir besoin de mémoire pour reconstituer les raisonnements. Mes parents étaient des immigrés de Hongrie venus en France dans les années 1930. Mon père avait fait des études de biologie et aurait beaucoup voulu être biologiste. Mais la guerre est arrivée, pendant laquelle, parce que j’étais d’origine juive, j’ai été cachée avec ma mère dans un village. Après la guerre, mon père a décidé d’exercer la biologie non pas en tant que chercheur, mais en tant que praticien, et il l’a toujours regretté d’ailleurs. J’ai l’impression que, durant toute ma vie, j’ai entendu parler du métier de chercheur qu’il aurait voulu faire. J’ajouterais que j’ai lu le livre sur Marie Curie écrit par sa fille. Il m’a donné envie de faire comme elle, de la recherche scientifique, parce que je l’admire beaucoup. J’ai finalement fait de l’astrophysique un peu par hasard, tout simplement parce que mon mari venait d’entrer dans un laboratoire d’astrophysique et j’ai découvert les beautés de cette discipline. Je m’y suis tenue toute ma vie.

Quelle a été la plus grande avancée de la science dans les deux cents dernières années ?

Il est très difficile de répondre. Pour moi, il n’y a pas eu « une » plus grande avancée de la science.

Si je dois répondre, je dirais qu’il y en a eu deux : la découverte de la relativité générale et la mécanique quantique.

Quelle place, selon vous, doit occuper la science dans la société ?

Elle doit occuper la place la plus importante. La science est la spécificité de l’esprit humain par rapport aux animaux, qui ont sans doute des émotions et de l’intelligence. La science est particulière à l’Homme, comme est particulière aussi la croyance. Mais justement, je pense que les croyances sont néfastes, c’est vraiment la science qui est importante dans la société, et l’un de ses rôles, peut-être le plus important, est de démonter les croyances.

Y a-t-il pour vous un critère de la science ?

Il y a la méthode scientifique, qui recouvre beaucoup de choses, dont le rationalisme et l’expérimentation. Elle consiste à avoir une idée théorique, faire une prédiction, réaliser une expérience et voir si la prédiction est réalisée. Si elle n’est pas réalisée, on revoit son hypothèse et on recommence le circuit jusqu’à arriver à une hypothèse qui se vérifie. Ça fait intervenir la raison, la pensée, la justesse du raisonnement et aussi le sens de l’observation.

La recherche doit-elle tenir compte des polémiques publiques et des remous de la « société civile » ?

On a tendance à répondre non, mais il faut quand même en tenir compte. Une association comme l’Afis en tient compte, puisqu’elle oriente ses dossiers en fonction de ce qui est agité dans le public : les médicaments, les OGM, etc. On doit faire de la recherche de façon totalement indépendante, mais quand il y a des questions qui agitent le public, il faut que la recherche s’en empare pour essayer de trouver les bonnes réponses, non pas politiques, mais scientifiques.

Pour conclure ?

Il me semble que dans vos questions, il manque une chose importante : la vulgarisation scientifique. Comment la rendre attractive ? C’est une question très difficile à notre époque où, justement, il y a beaucoup d’autres choses qui sont bien plus attractives que simplement montrer que la méthode scientifique conduit à des découvertes et que ces découvertes ne sont pas discutables pour certaines. Je pense qu’il faudrait qu’on réfléchisse à cette question et par exemple qu’on pense à développer des relations entre les journalistes et les chercheurs ou bien à faire des conférences citoyennes, où le public peut être mis au courant de ce qui est fait. Et puis il y a les sciences participatives qui peuvent apporter énormément au public en lui montrant que la science n’est pas quelque chose de facile, mais que c’est quelque chose dans lequel tout le monde peut rentrer en faisant des efforts, ça permettrait aussi de faire la distinction entre science et croyances.

Publié dans le n° 329 de la revue


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Les auteurs

Suzy Collin-Zahn

Astrophysicienne et directeur de recherche honoraire à l’Observatoire de Paris-Meudon.

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Emeric Planet

Informaticien et membre du comité de rédaction de la revue Sciences & pseudo-sciences.

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