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Ces microbes qui nous veulent du bien

Publié en ligne le 22 mai 2022
Ces microbes qui nous veulent du bien
Une bactériologue explore notre univers microbien
Geneviève Héry-Arnaud
HumenSciences, coll. Dites 33, 2021, 221 pages, 17 €

C’est un monde nouveau qui s’est ouvert au regard des savants à la fin du XVIIe siècle, avec la mise au point du microscope. Dès cette époque, on observe en particulier les bactéries du tartre dentaire. Au cours des XIXe et XXe siècles, on a étudié de façon assez systématique ce monde microscopique et identifié les espèces qui le constituent. Mais ce dont nous parle dans son ouvrage Geneviève Héry-Arnaud, pharmacienne et professeure de bactériologie au CHRU de Brest, c’est un monde bien plus complexe qu’une liste d’espèces bactériennes : les microbiotes 1, ces communautés de microorganismes présents dans un environnement donné. L’organisme humain en héberge plusieurs que l’on commence tout juste à étudier et les connaissances collectées, pour le moment, sont encore à vérifier, à confirmer, à affiner…

Ce sont autant de cellules bactériennes que de cellules humaines (30 000 milliards) qui vivent en symbiose dans différents « milieux de vie » qu’offre l’organisme humain. La mieux connue de ces communautés microbiennes, naguère appelées « flores », est, bien sûr, le microbiote intestinal – auquel l’auteure consacre près de la moitié du volume. Mais elle aborde aussi les microbiotes bucco-dentaire, cutané, pulmonaire et vaginal et évoque le lait maternel et l’urine qui sont aussi des milieux de vie pour les microbes. Elle discute enfin la question des microbiotes sanguin, cérébral ou placentaire dont certaines études – à confirmer – suggèrent l’existence.

Les communautés bactériennes installées au niveau des différentes muqueuses ou sur la peau se mettent en place dès la naissance et leur composition dépend de nombreux paramètres comme le mode d’accouchement, l’alimentation et sa diversification, l’âge, les environnements, les traitements antibiotiques, etc. Il n’y a donc pas un microbiote sain universel : l’absence de « valeur de référence » constitue l’une des difficultés pour établir qu’une dysbiose (c’est-à-dire un déséquilibre dans les différentes espèces qui constituent un microbiote) est associée à une maladie et pour savoir si cette dysbiose est une cause ou une conséquence de la pathologie primaire. Des interactions entre différents microbiotes ont pu être caractérisées, comme par exemple l’axe poumon-intestin, et passeraient soit par la diffusion des microbes eux-mêmes, soit par celle de molécules issues de leur métabolisme.

Dans la conclusion, G. Héry-Arnaud esquisse plusieurs perspectives. Outre le fait que l’identification de la composition d’un microbiote peut (pourra ?) constituer un outil diagnostique ou pronostique d’une pathologie, celui-ci peut être la cible d’interventions – en veillant à ce que la manipulation d’un microbiote ne conduise pas à un état pathologique – par la modification d’un régime alimentaire, l’apport de pré- ou de probiotiques 2, le contrôle d’une activité sportive ou d’un mode de vie… Le microbiote peut aussi être la source de nouvelles thérapies, comme la transplantation de microbiote ou l’identification de métabiotiques, ces molécules produites par les microbes et qui pourraient servir de médicaments.

Si le temps des applications thérapeutiques concrètes et efficaces n’est pas encore advenu, l’ouvrage, qui s’appuie sur une abondante bibliographie scientifique, permet de découvrir un nouveau champ d’exploration des conditions d’une bonne santé qui deviendra, dans les années à venir, un nouveau domaine médical.

1 L’auteure distingue le microbiote du microbiome en rappelant le sens de ces deux termes : le microbiote est l’ensemble des microorganismes vivant dans un environnement donné ; le terme microbiome est utilisé dans deux sens différents : 1) l’ensemble du vivant dans un environnement donné (microbiote + molécules issues du vivant) et 2) l’ensemble des génomes de microbes présents dans un environnement donné.

2 Probiotiques : microorganismes vivants dont l’administration en quantité nécessaire et suffisante exerce des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels (bactéries Lactobacillus et Bifidobacterium ou levure Saccharomyces, par exemple) ; prébiotiques : fibres alimentaires (oligo- ou polysaccharides, inuline) non digérées par l’organisme humain mais par certaines bactéries bénéfiques dont elles promeuvent la multiplication.