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Idées reçues et réalité : comment se réconcilier avec les psychotropes ?

Publié en ligne le 9 septembre 2024 - Santé et médicament -

À mon avis, les dangers des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) surpassent leurs bénéfices. » Cette déclaration d’Elon Musk à propos d’une classe d’antidépresseurs les plus courants faite le 1er novembre 2023 sur X, le célèbre réseau dont il est propriétaire, résume bien à elle seule les difficultés et représentations souvent négatives liées à ces médicaments. Ils ont la réputation d’être artificiels, chimiques, abrutissants et auraient le pouvoir de modifier la personnalité des individus. Cette mauvaise réputation est-elle vraiment justifiée ?

Les psychotropes

Un psychotrope (littéralement « qui agit en direction de l’esprit ») agit sur le système nerveux central en ciblant certains processus biologiques et physiologiques du cerveau. Il peut altérer les perceptions, les sensations, l’humeur ou l’état de conscience d’une personne et ainsi modifier ses comportements en agissant sur certains neurotransmetteurs comme la sérotonine ou la dopamine.

Le terme « psychotrope » fait référence aux médicaments, mais plus généralement à toute substance psychoactive pouvant avoir une action pharmacologique sur le cerveau. La Haute Autorité de santé (HAS) rappelle [1] que les substances psychoactives regroupent à la fois les drogues licites (tabac, alcool, opiacés, produits de substitution, médicaments psychotropes tels que hypnotiques, benzodiazépines, antidépresseurs…) et non licites (cannabis, cocaïne, ecstasy, MDMA ou amphétamines…). La consommation de certains d’entre eux peut entraîner des addictions. Le Réseau de prévention des addictions propose de classer ces produits sur plusieurs dimensions [2] : les stimulants et les dépresseurs, les hallucinogènes et les antipsychotiques. La caféine par exemple, couramment consommée, entre dans la catégorie des psychostimulants. À l’inverse, l’alcool entre dans le cadre des dépresseurs sédatifs aux côtés du chloroforme.

Cet article s’intéresse aux médicaments psychotropes dans la prise en charge de patients en psychiatrie. Le recours à un médicament psychotrope a pour objectif de réduire les symptômes de troubles psychiques ou les dysfonctionnements de l’activité psychique (humeur, fréquence et intensité d’une anxiété, présence d’hallucinations…). Contrairement aux autres substances psychoactives, les médicaments psychotropes – car il s’agit justement de médicaments – sont des produits très réglementés et surveillés (autorisation de mise sur le marché, pharmacovigilance, etc.). Ils ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale et doivent répondre à des indications précises. La posologie doit être adaptée pour chaque patient et le prescripteur est tenu de fournir une information éclairée. Il existe plusieurs grandes classes de psychotropes (voir encadré ci-dessous).

Les classes de psychotropes


Les psychotropes peuvent être classés selon leurs effets (un même produit pourra alors appartenir à plusieurs classes) :

  • Les anxiolytiques (ou tranquillisants) : utilisés pour soulager de manière rapide et transitoire l’anxiété, pour accompagner le sevrage à l’alcool. Les plus prescrits appartiennent à la famille des benzodiazépines. La durée de traitement est généralement limitée à douze semaines.
  • Les hypnotiques (ou somnifères) : prescrits pour induire le sommeil. Les benzodiazépines sont souvent prescrites. La durée de traitement est généralement limitée à quatre semaines.
  • Les antidépresseurs : pour le traitement de certains états dépressifs, des troubles anxieux, des troubles obsessionnels compulsifs, des troubles du stress post-traumatique, des douleurs neuropathiques périphériques. La durée minimum de traitement est généralement de six mois.
  • Les régulateurs de l’humeur (ou thymorégulateurs) : stabilisateurs de l’humeur (curatifs et préventifs des rechutes dépressives ou maniaques). Le lithium est le principal régulateur de l’humeur disponible. Ils sont principalement prescrits pour le traitement des troubles bipolaires.
  • Les neuroleptiques (ou antipsychotiques) : utilisés dans les troubles psychotiques (schizophrénie par exemple), les troubles de l’humeur (état maniaque), le traitement aigu de l’anxiété, un état d’agitation psychomotrice. La durée minimale du traitement dans les troubles psychotiques est généralement de deux ans.
  • Les psychostimulants : principalement prescrits dans les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité principalement chez l’enfant, pour améliorer la concentration et diminuer l’impulsivité. Par exemple : méthylphénidate (Ritaline®) et modafinil (Modiodal®).
  • Les psychédéliques avec de nouveaux traitements comme la kétamine ou l’eskétamine : résultats prometteurs dans les troubles psychiatriques et addictologiques.

La prise d’une substance agissant directement sur le cerveau peut inquiéter. Mais notons que de nombreux médicaments non psychotropes traversent la barrière hématoencéphalique et diffusent également dans le cerveau (c’est le cas du banal paracétamol).

Qu’en est-il des effets indésirables ?

Tout médicament est susceptible de provoquer des effets secondaires indésirables. Par leurs spécificités propres, mais aussi par les interactions avec d’autres produits et les caractéristiques de chaque patient (pharmacogénétique, caractéristiques métaboliques, allergies…), les médicaments psychotropes n’échappent pas à cette règle. Les effets indésirables doivent ainsi être anticipés par le prescripteur. Ils dépendent de la classe à laquelle le médicament appartient mais également de spécificités particulières liées à une formulation précise.

L’Anxiété, Edvard Munch (1863-1944)

En psychiatrie, les effets indésirables les plus fréquents sont la sédation (ou fatigue), les troubles de l’appétit avec variations de poids, les troubles digestifs (troubles du transit), les troubles de la libido… Aucun n’est toutefois inévitable et une adaptation fine du traitement médicamenteux peut aider à y remédier.

Ajoutons par ailleurs que la prescription des psychotropes par les médecins généralistes comme par les psychiatres peut s’avérer inadaptée en France [3], en particulier chez les personnes âgées [4, 5].

Quelques idées reçues sur les psychotropes

« Les Français seraient les champions du monde de la prise d’antidépresseurs »
Cet argument est repris à l’envi par les personnalités politiques et dans les commentaires pessimistes. Face aux crises que traverserait la société, une prescription abusive d’antidépresseurs viserait à rendre artificiellement acceptable un quotidien difficile et compliqué. En réalité, la France se classe au 20e rang mondial avec 58 doses par jour pour 1 000 habitants, loin derrière l’Islande (161 doses), et même en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (74 doses) [6]. Il a été observé une augmentation de la consommation d’antidépresseurs de près de 50 % au niveau mondial entre 2011 et 2021, ce qui peut témoigner à la fois d’une augmentation de l’incidence des troubles psychiques (notamment au décours de la pandémie de Covid-19), mais aussi d’un meilleur repérage et d’une meilleure prise en charge de ces troubles.

« Les antidépresseurs seraient juste un placebo, ou seraient inutiles, voire dangereux en poussant au suicide »
Les antidépresseurs sont des traitements indiqués pour les troubles dépressifs mais aussi pour la plupart des troubles anxieux, des troubles obsessionnels compulsifs et de certaines douleurs neuropathiques chroniques. Bien que leur efficacité ne soit plus vraiment contestée, leur niveau d’efficacité pour les troubles dépressifs fait débat au sein de la communauté scientifique, avec une surestimation démontrée de la réponse thérapeutique observée dans les études des années 1990 [7]. Par ailleurs, ils ne sont pas sans défauts : la réponse reste lente (plusieurs semaines) et un traitement antidépresseur bien conduit ne permet d’arriver à une rémission clinique complète après huit semaines que pour seulement un tiers des patients (pour les deux tiers restants, d’autres pistes peuvent être envisagées avec, in fine, des traitements efficaces dans 70 % des cas) [8].

Une augmentation du risque suicidaire chez les jeunes de moins de 25 ans au début du traitement (dans les premières semaines, avant que ²le traitement ne commence à faire son effet) est connue depuis le début des années 2000. Ceci a conduit la Food and Drug Administration (agence américaine de l’alimentation et des médicaments) à émettre une mise en garde controversée en 2004 [9]. Toutefois, il n’est pas possible d’imputer ce problème aux antidépresseurs, compte tenu de l’absence d’étude spécifique sur le sujet. Est-ce, par exemple, l’évolution naturelle de la maladie dépressive avec un retard de réponse de l’antidépresseur qui est en cause, sachant que la dépression augmente à elle seule le risque de suicide de 13 à 30 fois par rapport à la population générale [10] ? La meilleure précaution à prendre, aujourd’hui, consiste à accompagner le traitement avec des évaluations régulières. Rappelons que le risque d’une dépression sévère non traitée est le décès par suicide : les antidépresseurs sauvent des vies.

« Prendre un antidépresseur serait la marque des faibles »
Cette idée reçue questionne la représentation même de la dépression comme un simple épuisement, une faiblesse de caractère ou un manque de volonté. « Tu es triste ? Arrête » peut-on parfois lire sur les réseaux sociaux.
La dépression est une maladie, bien plus sévère que cela : le désespoir, la fatigue et une perte d’intérêt globale transforment les pensées, les émotions et les comportements (voir l’encadré La dépression). Suivre un traitement antidépresseur lorsque l’intensité de la dépression est sévère est une marque forte de courage pour s’aider à récupérer de l’énergie.

« Prends un Lexo, ça ira mieux »
Lexomil (ou « Lexo ») est le nom commercial d’un anxiolytique de la famille des benzodiazépines très souvent prescrit. Les anxiolytiques et les somnifères sont les médicaments psychotropes les plus acceptés par les patients, notamment en raison du soulagement rapide qu’ils peuvent apporter (environ quinze minutes pour diminuer le niveau d’anxiété ou s’endormir) et par leur facilité d’utilisation.

Souvent confondus, à tort, avec les antidépresseurs, ces médicaments sont néanmoins à manier avec beaucoup de précautions, notamment en raison d’effets indésirables fréquents (comme la sédation, les troubles de mémoire, la faiblesse musculaire avec risque de chutes, en particulier chez la personne âgée). Mais les deux effets indésirables les plus redoutés sont l’accoutumance (augmentation progressive des doses pour obtenir le même effet) et la dépendance (physique et psychologique). Prendre un médicament de la famille des benzodiazépines n’est ni banal ni anodin et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) soulignait en 2017 une consommation trop élevée, en particulier chez les plus de 65 ans, même si une tendance à la baisse est observée [11]. Ainsi, « prendre un Lexo » peut s’envisager sur une courte durée et en étant accompagné par un professionnel de santé.

« Les médicaments rendraient accro »
Si certains médicaments possèdent effectivement un pouvoir addictif, c’est-à-dire avec un risque de perte de maîtrise de la consommation ou de mésusage par détournement comme les opiacés ou les benzodiazépines, ce problème représente davantage une exception qu’une règle en psychiatrie (le risque concerne essentiellement les benzodiazépines [12]).

Si certains médicaments, comme les régulateurs de l’humeur ou les antipsychotiques, peuvent être prescrits sur le long terme (plusieurs années), cela n’implique pas forcément qu’il existe une addiction. Pour beaucoup de personnes souffrant d’un trouble psychique chronique (par exemple une schizophrénie ou une dépression chronique), un arrêt du traitement (respectivement antipsychotique et antidépresseur) peut entraîner des rechutes.

Par ailleurs, certains patients ressentent parfois une certaine honte à avoir besoin de suivre un traitement au long cours (parfois à vie) et redoutent le regard des autres. Ce jugement négatif est inapproprié : se permettrait-on de « juger » une personne diabétique ayant besoin quotidiennement d’insuline ? [13].

La dépression


« Le trouble dépressif caractérisé touche tous les âges de la vie. Il concerne environ 15 à 20 % de la population générale, sur la vie entière. Il se présente comme une succession d’épisodes dépressifs caractérisés, se traduisant par de nombreux symptômes − parmi lesquels la tristesse pathologique, la perte de plaisir et les symptômes cognitifs −, avec un retentissement majeur sur la vie du patient et de son entourage. S’ils se pérennisent, les symptômes liés à la dépression vont avoir des répercussions importantes sur le plan socioprofessionnel. Le risque de suicide est particulièrement élevé et concerne 10 à 20 % de ces patients.

L’association de traitements biologiques (les médicaments antidépresseurs en première intention) et de traitements psychothérapiques bien conduits permet de soigner efficacement le trouble dépressif caractérisé et d’éviter la survenue de nouveaux épisodes dépressifs […].

“Dépression” (au sens trouble dépressif caractérisé) et “déprime” sont deux concepts qui sont trop souvent confondus, alors qu’ils distinguent deux réalités différentes. En effet, la déprime correspond à un moment de blues, de tristesse, de découragement, de manque d’entrain… […]

Si l’origine neurobiologique de la maladie n’est toujours pas bien comprise, des traitements médicamenteux efficaces existent et permettent d’améliorer, voire de guérir, une majorité des épisodes dépressifs caractérisés. Il est donc important que la prise en charge du premier épisode dépressif et des suivants soit correctement menée. L’objectif du traitement de la dépression est : (1) la réduction des symptômes et de leurs conséquences fonctionnelles ; (2) la prévention de rechutes et récidives ultérieures. »

Source
Inserm, « Dépression : mieux la comprendre pour la guérir durablement », inserm.fr, mise à jour du 6 décembre 2019.

« Prendre des médicaments raccourcirait l’espérance de vie »
C’est une idée reçue fréquente du fait des possibles effets indésirables métaboliques des psychotropes [14], pouvant faire poser la question même de l’intérêt de leur prescription.

Phèdre, Alexandre Cabanel (1823-1889)

Il faut garder à l’esprit que la présence d’un trouble psychique peut être associée à une baisse de l’espérance de vie. Dans le cas de la schizophrénie, par exemple, cette perte est estimée de 10 à 28,5 ans selon les études [15] et le risque de suicide est multiplié par dix environ [16]. Le risque de maladies cardio-vasculaires et métaboliques dans le cas des troubles bipolaires est également établi [14] et la prise de lithium, traitement médicamenteux de première ligne pour cette pathologie, a démontré qu’il permet une baisse du risque de décès prématuré, toutes causes confondues [17]. De même, le recours à des antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie est associé à « une mortalité considérablement réduite » [18].

« La Ritaline serait une drogue pour un trouble créé de toute pièce »
La Ritaline est le principal nom commercial du méthylphénidate, un psychostimulant pharmacologiquement proche des amphétamines. Breveté en 1954 aux États-Unis, il est d’abord prescrit comme traitement dans la dépression et la narcolepsie chronique (trouble du sommeil) avant de trouver son indication dans la prise en charge des enfants puis des adultes atteints de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Dans les années 1990, des taux de prescription élevés ont été observés dans des établissements scolaires aux États-Unis, couplés à une publicité visant directement les utilisateurs potentiels et faisant naître une controverse autour de son usage détourné [19] : « pilule de l’obéissance » donnée aux enfants turbulents [20], voire drogue créée pour traiter un trouble lui-même créé de toute pièce ; les idées reçues ne manquent hélas pas pour le méthylphénidate. Une des plus tenaces est qu’il aurait été créé spécifiquement pour maîtriser le comportement des enfants à l’école.

Une autre idée reçue est qu’il serait un calmant, alors qu’il s’agit d’un stimulant prescrit afin d’aider une personne avec un TDAH à mieux réguler son attention.

On sait aujourd’hui que le méthylphénidate est un traitement efficace pour les troubles attentionnels du TDAH. Il ne crée pas de dépendance et sa prescription chez l’adolescent n’est pas significativement associée à des mésusages médicamenteux ou de surconsommation de stimulants à l’âge adulte [21]. Il permet d’aider beaucoup d’enfants à mieux se concentrer, à gagner en confiance de soi et à mieux réussir leur scolarité. Pour les enfants et adultes avec TDAH, il contribue à diminuer l’impulsivité. Enfin, sa prescription n’augmente pas le risque de toxicomanie à l’âge adulte [22].

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)


« Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) n’est pas une nouveauté, ni une conséquence de l’exposition des enfants aux écrans. Pour preuve, ce syndrome est décrit dans la littérature médicale depuis la fin du 18e siècle ! Et il ne s’agit pas non plus d’un problème d’éducation comme certains parents peuvent malheureusement se l’entendre dire : le TDAH est bel et bien un trouble du neurodéveloppement, associé à des petites différences dans la structure et le fonctionnement du cerveau des personnes concernées.

Caractérisé par des niveaux élevés d’inattention, ou d’agitation et d’impulsivité, le TDAH est un syndrome source de handicaps cognitifs et relationnels persistants, et parfois sévères. Au-delà des difficultés qu’il engendre à l’école ou au travail, mais aussi dans le cadre familial et social, le TDAH entraîne un risque accru de blessures accidentelles, d’addictions, de dépression et de suicide. D’où la nécessité de le repérer et de le prendre en charge, pour en atténuer le retentissement.

Son diagnostic repose sur un faisceau d’indices cliniques. Le trouble débute avant l’âge de 12 ans : les enfants concernés ont du mal à rester concentrés et sont facilement distraits − plus que les autres. Ils s’interrompent sans cesse dans leurs activités et interrompent les autres. Ils ont beaucoup de mal à rester assis (ou même debout) sans remuer, ou encore à réfréner une envie, une action, une parole… Ces comportements persistent depuis au moins six mois, se produisent dans plusieurs environnements (à l’école, mais aussi à la maison ou dans le cadre de leurs loisirs) et altèrent leur qualité de vie au quotidien. Ils peuvent être associés à d’autres troubles, en particulier parmi ceux qui affectent les apprentissages (comme la dyslexie) et la coordination motrice. Plus étonnant, le TDAH peut s’accompagner de troubles métaboliques (diabète, obésité) ou encore d’allergies.

La bonne nouvelle est que sa prise en charge peut en atténuer les symptômes et les conséquences : les études cliniques ont démontré que les traitements médicamenteux sont efficaces. Ils diminuent notamment les risques de sous-performances scolaires, d’accidents ou encore de troubles dépressifs et de suicides. Leurs effets indésirables sont généralement bénins, et peuvent être gérés par un ajustement dans le choix de la molécule utilisée ou de la dose administrée. Il s’agit le plus souvent de molécules psychostimulantes comme le méthylphénidate, la fameuse Ritaline®. En cas d’échec, des molécules non stimulantes comme l’atomoxétine peuvent être prescrites dans le cadre de protocoles de traitements individualisés, après autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Les traitements non médicamenteux tels que les thérapies cognitives ou comportementales sont moins efficaces pour réduire les symptômes du TDAH. Toutefois, ils contribuent à améliorer la vie des patients, par exemple par la mise en place de routines dans le quotidien […].

Le TDAH concerne 5,9 % des moins de 18 ans et 2,8 % des adultes. Il semble plus fréquent chez les garçons que chez les filles. »

Source
Inserm, « Minute d’attention : c’est quoi le TDAH ? », inserm.fr, 5 septembre 2022.

La schizophrénie


« La schizophrénie est une pathologie psychiatrique chronique complexe qui se traduit schématiquement par une perception perturbée de la réalité, des manifestations productives, comme des idées délirantes ou des hallucinations, et des manifestations passives, comme un isolement social et relationnel. En pratique, elle peut être très différente d’un patient à l’autre, selon la nature et la sévérité des différents symptômes qu’il présente.

Trois types de symptômes peuvent se manifester de façon chronique ou de façon épisodique (période de psychose) :

  • Ceux dits productifs (ou positifs) sont les plus impressionnants : ils rassemblent les délires et les hallucinations et peuvent se traduire en un sentiment de persécution (paranoïa), une mégalomanie, des idées délirantes invraisemblables et excentriques, ou encore des hallucinations sensorielles, souvent auditives (le sujet entend des voix) mais aussi visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives.
  • Les symptômes négatifs (ou déficitaires) correspondent à un appauvrissement affectif et émotionnel. Le patient se met en retrait et s’isole progressivement de son cercle familial, amical et social. Il communique moins, présente une volonté limitée et manifeste une émotivité réduite. Il présente moins d’intérêt et de volonté et davantage d’apathie, ce qui peut ressembler à une dépression.
  • Enfin, les symptômes dissociatifs correspondent à une désorganisation de la pensée, des paroles, des émotions et des comportements corporels. La cohérence et la logique du discours et des pensées sont perturbées. Le patient est moins attentif, présente des difficultés à se concentrer, mémoriser, comprendre ou se faire comprendre. Il peut avoir des difficultés à planifier des tâches simples comme faire son travail ou des courses, ce qui peut être source d’un handicap majeur dans la vie quotidienne. […]

La schizophrénie toucherait environ 0,7 à 1 % de la population mondiale, et environ 600 000 personnes en France. Elle concerne aussi bien les femmes que les hommes, ces derniers semblant touchés par des formes plus précoces et invalidantes. Elle semble plus fréquente chez les personnes vivant en milieu urbain et celles ayant un parcours d’immigration.

La maladie se révèle généralement au cours de l’adolescence, entre 15 et 25 ans, mais elle débute le plus souvent plus tôt, sous une forme atténuée. »

Source
« Schizophrénie : intervenir au plus tôt pour limiter la sévérité des troubles », Inserm, 11 juillet 2017.

Les troubles bipolaires


« Maladie psychiatrique chronique, les troubles bipolaires touchent entre 1 et 2,5 % de la population, soit entre 650 000 et 1 650 000 personnes en France. Ils apparaissent majoritairement entre 15 et 25 ans et persistent toute la vie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les place au 6e rang mondial des handicaps, les personnes souffrant de trouble bipolaire présentant une espérance de vie réduite de 10 ans en moyenne par rapport à la population générale. Les épisodes dépressifs peuvent fréquemment déboucher sur des tentatives de suicide : 20 % des patients atteints de troubles bipolaires non traités décèdent par suicide. Par ailleurs, les troubles bipolaires s’accompagnent d’une forte comorbidité, c’est-à-dire que d’autres troubles se surajoutent à la maladie (usage d’alcool ou de substances toxiques, diabète, cholestérol, etc.), faisant par exemple encourir aux patients le risque de présenter d’autres maladies, dont des pathologies cardiovasculaires par exemple. Enfin, les conduites à risque (sexualité, addictions, dépenses) sont fréquentes et associées au handicap […].

Les troubles bipolaires sont particulièrement handicapants. Il existe pourtant des traitements efficaces pour en atténuer le fardeau et vivre un quotidien le plus stable possible.

On ne guérit pas d’un trouble bipolaire : on y reste vulnérable tout au long de sa vie. Pour autant, les traitements actuels permettent de réduire très fortement les symptômes de la maladie et permettent de diminuer la fréquence ou l’intensité des rechutes. Plus le trouble est diagnostiqué tôt, plus les chances de rétablissement sont élevées. La prise en charge des troubles bipolaires repose sur trois piliers : les médicaments, les psychothérapies et le respect d’une bonne hygiène de vie. »

Source
Fondation FondaMental, « Troubles bipolaires ». Sur fondation-fondamental.org

« Les antipsychotiques n’existeraient que pour assommer les patients »
« Produits zombifiants » permettant un contrôle social par camisole chimique…, les antipsychotiques ou neuroleptiques véhiculent également nombre d’idées reçues. Ces médicaments ont pourtant une place importante en psychiatrie. Dans le cadre de la prise en charge de la schizophrénie, ils permettent de traiter les symptômes dits positifs (voir encadré) comme les hallucinations, délires ou désorganisation de la pensée lors des phases aiguës de psychose et surtout préviennent par la suite les rechutes. Ils ont également leur importance dans le traitement des troubles de l’humeur comme le trouble bipolaire.

Le Philtre d’Amour, Evelyn De Morgan (1855-1919)

Leur efficacité dans la schizophrénie est bien confirmée dans la littérature scientifique [23]. De plus, beaucoup de données scientifiques permettent de toujours mieux cibler et personnaliser les prescriptions (en prenant en compte les effets indésirables, l’efficacité attendue, les choix des patients…), et même d’envisager dans certaines situations une déprescription surveillée et progressive en toute sécurité [24].

Conclusion

Un médicament psychotrope n’est ni bon ni mauvais en soi. Il correspond à une prescription encadrée, personnalisée et adaptée à chaque patient à un moment donné. Le traitement ne se commence ni ne s’arrête jamais seul. Il suit en cela les mêmes règles que tous les médicaments.

Ce qui l’en distingue, ce sont surtout les représentations péjoratives qui l’accompagnent.

La prise d’un médicament n’est ni toujours une solution à elle-seule, ni même toujours indispensable. Elle peut être une étape, un soutien important dans le parcours de rétablissement d’un trouble psychique.

Aux côtés des psychothérapies, de l’hygiène alimentaire ou de l’exercice physique, les médicaments psychotropes sont des outils précieux dans l’arsenal thérapeutique en psychiatrie. Comme tout outil, ils doivent être utilisés avec rigueur et précaution et nécessitent de bien savoir pourquoi ils sont prescrits et comment ils doivent l’être. Ils sont alors sans conteste un moyen sécurisé, surveillé et très utile pour aider les patients à être moins affectés par des symptômes souvent gênants voire envahissants, et pouvoir enfin sortir la tête hors de l’eau.

Ne l’oublions pas : la méconnaissance et la désinformation entourant les psychotropes et les représentations négatives qui en résultent font essentiellement du tort aux premiers concernés, à savoir les patients. N’est-il pas temps de se réconcilier tous avec les psychotropes, pour aussi aider ceux qui en ont besoin ?

Références


1 | Haute Autorité de santé, « Usage des substances psychoactives : prévention en milieu professionnel, note de cadrage », Recommandation de bonnes pratiques, juin 2022. Sur has-sante.fr
2 | Réseau de prévention des addictions, « Diagramme de Venn des drogues », affiche, 2019. Sur respadd.org
3 | Haute Autorité de santé, « Personnes âgées : améliorer la prescription des psychotropes », lettre d’information, janvier 2008. Sur has-sante.fr
4 | Douest C, Bigeard M, « Prévalence des ordonnances inappropriées de psychotropes selon les critères STOPP/START chez le sujet âgé en médecine générale : étude observationnelle descriptive en cabinet de médecine générale », mémoire à l’UFR Médecine, Université Grenoble Alpes, 2020. Sur dumas.ccsd.cnrs.fr
5 | Pariente A, “Use of psychotropic drugs in the elderly in France : are we condemned to remain at high tide ?”, Therapies, 2023, 78 :565-73.
6 | OCDE, « Panorama de la sante 2023 : les indicateurs de l’OCDE », statistiques sur la santé, 2023. Sur oecd.org
7 | Cipriani A, “Comparative efficacy and acceptability of 21 antidepressant drugs for the acute treatment of adults with major depressive disorder : a systematic review and network meta-analysis”, The Lancet, 2018, 391 :1357-66.
8 | Guardier A, Corruble E, « Dépression : mieux la comprendre pour la guérir durablement », Dossier Inserm, 2017. Sur inserm.fr
9 | Check E, “US panel recommends ‘black box’ warnings for antidepressants”, Nature, 2004, 10 :1005.
10 | Corruble E, « Dépression et risque suicidaire », in Suicides et tentatives de suicide, Philippe Courtet éd., 2010, chapitre 8, 120-123.
11 | Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, « État des lieux de la consommation des benzodiazépines », point d’information, 2017. Sur archive.ansm.sante.fr
12 | Ameli, « Les médicaments à risque d’usage détourné et de dépendance », mars 2023. Sur ameli.fr
13 | Chevance A, En finir avec les idées fausses sur la psychiatrie et la santé mentale, Les éditions de l’atelier, 2022.
14 | Saravane D, « Les complications métaboliques des psychotropes », PSN, 2014, 12 :51-63.
15 | Jalenques I et al., « Espérance de vie et mortalité », in Les Schizophrénies, Sonia Dollfus éd., 2019, chapitre 33, 212-217.
16 | Gavaudan G et al., « Suicide et schizophrénie : évaluation du risque et prévention », Annales médico-psychologiques, Revue psychiatrique, 2006, 164 :165-75.
17 | Carvallho AF et al., “Mortality and lithium protective effects after first-episode mania diagnosis in bipolar disorder : a nationwide retrospective cohort study in Taiwan”, Psychotherapy and psychosomatics, 2024, 93 :36-45.
18 | Taipale H et al., “20-year follow-up study of physical morbidity and mortality in relationship to antipsychotic treatment in a nationwide cohort of 62,250 patients with schizophrenia”, World Psychiatry, 2020, 19 :61-8.
19 | Haute Autorité de santé, « Rapport d’évaluation des spécialités à base de méthylphénidate », Commission de la transparence, mars 2021. Sur has-sante.fr
20 | Brygo J, « Réussite scolaire sur ordonnance : la pilule de l’obéissance », Le Monde diplomatique, décembre 2019.
21 | McCabe SE et al., “Attention-deficit hyperactivity disorder stimulant therapy and prescription drug misuse during transition to young adulthood”, APA Psychiatry Online, 2024.
22 | Barkley RA et al.,“Does the treatment of attention-deficit/hyperactivity disorder with stimulants contribute to drug use/abuse ? A 13-year prospective study”, Pediatrics, 2003, 111 :97-109.
23 | Efthimiou O et al., “Efficacy and effectiveness of antipsychotics in schizophrenia : network meta-analyses combining evidence from randomised controlled trials and real-world data”, Lancet Psychiatry, 2024, 11 :102-11.
24 | Berna F et al., « Réduire ou arrêter les antipsychotiques dans la schizophrénie, une pure folie ? », L’Information psychiatrique, 2023, 99 :219-27.