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Claude Got (1936-2023)

Publié en ligne le 14 mars 2024 - Science et décision -

Claude Got, grande figure de la santé publique française, est décédé le 11 août 2023 en Belgique. Médecin légiste, il est nommé professeur à l’hôpital de Garches en 1965 et devient chef du service d’anatomie pathologique en 1970. L’hôpital de Garches est un important lieu d’accueil des accidentés de circulation et Claude Got est très vite sensibilisé aux ravages de l’insécurité routière. Il est un des pionniers de l’accidentologie en France, discipline croisant les connaissances de plusieurs domaines. Claude Got contribue au développement et à l’amélioration des ceintures de sécurité dans les véhicules. Il est aussi la personne qui a répété inlassablement dans les médias que l’alcool était à l’origine de 40 % des décès par accidents de circulation. C’était un formidable changement de focale. Expert du domaine, il accepte d’élargir son champ d’action dans le domaine décisionnel et rejoint en 1978 le cabinet de Simone Veil alors ministre de la Santé, puis, de 1979 à 1981, celui de son successeur, Jacques Barrot.

Roses jaunes dans un vase, Gustave Caillebotte (1848-1894)

En 1986, il n’accepte pas que le champ de la publicité pour l’alcool soit élargi à la télévision privée et, face à l’inaction de Michèle Barzach, ministre de la Santé, il démissionne avec fracas du Haut Comité d’études et d’information sur l’alcoolisme dont il était membre. La mobilisation organisée et médiatisée alors par l’un d’entre nous (Gérard Dubois) conduira en quelques jours le Premier ministre Jacques Chirac à rétablir l’interdiction de la publicité télévisée pour l’alcool. Ce succès est une première car en une semaine, les puissants lobbys de l’alcool et de la publicité sont pris de court. Claude Got ne s’est pas contenté d’être un expert en santé publique à la parole respectée, il a voulu aussi agir directement.

En 1987, le groupe s’élargit avec François Grémy (1929-2014), spécialiste d’informatique médicale et de santé publique, Maurice Tubiana (1920-2013), cancérologue et spécialiste du tabac, Albert Hirsch, pneumologue et spécialiste du tabac, et devient un groupe dénommé par les médias les « Cinq Sages ». Interrogeant les candidats à la présidence de la République en 1988 avec pour slogan, « tabac-alcool-vitesse = 100 000 morts », leur action débouche sur le vote de la loi Évin en 1991, loi au contenu de laquelle ils ont activement contribué.

Le groupe s’est ensuite agrandi (avec, entre autres, l’arrivée de Catherine Hill, coauteure de cette note), a mué en « Club Santé publique » et a continué à interroger à chaque élection tous les candidats à la présidence de la République sur leur position en matière de santé publique. Claude Got tenait à jour un site Internet [1] qui comporte tous les textes produits par ce groupe.

En 2022, leurs questions portaient sur l’alcool, le cannabis, la nutrition, la sécurité routière, le système de santé, le tabac et la vaccination. Pour la première fois, un candidat du second tour (l’actuel président de la République) n’a pas répondu.

Claude Got avait une très grande capacité d’analyse et ses raisonnements implacables et persuasifs agaçaient car ils débouchaient sur des mesures à prendre. De son expérience dans un cabinet ministériel, il avait appris que les politiques et les administrations pouvaient être englués dans la gestion de fausses urgences quotidiennes et d’intérêts à court terme, mais qu’il était possible de les bousculer en leur montrant que les preuves scientifiques avaient la faveur de l’opinion publique. Il en fut ainsi pour la ceinture de sécurité, la loi Évin et l’interdiction de fumer dans les lieux clos et couverts.

Claude Got a refusé tous les honneurs, portait toujours un pull bleu, devenu légendaire, que son épouse lui tricotait. Il s’exprimait avec calme et retenue, mais avec conviction. Ses qualités médiatiques combinées à son souci de préserver sa réputation d’expert alliant avec maestria la compétence, l’indépendance et la transparence, ont largement contribué à la constitution d’une vox populi favorable aux grandes mesures de santé publique concernant les accidents, le tabac et l’alcool.

Enfin, par sa mort, Claude Got nous envoie un dernier message. Son grand-père, également médecin, avait choisi l’euthanasie, celle confraternelle, mais cachée car illégale. En choisissant lui aussi l’euthanasie, il n’a pas voulu profiter d’une facilité liée à une situation professionnelle ou amicale. Ainsi, l’un des plus grands Français de la santé publique des dernières décennies a dû choisir de quitter la France pour mourir dignement, selon son choix, témoignant ainsi de l’indignité de la législation française.


Thème : Science et décision

Mots-clés : Rationalisme

Publié dans le n° 346 de la revue


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Les auteurs

Catherine Hill

Catherine Hill est épidémiologiste et biostatisticienne, spécialiste de l’étude de la fréquence et des causes du (…)

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