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Le médecin, l’enseignant et les dys

Publié en ligne le 14 janvier 2022
Le médecin, l’enseignant et les dys
Pour une convergence des approches
Alain Moret et Michèle Mazeau
Tom Pousse, 2021, 232 pages, 16 €

Alain Moret est professeur de philosophie à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation de l’université de Bourgogne. Il est chargé de former des enseignants s’occupant d’élèves en situation de handicap. Le fait d’être père d’un enfant présentant un syndrome dys-exécutif l’a incité à se spécialiser en neuropsychologie. Michèle Mazeau, quant à elle, est médecin. Elle pratique la neuropsychologie depuis longtemps et est l’autrice de plusieurs ouvrages en ce domaine 1.

Le livre est la retranscription d’un long dialogue des deux auteurs sur leur spécialité commune, abordée à partir de deux points de vue différents : la philosophie et l’enseignement d’une part, et la médecine et la génétique d’autre part. Le contenu de l’ouvrage reproduit en bonne partie celui d’A. Moret que nous avions déjà présenté 2. Ici les auteurs accordent une large place à la façon dont les parents vivent la découverte et la gestion, au quotidien, du handicap de leur enfant. Ils décrivent les obstacles à la reconnaissance des troubles du neurodéveloppement : obstacles dans le monde médical, chez les enseignants et dans la vie quotidienne. Ils discutent longuement les réponses du législateur aux besoins éducatifs particuliers.

On entend aujourd’hui par « troubles neurodéveloppementaux » des déficiences intellectuelles, les troubles du spectre de l’autisme et les « dys ». La dernière catégorie, les « a », est une appellation relativement nouvelle qui permet de distinguer les conséquences d’un dysfonctionnement constitutionnel de plusieurs systèmes ou sous-systèmes cognitifs – les « dys » – et les pertes d’une faculté chez quelqu’un de normal à la suite d’un traumatisme – les « a ». L’exemple d’un trouble « a », étudié depuis le XIXe siècle, est l’aphasie, la perte du langage. Les troubles « dys », étudiés depuis une quarantaine d’années seulement, sont notamment, par ordre de fréquence décroissante, des difficultés de lecture (dyslexie), de gestes volontaires (dyspraxie), du langage oral (dysphasie). Un trouble particulièrement handicapant est le syndrome dys-exécutif : les troubles concernent l’attention, la mémoire de travail, l’inhibition, la planification et la décision.

Même si une minorité défend aujourd’hui encore cette idée, ces troubles étaient par le passé considérés comme des « symptômes » de complexes affectifs ou de difficultés relationnelles avec les parents, alors que l’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) montre clairement qu’il s’agit d’atypies dans des réseaux de neurones.

La thèse développée dans le livre est que l’objectif des traitements et des enseignements n’est pas de « guérir » et de permettre aux enfants de fonctionner conformément à la norme statistique, mais de les aider à acquérir des stratégies compensatrices. L’école devrait « inclure » ces enfants, leur permettre d’être « avec » les autres plutôt que « comme » les autres. Le défi est important car, écrivent les auteurs, 5 à 8 % des enfants sont concernés. Les enseignants doivent bien comprendre la multiplicité des fonctions cognitives impliquées dans les activités. Par exemple, l’écriture d’un texte sous la dictée requiert de coordonner l’écoute, le stockage d’informations dans la mémoire, la capacité d’écrire, le respect des règles orthographiques et syntaxiques. Cet exercice requiert des méthodes qui devront prendre en compte la nature précise du handicap.

Toute personne confrontée aux difficultés rencontrées par des dys trouvera intérêt à lire cet échange entre deux personnes qui y ont consacré l’essentiel de leur carrière.

1 Par exemple, avec Alain Pouhet et Emmanuelle Ploix-Maes : Neuropsychologie et troubles des apprentissages chez l’enfant : Les dys- au sein des troubles du neurodéveloppement, Elsevier Masson, 3e éd., 2021, 632 p.

2 SPS n° 325, juillet 2018, 95. Sur afis.org