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Les cosmétiques : entre peur irraisonnée et confiance béate

Publié en ligne le 18 janvier 2021 - Santé et médicament -

Les cosmétiques ont été utilisés de tout temps par l’Homme, afin de se laver, de prendre soin de sa peau et de se parfumer. De l’Antiquité au XXe siècle, seule une infime fraction de la population (à savoir les élites) y a accès car leur usage nécessite du temps et de l’argent. La préservation de la blancheur du teint est au centre des préoccupations. Des accessoires divers sont utilisés tels que des chapeaux à large bords et des ombrelles, mais également toutes sortes de préparations dont l’ingrédient phare est la céruse (un carbonate de plomb aussi appelé blanc de Saturne, blanc d’argent ou blanc de plomb) [1, 2]. Par contraste, et en fonction des époques, on va se farder les yeux, par exemple avec du khôl à base de galène (sulfure de plomb) utilisé dans l’Égypte antique et la bouche en rouge avec du cinabre (sulfure de mercure) [3, 4].

Fragment de la décoration d’une tombe : femme à une cérémonie (règne de Thoutmosis IV ou Aménophis III, détail), Musée du Louvre

À la fin du XIXe siècle, la fabrication des produits, artisanale jusque-là, passe à l’échelle industrielle, et cela implique l’adjonction de conservateurs car les mélanges sont utilisés des mois ou même des années après leur fabrication.

Toutes sortes de produits ont été utilisés depuis les temps modernes et promus à grand renfort de publicité : des ingrédients d’origine animale, voire humaine, tels que le sérum de cheval ou les extraits placentaires, des substances présentées à l’origine comme radioactives aux ingrédients d’origine végétale aujourd’hui omniprésents, la palette est large pour formuler des produits qui font partie de notre environnement quotidien.

Le contexte réglementaire

La réglementation des produits cosmétiques telle que nous la connaissons actuellement dans l’Union européenne est récente et a été mise en place suite à la dramatique affaire du talc Morhange. En effet, en 1972 de l’hexachlorophène s’est trouvé mélangé en quantité importante (plus de 6 %) à un lot de talc de marque Morhange. Ce talc sera appliqué sur les fesses de 204 nourrissons et 36 en décéderont ! L’hexachlorophène est un agent bactéricide puissant ; c’est aussi un agent neurotoxique, ce qui explique le décès des petites victimes. Cette affaire a suscité une forte émotion dans l’opinion publique. Même s’il s’agissait d’une erreur de manipulation et d’un mauvais contrôle qualité dans l’entreprise, et non pas d’une formulation dangereuse, cette affaire a conduit à la mise en place de la première réglementation des cosmétiques en France en 1975, puis dès l’année suivante dans ce qui était alors la Communauté économique européenne [5, 6, 7]. C’est à Simone Veil, alors ministre de la Santé dans le gouvernement de Jacques Chirac, que l’on doit les fondements de la législation concernant ce domaine. Le postulat de base peut se résumer de la manière suivante : un cosmétique ne doit pas nuire à la santé humaine. On ne parle alors pas du tout de mise en évidence de l’efficacité alléguée. Par la suite, les directives vont se succéder, prenant en compte les avancées de la connaissance scientifique pour arriver en 2013 à l’entrée en application d’une réglementation au niveau européen [8].

Selon l’article 2 du chapitre I de ce règlement, on entend par produit cosmétique « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles » [8].

Ont donc un statut de cosmétiques des produits aussi différents que ceux utilisés à des fins d’hygiène, de soin de la peau, de maquillage et de parfumage. Selon les cas, ces cosmétiques pourront être utilisés de manière quotidienne ou plus occasionnelle [9].

Dans d’autres parties du monde, aux États-Unis par exemple, les crèmes solaires et les dentifrices fluorés ont un statut de médicaments over the counter (OTC), c’est-à-dire de médicaments susceptibles d’être délivrés sans ordonnance.

Le contexte galénique

Conjointement à la définition donnée par la réglementation, on peut également proposer une définition galénique (relative à la mise en forme du produit) qui considérerait un produit cosmétique comme la somme des actifs (ingrédients responsables de l’activité cosmétique revendiquée, équivalent du principe actif d’un médicament), des additifs (substances destinées à assurer la conservation du produit et à améliorer ses caractères organoleptiques – relatif aux sens) et des excipients (permettant d’obtenir la forme galénique, l’excipient « universel » étant l’eau [10]).

Toutes les formes galéniques possibles pour application locale sur la peau ou sur une muqueuse coexistent sur le marché : des émulsions (80 % des produits cosmétiques), des gels, des solutions, des suspensions, des sticks, des formes conditionnées sous forme de spray…

Les allégations possibles et leurs limites

Avant d’évoquer les propriétés qui peuvent être annoncées par les services marketing des sociétés cosmétiques, il est important de rappeler ici la définition du médicament. Le Code de la santé publique en son article L.5111-1 définit le médicament comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique » [11].

En comparant cette définition à celle d’un produit cosmétique, on comprend que toute référence à un symptôme ou à une pathologie est strictement interdite dans le cas d’un produit cosmétique sous peine d’en faire de facto un médicament. Un réglement de l’Union européenne datant de 2013 donne un cadre aux allégations autorisées pour un produit cosmétique et les lignes directrices qui lui sont associées illustrent le propos avec des exemples concrets [12].

Si la réglementation ne prévoyait, à l’origine, qu’un contrôle de l’absence d’effet néfaste sur l’utilisateur, depuis les années 1990, toute allégation doit s’appuyer sur des résultats de tests [13]. Les principales méthodes mises en œuvre dans l’industrie cosmétique dépendent de la propriété à valider. Par exemple, pour l’hydratation de la peau, on pourra déterminer la capacitance électrique de la couche cellulaire la plus superficielle de l’épiderme (le Stratum corneum) [14] ; pour un produit anti-rides, on pourra étudier l’état de surface d’empreintes de peau [15] ; pour un produit amincissant, on pourra évaluer la diminution de la circonférence au niveau des cuisses ou du ventre [16] ; pour une protection solaire, on mesurera l’inhibition de l’apparition de l’érythème par le produit à tester [17], etc.

Le phénoxyéthanol

Le phénoxyéthanol fait partie de la vaste famille des esters de glycol (plus de 80 composés) dont une trentaine ont donné lieu à une exploitation industrielle. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), les esters de glycol sont largement utilisés pour leur caractéristique de solvant dans les produits dits « à l’eau » (peintures, encres, vernis, produits d’entretien) mais aussi comme conservateurs en raison de leurs propriétés biocides (colles, produits cosmétiques, médicaments) [1].

Le phénoxyéthanol est autorisé par la réglementation européenne à concurrence de 1 %. Selon l’INRS, le phénoxyéthanol à des concentrations atteignant 10 % (dans de la vaseline) ne provoque pas d’effet irritant [2]. De rares cas de sensibilisation cutanée (eczéma ou urticaire) ont pu, en revanche, être rapportés [3, 4, 5]. Sur la base des études existantes, souvent non publiées, le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (CSSC) conclut à l’absence de potentiel mutagène et au fait qu’il n’est pas génotoxique pour l’Homme [6]. Il n’est pas non plus classé comme toxique pour la reproduction. Dans son avis d’octobre 2016, le CSSC affirme que le phénoxyéthanol utilisé à 1 % dans les produits cosmétiques est sûr pour la santé, quel que soit le groupe d’âge.

En 2012, et par mesure de précaution, l’ANSM (Agence nationale du médicament et des produits de santé) recommande que le phénoxyéthanol ne soit pas utilisé dans les produits cosmétiques destinés au siège des bébés et que sa teneur maximale soit fixée à 0,4 % (et non plus 1 %) pour les autres produits destinés aux enfants de moins de trois ans. Cet avis a été reconduit en 2017 [7].

Références
1 | INRS, Fiche solvants, les éthers de glycols, ED 4222. Sur inrs.fr
2 | INRS,Fiche toxicologique 2-Phénoxyéthanol, n° 269. Sur inrs.fr
3 | Geier J et al., “Patch test results with the metalworking fluid series of the German Contact Dermatitis Research Group (DKG)”, Contact dermatitis, 2004, 51 :118-30.
4 | Hernandez B et al., “Contact urticaria from 2-phenoxyethanol”, Contact dermatitis, 2002, 47 :54.
5 | Vogt T et al., “Generalized eczema in an 18-month-old boy due to phenoxyethanol in DPT vaccine”, Contact dermatitis, 1998, 38 :50-1.
6 | SCCS (Scientific Committee on Consumer Safety), “Opinion on Phenoxyethanol”, 16 mars 2016, version finale du 6 octobre 2016, SCCS/1575/16. Sur ec.europea.eu
7 | ANSM, « Les produits cosmétiques non rincés contenant du phénoxyéthanol ne doivent pas être utilisés sur les fesses des enfants de 3 ans ou moins », point d’Information du 20 mars 2019. Sur ansm.fr

Si, comme nous l’avons vu précédemment, il n’est pas autorisé pour un produit cosmétique de revendiquer une quelconque efficacité dans le traitement d’une pathologie, il est possible en revanche de cibler spécifiquement des patients souffrant, par exemple, d’acné, de psoriasis ou d’eczéma atopique, sans toutefois sous-entendre un quelconque effet thérapeutique. L’allégation en restera à « se sentir mieux » : on masque les lésions en cas d’acné, par exemple, on hydrate en cas de psoriasis ou d’eczéma.

Ainsi, les laboratoires ont développé des gammes spécialement conçues à l’intention des patients traités par chimiothérapie : les produits d’hygiène et de soin de la peau et des phanères (cheveux, poils et ongles) ainsi que les produits de maquillage entrent dans ce que l’on appelle les « soins de support » et constituent des gammes destinées à éviter ou minimiser les effets indésirables liés à ce type de traitement [18, 19]. Il est important de préciser que ces catégories de cosmétiques ne relèvent pas de réglementations différentes et qu’en particulier le concept de « dermocosmétiques » n’est que marketing [20].

Les sels d’aluminium en cosmétique

L’aluminium est un élément neurotoxique, l’intoxication chronique se traduisant par une fatigue générale, des troubles de la sensibilité, de l’équilibre et de la coordination motrice, de l’anxiété, de l’irritabilité… Dès les années 1960, des scientifiques commencent à établir un lien entre aluminium et maladie d’Alzheimer [1]. Plus récemment, une métaanalyse publiée en 2016 sur un échantillon total de 10 567 individus établit également un lien entre exposition à l’aluminium et risque accru de développer la maladie [2].

Les cosmétiques destinés à lutter contre les odeurs corporelles appartiennent à deux catégories bien distinctes que sont les déodorants (cosmétiques ne modifiant pas le volume de sueur émis) et les antitranspirants (cosmétiques modifiant ce volume). Si la théorie est extrêmement claire et facile à comprendre, la pratique l’est nettement moins. En effet, l’industrie cosmétique propose un trop grand nombre de références de déodorants contenant des sels d’aluminium et qui sont donc en réalité des antitranspirants. Les sels d’aluminium appliqués sous forme d’antitranspirants sont susceptibles de provoquer une pénétration transdermique d’aluminium. Celle-ci est variable selon les individus et augmente lorsque la peau est lésée.

En 2011, l’Anses (alors Afssaps) concluait que « l’analyse critique des données épidémiologiques et des études chez l’animal n’a pas permis de mettre en évidence un lien entre cancer et exposition à l’aluminium par voie orale. De plus, aucun élément pertinent ne permet non plus de considérer l’exposition par voie cutanée à l’aluminium comme présentant un risque cancérogène » et appelait à poursuivre les études pour appuyer cette conclusion [3]. Toutefois, l’agence, sur la base d’études chez l’animal ayant « mis en évidence des effets additionnels relatifs à l’exposition à l’aluminium, qui ne peuvent pas être exclus de l’évaluation du risque » dans des expositions chroniques a proposé de diviser par deux le seuil réglementaire de concentration maximale en aluminium dans les produits antitranspirants pour les porter à 0,6 %.

Les travaux de Philippa Darbre qui s’intéressent plus particulièrement aux cosmétiques font état de la présence d’aluminium dans des biopsies de tumeurs mammaires [4]. Cela ne veut cependant pas dire que l’aluminium est responsable de l’induction de ces tumeurs. Le principal biais de ces études est l’absence de référence à l’origine de l’aluminium. On sait que les sources correspondant à l’aluminium retrouvé dans l’organisme sont variées : air environnant, aliments, cosmétiques… On considère que moins de 3 % de l’aluminium inhalé est susceptible de diffuser dans l’organisme. L’aluminium d’origine alimentaire représente à lui seul 95 % de l’aluminium présent dans l’organisme. En l’absence de conclusion définitive, il paraît raisonnable de réglementer les sels d’aluminium dans les cosmétiques et de rappeler que les produits comme la « pierre d’alun » ou la « perlite » présentés comme des alternatives naturelles contiennent également de l’aluminium.

Références
1 | Hill JM et al., “Early insight into the potential contribution of aluminum to neurodegeneration – A tribute to the research work of Robert D. Terry, Igor Klatzo, Henryk M. Wisniewski and Donald R.C. Mclachlan”, J Inorganic Biochemistry, 2020, 203 :110860.
2 | Wang Z et al., “Chronic exposure to aluminum and risk of Alzheimer’s disease : A meta-analysis”, Neuroscience Letters, 2016, 610 :200-6.
3 | Afssaps, « Évaluation du risque lié à l’utilisation de l’aluminium dans les produits cosmétiques », octobre 2011. Sur ansm.sante.fr
4 | Darbre PD et al., “Aluminium and breast cancer : Sources of exposure, tissue measurements and mechanisms of toxicological actions on breast biology”, J Inorganic Biochemistry, 2013, 128 :257-61.

De l’intérêt des cosmétiques

Si l’on considère la définition de la santé donnée par l’OMS, à savoir « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » [21], il devient logique que nombre de produits cosmétiques apparaissent comme indispensables dans la vie courante (on pensera par exemple aux produits d’hygiène corporelle et bucco-dentaire). On comprendra alors pourquoi on peut y faire référence à tous les étages de la pyramide de Maslow 1 et l’importance que revêt une discipline telle que la socio-esthétique [18].

Mentionnons de façon particulière le cas des produits de protection solaire dont l’utilisation s’inscrit dans la stratégie globale de prévention des cancers cutanés [22]. Leur statut pose d’ailleurs un réel problème dans la mesure où ils permettent, lorsqu’ils sont bien formulés, de prévenir la survenue de certains cancers cutanés. Et qui dit prévention d’une maladie dit statut de médicament. A contrario, les produits de protection solaire peu efficaces constituent un réel danger, pour l’heure sous-estimé, en matière de santé publique dans la mesure où leur utilisation crée un faux sentiment de sécurité.

Entre ignorance des dangers et aversion aux cosmétiques ?

Pendant des millénaires, le cinabre et la céruse ont été largement utilisés pour le maquillage des lèvres et du teint sans que les utilisateurs aient la moindre inquiétude pour leur santé (le plomb et le mercure sont dommageables pour la santé, ce qui n’était alors pas connu). Désormais, et suite à la polémique concernant les parabens, s’est développée une peur vis-à-vis d’un certain nombre d’ingrédients et de leurs mélanges. Nous avons appelé cette peur « cosmétophobie » [23].

Les parabens

La polémique autour des parabens est née au début des années 2000, suite à une publication scientifique de Philippa Darbre [24]. Les parabens (ester de l’acide parahydroxybenzoïque) sont des composés chimiques utilisés pour leurs propriétés antibactérienne et antimycosique. Ils sont omniprésents puisqu’on les retrouve dans les aliments (charcuterie, biscuits apéritifs, confiserie… sous le libellé d’additifs E214 à E219), dans certains médicaments et certains cosmétiques.

Des parabens ayant été retrouvés dans des biopsies issues de tumeurs mammaires, un raccourci a rapidement été fait dans les médias accusant ces composés de provoquer des cancers du sein. Très rapidement, un certain nombre de biais méthodologiques ont été mis en évidence dans l’étude initiale, en particulier l’absence de biopsie de tissu sain comme témoin négatif [25].

Face à l’ampleur de la couverture médiatique, la plupart des sociétés cosmétiques, ont, au fil du temps, éliminé les parabens des formules de leurs produits et rares sont ceux qui en contiennent encore. On dispose pourtant d’un bon recul sur leur utilisation (plus de 60 ans) et l’on sait qu’ils sont sûrs d’emploi et efficaces dans les limites de concentrations autorisées par la réglementation européenne [8, 26].

D’autres produits objets de controverses

Un certain nombre d’autres conservateurs utilisés par l’industrie des cosmétiques sont également concernés par la controverse. Il s’agit par exemple du phénoxyéthanol, un autre conservateur utilisé en cosmétique (voir encadré). Dans son avis le plus récent, le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l’Union européenne considère que, compte tenu des données actuellement à disposition, le phénoxyéthanol peut être utilisé comme agent de conservation à une concentration maximale de 1 % et ce, quel que soit l’âge de l’utilisateur final [27].

La méfiance envers certains ingrédients ne concerne pas que les conservateurs, elle s’étend aux alkylsulfates et alkyléthersulfates (désignés improprement sous le terme de « sulfates » par leurs détracteurs), qui sont des détergents omniprésents dans les shampooings et les gels douche conventionnels, aux sous-produits de la chimie des pétroles (paraffine, vaseline et paraffine liquide) ainsi qu’à l’aluminium [28] (voir encadré).

Conclusion

Pour formuler des cosmétiques sûrs d’emploi, il est important de connaître parfaitement la réglementation européenne en matière d’ingrédients. En effet, certains sont interdits et ne peuvent donc pas être incorporés dans les cosmétiques ; d’autres sont autorisés, sous conditions. Concernant les nombreuses polémiques qui enflent au sujet des dérivés de pétrole, des silicones, des tensioactifs éthoxylés, d’un grand nombre de conservateurs, etc., il convient d’avoir présent à l’esprit que ces ingrédients sont toujours autorisés car ils font consensus sur un plan toxicologique.

L’allégation « sans » et la réglementation

L’annexe III du document technique sur les allégations cosmétiques publié le 3 juillet 2017 par la Commission européenne contient des précisions quant à la revendication « sans » afin « d’assurer une protection adéquate et suffisante des consommateurs et des professionnels vis-à-vis de revendications trompeuses ». Ces précisions portent sur la conformité des messages au regard de la réglementation, leur véracité, les éléments probants fournis à l’appui, leur sincérité et leur équité ainsi que l’aide qu’ils apportent pour un choix éclairé de certaines catégories de consommateurs. Elles sont illustrées sur plusieurs cas précis dont voici quelques exemples.

Les revendications « sans » ne sont pas autorisées si l’ingrédient est de toutes les façons déjà interdit par la réglementation. Ainsi, « la revendication “sans corticoïdes” n’est pas autorisée puisque les corticoïdes sont interdits par la législation européenne sur les cosmétiques ». De même, la revendication « sans » n’est pas autorisée si l’ingrédient visé « n’est généralement pas utilisé dans la catégorie spécifique du produit cosmétique concerné ». Ainsi, par exemple, « il serait malhonnête de mettre en évidence dans la publicité le fait [qu’un] parfum ne contient pas de conservateurs » car les parfums n’en contiennent habituellement pas du fait de la présence d’une grande quantité d’alcool les rendant non nécessaires.

La revendication « sans allergène / substances sensibilisantes » n’est pas autorisée car « une absence complète du risque de réaction allergique ne peut pas être garantie et le produit ne doit pas donner l’impression que cela est possible ».

Les allégations ne doivent pas être de nature à dénigrer de façon indue un produit. Ainsi, le document rappelle que « certains parabènes sont sûrs lorsqu’ils sont utilisés conformément au Règlement (CE) n° 1223/2009 » et du fait que « tous les produits cosmétiques doivent être sûrs, la revendication “sans parabènes” n’est pas autorisée car elle dénigre le groupe entier des parabènes ». Il en est de même avec le phénoxyéthanol et le triclosan qui « sont sûrs lorsqu’ils sont utilisés en accord avec les dispositions du Règlement Cosmétique ».

Toutefois, certaines revendications « sans » sont autorisées si elles permettent « un choix éclairé à un groupe ou des groupes cibles spécifiques d’utilisateurs finaux ». Il en est ainsi, par exemple, des affirmations « sans ingrédients d’origine animale » dans les produits destinés aux végans ou « sans acétone » dans les vernis à ongles « pour les utilisateurs souhaitant éviter une odeur particulière ».

Source
Traduction de l’annexe technique de juillet 2017 de la réglementation européenne n° 655/2013 faite par l’ARPP, « Recommandation produits cosmétiques V8 (en vigueur le 1er juillet 2017) », sur le site arpp.org

Toutefois, il importe de rester vigilant car on trouve sur le marché des cosmétiques dont les allégations ont un caractère médical, d’autres dont la composition n’est pas en adéquation avec l’appellation (c’est le cas, par exemple, de déodorants formulés avec un sel d’aluminium qui devraient alors être classés en anti-transpirants ou bien de certains détergents synthétiques, ou « syndets », renfermant du savon).

Références

1 | Rainhorn J, Blanc de plomb. Histoire d’un poison légal, Presses de Sciences Po, 2019.
2 | Petit A,“Skin lightening and its motives : A historical overview”, Ann Dermatol Venereol, 2019, 146 :399-409.
3 | Hardy AD et al., “Egyptian eye cosmetics (“Kohls”) : Past and present”, Physical Techniques in the Study of Art, Archaeology and Cultural Heritage, 2006, Vol. 1, Chap. V, 173-203.
4 | Trinquier J, « Cinnabaris et “sang-dragon” : le “cinabre” des Anciens entre minéral, végétal et animal », Rev archéol, 2013, 56 :305-46-.
5 | Coiffard L, Couteau C, « De l’influence de scandales sanitaires sur la réglementation des produits cosmétiques », Médecine & Droit, 2017, 143 :51-5.
6 |Loi 75-604, 1975-07-10, art. 2, JORF, 11 juillet 1975.
7 | Directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976.
8 | Règlement (CE) N° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.
9 | Arrêté du 30 juin 2000 fixant la liste des catégories des produits cosmétiques. Sur legifrance.gouv.fr
10 | Coiffard L, Couteau C, La formulation cosmétique à l’usage des professionnels et des amateurs, Le Moniteur des pharmacies, 2014.
11 |Article L5111-1 du Code de la santé publique.
12 | Réglement (UE) n° 655/2013 de la Commission du 10 juillet 2013 établissant les critères communs auxquels les allégations relatives aux produits cosmétiques doivent répondre pour pouvoir être utilisés.
[13 | Directive 93/35/CEE du Conseil du 14 juin 1993 modifiant, pour la sixième fois, la directive 76/768/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques.
14 | Anthonissen M et al.,“Reliability of repeated measurements on post-burn scars with corneometer CM 825®”, Skin Res Technol, 2015, 21 :302-12.
15 | Kautzky F et al., “Direct profilometry of the skin : its reproducibility and variability”, J Eur Acad Dermatol Venereol, 1995, 5 :115-23.
16 | Byun SY et al., “Efficacy of Slimming Cream Containing 3.5 % Water-Soluble Caffeine and Xanthenes for the Treatment of Cellulite : Clinical Study and Literature Review”, Ann Dermatol, 2015, 27 :243-9.
17 | Schulze R, “Einige Versuche und Bemerkungen zum Problem der handelsüblichen Lichtschutzmittel”, Parf Kosm, 1956, 37 :310-5.
18 | Couteau C et al., “Impact of Socio-Aesthetics as Supportive Care in a Large, Multi-Specialty Hospital”, J Dermatol Res, 2017, 2 :96-102.
19 | Couteau C et al., “Evaluation of Different Colorless Nail Polishes Used as Supportive Care in Patients with Cancer in Terms of Photoprotective Efficacy and Water Resistance”, J Clin Aesthet Dermatol, 2018,11 :20-4-.
20 | Coiffard L, Couteau C, « Les “dermocosmétiques” et les produits de soins et d’hygiène pour animaux, deux types de produits absents de la réglementation », Médecine & Droit, 2017, 146-147 :131-5.
21 | Constitution de l’Organisation mondiale de la santé.. Sur who.int/fr
22 | Silva ESD et al., “Use of sunscreen and risk of melanoma and non-melanoma skin cancer : a systematic review and metaanalysis”, Eur J Dermatol, 2018, 28 :186-201.
23 | Coiffard L, Couteau C, « Naissance d’une peur irraisonnée vis-à-vis des cosmétiques : la cosmétophobie », La Peaulogie, 18 décembre 2019. Sur lapeaulogie.fr
24 | Darbre PD et al., “Concentrations of parabens in human breast tumours”, J Appl Toxicol, 2004, 24 :5-13.
25 | Golden R, Gandy J, “Comment on the publication by Darbre et al. (2004)”, J Appl Toxicol, 2004, 24 :297-310.
26 | Revuz J, « Vivent les parabènes », Ann Dermatol Vénéréol, 2009,136/5 :403-4.
27 | Avis sur le Phenoxyethanol du Scientific Committee on Consumer Safety (SCCS), 6 octobre 2016. Sur ec.europa.eu
[28 | Bretagne A et al., “The mechanism of eccrine sweat pore plugging by aluminium salts using microfluidics combined with small angle X-ray scattering”, Soft Matter, 2017, 13 :3812-21.<br/

1 La pyramide des besoins de Maslow a été proposée en 1943 par le psychologue américain Abraham Maslow (et précisée par son auteur en 1970) pour hiérarchiser ce qui fonde nos motivations. Si tous les besoins identifiés sont présents (dans l’ordre : besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime et enfin d’accomplissement de soi), ceux les plus hauts dans la hiérarchie ne se font vraiment sentir que lorsque les autres sont satisfaits.

Publié dans le n° 333 de la revue


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Les auteurs

Laurence Coiffard

Professeur de pharmacie galénique et cosmétologie à la Faculté de pharmacie de Nantes et membre correspondante de (...)

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Céline Couteau

Maître de conférences de pharmacie galénique et cosmétologie à la Faculté de pharmacie de Nantes et habilitée à (...)

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