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Miracles : quand la spiritualité devient scientiste

Publié en ligne le 18 novembre 2024 - Science et médias -
À travers l’examen de quelques documentaires, différents auteurs portent ici un regard visant à illustrer certaines des analyses du dossier.

Un documentaire peut inviter à des croyances de façon trompeuse, même en matière de miracles. Le film-documentaire Miracles (2023) en donne une illustration. Le synopsis annonce : « Pour la première fois au cinéma, une enquête sur trois énigmes restées scientifiquement inexpliquées. Ce film documentaire nous entraine sur les traces de la relique la plus analysée au monde, le suaire de Turin, sur une image toujours inexpliquée d’une femme enceinte qui s’est imprimée sur une tunique en fibre végétale du XVIe siècle ainsi que sur des écrits uniques dans l’histoire de l’humanité et qui défient tous les records de la littérature mondiale » [1].

Pierre Barnérias 1, son réalisateur, se penche ainsi sur la conflictualité entre l’approche scientifique et la compréhension religieuse des miracles au sein de notre société. La première cherche l’explication rationnelle et démontrable des faits, tandis que la seconde voit à travers ces miracles une preuve de l’existence de Dieu dont l’œuvre dépasse la compréhension et l’ordre naturel. L’événement miraculeux revêt un voile de mystère divin qui échappe aux exigences d’un protocole scientifique : comment tester l’origine surnaturelle d’un événement inexpliqué, en particulier quand celui-ci est singulier et non reproductible ?

Pour les trois miracles évoqués dans ce film, il est toujours possible d’identifier une part de mystère.

Pour le linceul de Turin, un tissu de lin apparu au XIVe siècle qui semble figurer un visage, identifié par certains comme étant celui de Jésus Christ, Une datation au carbone 14 faite en 1989 [2] situe la réalisation du tissu entre 1260 et 1390. Mais la fiabilité de cette datation fait l’objet de débats [3].

Sainte Véronique}, Dominikos Theotokópoulos dit « Le Greco » (1541-1614)

Pour la tunique de Juan Diego, il n’a pas été possible de déterminer l’origine des pigments de peinture et la résistance de la relique l’explosion d’une bombe lors d’un attentat en 1921 est inouïe. Enfin, pour les écrits mystiques de Maria Valtorta (décédée en 1961) décrivant la vie de Jésus dans une œuvre imposante [4][5], c’est l’ampleur du travail qui peuvent étonner de la part d’une femme qui n’a jamais quitté sa Toscane : « 122 cahiers, soit près de 15 000 pages manuscrites, avec la description des visions et révélations qu’elle reçoit du Seigneur » écrits « alors qu’elle était clouée au lit », selon ses thuriféraires [6]. Selon le descriptif du documentaire, «  ces textes ne cessent […] d’émerveiller les chercheurs qui ont passé au peigne fin les milliers de détails factuels qu’ils contiennent » [7].

Le film annonce que l’on peut réconcilier la science et la croyance, dans la mesure où certains éléments associés à ces « miracles » pourraient trouver des scénarios scientifiques. Le réalisateur n’admet l’avis scientifique que dans la mesure où il permet de valider l’interprétation miraculeuse. Le film attribue toute contestation scientifique à une hostilité contre Dieu. Par exemple, lorsque Marcellin Berthelot rejette les conclusions des scientifiques Yves Delage et Paul Vignon affirmant l’authenticité du linceul devant l’Académies des sciences en 1902, il est dépeint dans le documentaire comme un féroce anticlérical.

En voulant dénoncer l’animosité de la société à l’égard des miracles, le documentaire rejette les travaux scientifiques qui pourraient conduire à invalider les croyances. Ce procès d’intention permet de ne retenir que les résultats qui apportent la confirmation des idées de l’auteur. Pierre Barnérias ambitionne de poser la question du rapport de la société à ce qui échappe à l’entendement, mais c’est pour dévaloriser la méthode scientifique et l’accuser de biais idéologiques quand elle ne lui donne pas satisfaction. À l’issue du film, la concordance tant espérée entre science et religion ne se produit qu’à la condition d’avoir d’emblée accepté, comme Pierre Barnérias, la thèse d’une Vérité subtile et élusive derrière les miracles mis en image.

Références


1| Barnérias P, Miracles (2023), TProd. Sur unifrance.org
2| Damon P et al., “Radiocarbon dating of the Shroud of Turin”, Nature, 1989, 337:611–5.
3| Di Lazzaro P et al., “Statistical and Proactive Analysis of an Inter-Laboratory Comparison : The Radiocarbon Dating of the Shroud of Turin”, Entropy, 2020, 22:926.
4| Valtorta M, L’Évangile tel qu’il m’a été révélé(10 tomes), Centro Editoriale Valtortiano, 1944-1947.
5| Valtorta M, Les Cahiers (3 tomes), éditions Maria Valtorta, 1943-1950.
6| « l’œuvre de Maria Valtorta », page web. Sur editionsmariavaltorta.fr
7| Site internet : miracles-lefilm.com

1 Pierre Barnérias est également le réalisateur du documentaire Hold-Up (2020) qui relaie toutes sortes de théories complotistes sur la pandémie de Covid et la vaccination.

Publié dans le n° 349 de la revue


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Les auteurs


Thomas C. Durand

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