Expériences en virologie
Publié en ligne le 29 octobre 2025
La pandémie de Covid-19 et la controverse sur son origine ont placé la recherche au centre d’un débat qui nous amène à interroger les bénéfices et les risques pour la collectivité des expériences en virologie. Le récent rapport de l’Académie nationale de médecine a ainsi rappelé que l’hypothèse d’un accident de laboratoire ne pouvait être écartée, même si aucune preuve définitive n’a été collectée 1. Le même rapport insiste sur « les risques liés aux manipulations génétiques de virus » et « les graves conséquences » que l’on peut redouter « en l’absence de contrôle et de réflexion sur leurs impacts possibles, notamment en matière de biosécurité ».
C’est dans ce contexte que l’ouvrage d’Étienne Decroly s’attache à nous expliquer en termes clairs ce que recouvrent ces expériences, en présentant d’abord les méthodes couramment utilisées. On y trouve la culture de virus en laboratoire, la modification ciblée de leur génome pour comprendre leur fonctionnement, ou encore les expérimentations sur des animaux modifiés génétiquement pour tester les traitements. Pour les spécialistes du sujet, ces pratiques, à la base de la recherche actuelle, ont une utilité évidente pour mettre au point des vaccins et des médicaments antiviraux.
Mais il aborde aussi des expérimentations plus sensibles. Les tests d’échappement, par exemple, permettent d’anticiper les résistances virales mais génèrent en laboratoire des variants résistants, pouvant éventuellement se propager en cas de fuite. Les expériences dites de « gain de fonction », destinées, par exemple, à révéler les éléments génétiques clés du franchissement de la barrière d’espèce, entraînent un risque de créer artificiellement un pathogène à potentiel pandémique.
É Decroly se refuse à pratiquer des manipulations susceptibles de rendre un virus animal pathogène pour l’Homme ou à recréer par biologie de synthèse des agents disparus, tels que le virus de la grippe espagnole recréé en laboratoire en 2005. Ce virus avait été responsable de dizaines de millions de morts en 1918 et 1919.
Le livre évoque aussi les risques d’utilisation malveillante de la recherche ainsi que les accidents de laboratoire, souvent sous-estimés. Le risque zéro n’existe pas et les précédents – qu’il expose brièvement – suffisent à rappeler que l’erreur humaine ou la défaillance technique peuvent avoir des conséquences considérables.
L’ouvrage met en lumière un débat qui dépasse le cercle des spécialistes et nous concerne tous. La virologie expérimentale soulève avant tout un enjeu de gouvernance : il faut décider collectivement de ce qui peut être entrepris et de ce qui ne doit pas l’être. Selon l’auteur, laisser se poursuivre sans encadrement suffisant les expériences les plus risquées, au nom de la liberté académique ou d’intérêts stratégiques, n’est pas une option. En conclusion, les expérimentations restent indispensables, mais elles doivent être strictement encadrées, avec une mise en perspective de l’intérêt général.
1 Académie nationale de médecine, « De l’origine du SARS-CoV-2 aux risques de zoonoses et de manipulations dangereuses de virus », Rapport 25-06, 2025. Sur www.academie-medecine.fr
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