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Gare aux gourous

Publié en ligne le 22 janvier 2021
Gare aux gourous
Santé, bien-être

Georges Fenech
Éditions du Rocher, 2020, 270 pages, 18 €

Voilà un ouvrage qui devrait figurer dans la bibliothèque de tout lecteur sensible à la lutte contre le charlatanisme, et de toute personne en charge de responsabilités dans les secteurs de la santé ou de la protection des individus. Georges Fenech, député honoraire et ancien juge d’instruction, dresse un tableau très inquiétant de la situation qui ne laisse pas le lecteur indemne.

L’auteur a également présidé la Miviludes 1 : il est donc aux premières loges pour apporter un témoignage aussi réaliste que documenté. Il explique comment ces « dérapeuthes » 2 sont capables de s’organiser et de se faire reconnaître. Le marché mondial des médecines complémentaires et alternatives a d’ailleurs été estimé en 2017 à 316 milliards d’euros. Il explique et dénonce comment ils sont devenus de plus en plus influents. On les retrouve ainsi jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir mais aussi dans les institutions nationales, les universités et établissements scolaires, le monde associatif ou religieux, le milieu médical et hospitalier, c’est-à-dire partout. « En réalité, malgré toutes les précautions et systèmes d’alerte, c’est un véritable tsunami du charlatanisme de la santé qui a submergé nos vies. » Ces mouvements déstabilisent la médecine en exploitant habilement ses failles, par exemple en prenant le temps dont ne dispose pas toujours le médecin et en traitant « la personne et non la maladie ».

La partie centrale de l’ouvrage, intitulée « la foire aux miracles » décrit aussi bien les dérives classiques (homéopathie, naturopathie, kinésiologie…) que les inventions plus récentes, du néo-chamanisme à la méditation à visée thérapeutique, comme la méditation pleine conscience, de la bio-résonance à la médecine quantique, de la reconnexion aux pratiques alimentaires de toutes sortes 3. Ces six chapitres constituent une documentation de premier ordre décrivant : les méthodes psychologisantes, le bien-être et le développement personnel, les méthodes psychospirituelles, les méthodes énergétiques (avec l’exemple du reiki ou de la kinésiologie qui ont fini par infiltrer les établissements de santé), les méthodes hygiénistes et enfin, les méthodes médicamenteuses.

On découvre même l’usage jusqu’au sein de l’AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), de l’acupuncture, la fasciathérapie, l’olfactothérapie, l’EMDR, le Taï-chi, l’auriculothérapie, etc.

Le titre de la troisième partie, « la capitulation face au charlatanisme », suffit à résumer l’étendue du problème. G. Fenech souligne que les pouvoirs publics ont progressivement baissé la garde, jusqu’à parfois dérouler le tapis rouge aux vendeurs de remèdes magiques, infiltrés jusque dans nos écoles, nos universités et nos hôpitaux. Cette montée en puissance des préconisations issues notamment du New Age est réellement inquiétante.

Actuellement, il n’y a aucune mesure efficace contre les praticiens sans scrupules. Et lorsque la vie des personnes a été en jeu, les actions a minima des pouvoirs publics paraissent bien dérisoires. On assiste même, ces dernières années, à de nombreuses reculades : la Miviludes a été plus ou moins placardisée, le GAT (groupe d’appui technique du Ministère de la santé chargé d’évaluer les médecines non conventionnelles) a été progressivement soumis aux pressions 4 d’un marché très lucratif, freinant son activité.

La France compte 90 diplômes universitaires relatifs aux médecines alternatives, dont les deux tiers sont proposés au sein même des facultés de médecine. G. Fenech déplore que si peu de personnes soient informées du fait que, pour les universités devenues autonomes, ce filon est très lucratif, et ce au mépris des données de la science.

Devant la mansuétude des tribunaux face aux dérives thérapeutiques, les victimes doivent s’armer de courage et de ténacité. Et pendant ce temps-là, les charlatans continuent à professer le plus tranquillement du monde… Mais d’autres pays agissent différemment, par exemple, en Suède où les produits homéopathiques sont absents des pharmacies, et interdits de prescription médicale sous peine de radiation de l’ordre des médecins.

Cette enquête approfondie sur les dérives thérapeutiques d’aujourd’hui, s’inscrit dans la continuité du travail de Jean Brissonnet, ancien vice-président de l’Afis, sur les pseudo-médecines 5. Elle permettra à chacun de prendre la pleine mesure du problème.

1 Miviludes : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

2 Thérapeutes qui dérapent, néologisme parlant repris par G. Fenech.

3 Sont développés ici différents aspects de certaines pratiques à la mode, comme le jeûne ou le régime sans gluten.

4 On en découvrira le détail par des courriers et rapports, pages 207 à 214.

5 Voir la note de lecture de l’ouvrage de Jean Brissonnet, La médecine postmoderne prend le pouvoir (2013), par Brunschwig M, SPS n°307, janvier 2014. Sur afis.org


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