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Valeurs mutualistes : un dossier stupéfiant

Publié en ligne le 16 décembre 2014 - Santé et médicament -

Monsieur le Président,

Je suis adhérent à la MGEN.

Comme tout adhérent d’une mutuelle de santé, j’attends de ma mutuelle « une organisation au service de l’adhérent ». Mais la MGEN n’est pas une mutuelle comme les autres. C’est le centre de sécurité sociale obligatoire des professionnels de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et leur assurance complémentaire la plus fréquente. A ce titre j’attends aussi de ma mutuelle une exemplarité dans le contenu de sa communication à destination des adhérents comme des personnels de santé.

C’est ainsi avec stupeur que j’ai parcouru les 6 pages du dossier « environnement et santé » publié dans le numéro 293 de Valeurs Mutualistes.

Les premières pages du dossier reprennent à leur compte un tableau apocalyptique d’une dégradation environnementale dont les « organismes scientifiques et pouvoirs publics peinent à prendre conscience des conséquences sanitaires  » qu’il faut en attendre, et ce d’autant plus qu’il est affirmé que les « lobbys industriels » infiltrent les agences sanitaires et les universités…

S’ensuit une page de transition sur des pathologies « peu reconnues par le monde scientifique » et méconnues « du corps médical » au premier rang desquelles sont évoquées les pathologies attribuées aux ondes électromagnétiques. Le lecteur n’y trouvera jamais, pas plus qu’ailleurs dans le dossier, une information scientifiquement fondée à l’appui.

Enfin, en guise de conclusion du dossier, la dernière page consacre le hold-up qu’avec un grand effort de communication le Professeur Belpomme tente de réaliser sur l’appel de Paris en reprenant en exergue son slogan suivant lequel « nous allons au devant d’une catastrophe sanitaire  », appelant à « sortir de cette espèce de pensée unique cadenassée par des lobbys industriels de plus en plus puissants », et se donnant pour double objectif de « faire reconnaître les atteintes à la santé et l’environnement comme crime contre l’humanité » et de « faire admettre la pollution électromagnétique comme risque sanitaire majeur émergent ».

Une mention particulière mérite aussi d’être réalisée sur les sources mobilisées pour ce dossier. Comment ne pas réagir quand on constate que les seuls ouvrages proposés comme devant être lus se dénomment « La science asservie. Santé publique, les collusions mortifères entre industriels et chercheurs » et « La fabrique du mensonge. Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger. » ? Comment ne pas sourire en lisant la liste des liens proposés « pour en savoir plus » ?

Le fait d’avoir publié ce dossier en l’état me paraît inqualifiable. S’il s’agissait d’une mutuelle parmi les autres, je pourrais n’y voir qu’une illustration supplémentaire de la perméabilité des pays développés à la décadence postmoderne. Mais il s’agit du régime d’assurance obligatoire des professionnels de la recherche scientifique !

N’étant guère enclin à emprunter le même registre que le dossier pour dénoncer à mon tour je ne sais quelle infiltration de lobbys écologistes ou obscurantistes dans la presse et la mutualité françaises, comment puis-je interpréter la publication d’un dossier si invraisemblable ? Y-a-t-il un comité de rédaction dans cette revue ? Y-a-t-il un rédacteur en chef ?

Valeurs Mutualistes, très probablement involontairement, très probablement avec la meilleure bonne foi du monde de la part de la journaliste qui a coordonné le dossier et de celles et ceux qui l’ont validé avant publication, s’est livrée à une entreprise de désinformation rare de la part d’une publication de professionnels de santé.

Il est véritablement stupéfiant qu’aucun expert des agences du service public de sécurité sanitaire et environnementale n’ait été ne serait-ce que sollicité et cité : seuls ont été mobilisés, pour un dossier instruit intégralement à charge, des journalistes, des responsables associatifs, et des personnalités, tous connus pour leur engagement militant environnementaliste.

Les seules absentes de ce dossier… ce sont les données acquises de la science…

En tant qu’adhérent de la MGEN, je me permets d’émettre le vœu que la MGEN et Valeurs mutualistes fassent leurs les engagements du corps médical consacrés par la loi à savoir de promouvoir que soient assurés aux patients « des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » (article R.4127-32 du code de la santé publique), et ce sans oublier de rappeler inlassablement aux adhérents, en écho à l’encadré du dossier sur ce que l’auteur appelle l’« écomédecine », que « les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé » et que « toute pratique de charlatanisme est interdite. » (article R.4127-39 du code de la santé publique).

Sachez, Monsieur le Président, que j’envoie cette lettre, en copie, à Madame la présidente de l’Association Française pour l’Information Scientifique, au conseil d’administration de cette association, et au rédacteur en chef de la revue Science et pseudosciences. Je les autorise à utiliser cette lettre ainsi ouverte à fin de faire progresser une politique de santé publique se fondant sur l’Evidence Based Medicine.

Regrettant sincèrement d’avoir dû prendre mon clavier pour vous écrire de la sorte, veuillez accepter, Monsieur le Président, l’expression de mes sincères salutations mutualistes

Michel Naud

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L' auteur

Michel Naud

Ingénieur, entrepreneur des industries métallurgiques et mécaniques, président de l’AFIS de 2006 à 2010.

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