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Le nucléaire et la guerre

Publié en ligne le 14 octobre 2022 - Nucléaire -
Introduction du dossier

Les connaissances sur la structure de la matière ont connu une véritable révolution au début du XXe siècle. Jusque-là, les physiciens connaissaient les deux forces qui régissent le monde macroscopique : la gravitation (responsable du mouvement des corps célestes et dont la connaissance permet, par exemple, de calculer la trajectoire des obus) et l’électromagnétisme (ouvrant la porte aux premières applications de l’électricité et des télécommunications). Toutefois, à cette époque, « on ne comprenait pas les propriétés de la matière, on ne savait pas les déduire de principes plus élémentaires » [1]. La découverte des particules élémentaires et les formidables forces qui régissent le monde aux échelles atomiques étaient inconnues.

Les « trente années qui ébranlèrent la physique », pour reprendre le titre d’un ouvrage du célèbre physicien George Gamow [2], ont vu les découvertes fondamentales s’enchaîner à un rythme époustouflant et la structure fine de l’atome être mise à jour : un atome est constitué d’un noyau très dense composé de protons et de neutrons, entouré d’un nuage d’électrons. En 1938, la fission nucléaire fut comprise par l’identification du baryum résultant de la rupture d’un noyau d’uranium après l’absorption d’un neutron. Dès 1939, les physiciens identifient la possibilité d’une réaction nucléaire « en chaîne » dans laquelle une fission libère des neutrons qui vont interagir avec d’autres noyaux et provoquer de nouvelles fissions, libérant des quantités importantes d’énergie. La voie est ouverte pour l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires et civiles. Le premier réacteur nucléaire est construit à Chicago en 1942 et le projet américain Manhattan conduit à la mise au point de la bombe atomique. Après un test le 16 juillet 1945 dans le désert du Nouveau Mexique, deux bombes sont lâchées sur les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945.

La Guerre et nous, Edward Okun (1872-1945)

L’entrée dans l’ère du nucléaire s’est ainsi faite par l’explosion de deux bombes faisant de l’ordre de 200 000 victimes civiles. Pendant la guerre froide, un programme effréné d’armement nucléaire s’est développé principalement aux Etats-Unis et en Union soviétique et, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni, en France et en Chine.

Les premières bombes étaient atomiques (« bombes A ») dans le sens où elles utilisent l’énergie issue de la fission de l’atome. Très rapidement (1952 aux États-Unis, 1953 en Union soviétique) les bombes à hydrogène (« bombes H ») sont mises au point. Elles sont plus puissantes car elles utilisent l’énergie de fusion d’atomes (la fission nucléaire y est aussi utilisée et sert à initier la réaction de fusion). Aux pays possesseurs de l’arme nucléaire citées ci-dessus se sont ajoutés l’Inde, le Pakistan, Israël et la République populaire démocratique de Corée. Les États-Unis et la Russie possèdent 90 % des 12 705 armes nucléaires recensées dans le monde en 2022 [3]. Avec la fin de la guerre froide, les risques d’une guerre entre ces deux grandes puissances se sont estompés. Mais, avec la guerre en Ukraine, la tension et l’inquiétude sont remontées quant à un risque d’utilisation de cet armement, soixante ans après la « crise des missiles » à Cuba en 1962.

Phare des côtes bretonnes, Théodore Gudin (1802-1880)

Ce dossier de Science et pseudo-sciences ne prétend pas à l’exhaustivité sur un sujet qui a de nombreuses dimensions géopolitiques, économiques et sociales qui sortent du périmètre de notre action.

Il apporte néanmoins quelques éclairages scientifiques sur un sujet complexe pour lequel, s’agissant du domaine militaire, le secret est souvent de mise, rendant difficiles les analyses, mais aussi favorisant toutes sortes de fantasmes. Un sujet où il est parfois difficile de « penser l’impensable ».

Les conséquences de l’emploi d’une bombe atomique

Les effets directs
L’effet destructeur des bombes atomiques est d’abord un effet direct au moment de l’explosion et juste après : effet de souffle, dégagement d’une chaleur intense et fortes irradiations. À Hiroshima et Nagasaki, ce sont environ 200 000 personnes qui ont ainsi péri. Les capacités des bombes actuelles sont incommensurablement plus importantes et, avec des centres urbains comme cibles, elles pourraient provoquer la mort de dizaines de millions, voire de centaines de millions de personnes. En plus des morts immédiats, les retombées radioactives peuvent avoir un impact très important dans les zones sous le vent du site touché (voir l’article de Jean-Jacques Ingremeau, « Les effets d’une bombe nucléaire »).

L’effet des rayonnements
Un des effets immédiats d’une explosion atomique est une irradiation intense des personnes à quelques kilomètres de l’explosion, irradiation qui peut avoir des impacts à long terme sur la santé. Nous disposons (malheureusement) d’une « expérience en grandeur nature » avec les rescapés des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Ce sont d’ailleurs les études des conséquences observées sur ces populations qui sont à la base des normes de radioprotection en vigueur aujourd’hui partout dans le monde. Ainsi, 100 000 personnes exposées ont été suivies toute leur vie, ainsi que 42 000 enfants, nés entre 1946 et 1984 de survivants irradiés. Les très nombreuses études réalisées confirment un effet à long terme de l’irradiation, mais avec une ampleur modérée par rapport à ce qui est généralement affirmé. Quant aux enfants des survivants irradiés, contrairement à une idée très répandue, ils ne présentent pas d’anomalies détectables (voir l’article de Bertrand Jordan, « Conséquences des bombardements à Hiroshima et Nagasaki sur les survivants et leur descendance »).

Explosion nucléaire et explosion « conventionnelle »

Une explosion, en général, résulte de la libération très rapide d’une grande quantité d’énergie dans un espace limité. Ceci est vrai pour un explosif conventionnel comme pour une bombe nucléaire, bien que l’énergie soit produite de manière très différente. La libération soudaine d’énergie provoque une augmentation considérable de la température et de la pression, de telle sorte que tous les matériaux présents sont transformés en gaz chauds et comprimés. Comme ces gaz sont à des températures et des pressions très élevées, ils se dilatent rapidement et provoquent ainsi dans le milieu environnant (air, eau ou terre) une onde de pression appelée « onde de choc » (dans l’air, on parle aussi d’« onde de souffle », ou de « souffle de l’explosion »).

Les armes nucléaires sont similaires à celles de types conventionnels dans la mesure où leur action destructrice est due principalement au souffle ou au choc. En revanche, il existe plusieurs différences fondamentales entre les armes nucléaires et les armes explosives conventionnelles :

  • les explosions nucléaires peuvent être plusieurs milliers (ou millions) de fois plus
    puissantes que les plus grandes détonations conventionnelles ;
  • pour la libération d’une même quantité d’énergie, la masse d’un explosif nucléaire est bien inférieure ;
  • les températures atteintes dans une explosion nucléaire sont beaucoup plus élevées que dans une explosion conventionnelle et une proportion assez importante de l’énergie d’une explosion nucléaire est émise sous forme de rayonnements capables de provoquer des brûlures de la peau et de déclencher des incendies à des distances considérables ;
  • l’explosion nucléaire s’accompagne de rayons radioactifs invisibles, très pénétrants et nocifs ;
  • les substances qui restent après une explosion nucléaire émettent des radiations pendant une longue période.

D’après Glasstone S, Dolan PJ (eds),The Effects of Nuclear Weapons, ministère de la Défense des États-Unis, 3e édition, 1977. Sur atomicarchive.com

Les impacts sur le climat et l’alimentation
Même si un grand nombre de centres urbains pourraient être détruits dans le cadre d’une guerre nucléaire de grande ampleur, la majorité de la population mondiale survivrait aux explosions. L’humanité ne serait pas sauvée pour autant car un conflit de ce type pourrait avoir un impact considérable sur le climat et donc sur l’agriculture, mettant en péril la capacité de l’humanité à se nourrir.

L’hypothèse d’un « hiver nucléaire » provoqué par l’accumulation dans l’atmosphère d’aérosols issus des explosions ou des incendies qui suivent l’explosion a largement été popularisé durant la guerre froide. Elle prévoit un refroidissement important et durable du climat terrestre (un peu à l’image de la chute d’un astéroïde de 9 km de diamètre qui est l’une des hypothèses de l’extinction de masse et la disparition des dinosaures non aviens il y a 66 millions d’années [4]). Toutefois, cette possibilité d’un hiver nucléaire fait l’objet de discussions entre scientifiques quant à son ampleur réelle (voir l’article de François-Marie Bréon, « Conséquences climatiques d’une guerre nucléaire »).

Les « bombes sales »

Au-delà des armes nucléaires classiques de l’arsenal militaire des pays nucléarisés, il faut mentionner les bombes « radiologiques » (ou « bombes sales ») qui pourraient se retrouver à la portée d’entités dotées de moyens plus limités (de groupes terroristes par exemple). Il ne s’agit en réalité pas de bombes nucléaires au sens où aucune réaction nucléaire (fission ou fusion) n’y est mise en œuvre, mais d’une bombe conventionnelle qui disperse dans l’environnement des déchets radioactifs (plus faciles à se procurer que la matière fissile) inclus dans le dispositif. Ces armes sont en réalité peu létales (la puissance de l’explosion est limitée) et leurs dégâts sont essentiellement liés à une pollution localisée de l’environnement. Elles pourraient cependant « semer la terreur parce qu’elles ont un impact psychologique fort » exploitant le fait que « les gens craignent les rayonnements hors de toute proportion avec le risque qu’ils présentent pour la santé humaine » [5]. Il s’agit donc là d’une arme de type terroriste, bien loin de l’impact des armes stratégiques discutées plus haut.

Le nucléaire civil en temps de guerre

La guerre en Ukraine a montré comment des sites civils de production d’électricité nucléaire peuvent devenir des enjeux militaires, mais aussi des enjeux d’image et de communication. Il n’est pas possible de dimensionner une installation nucléaire pour la rendre capable de résister à toute agression militaire délibérée (pas plus qu’un barrage hydraulique ou un site chimique Seveso dont la destruction par une armée pourrait avoir de très graves conséquences). Au-delà du risque réel de l’emploi d’armes conventionnelles sur des sites nucléaires, il est clair que toute situation de conflit a un impact sur les procédures de sûreté qui sont en place lors de l’exploitation des réacteurs, ce qui augmente le risque d’un accident (voir l’article d’Emmanuel Raimond, « La sûreté des installations nucléaires en période de guerre »).

Le nucléaire militaire en temps de paix

Le nucléaire militaire a malheureusement aussi des conséquences en temps de paix, même s’il n’est pas utilisé en temps de guerre.

Les essais nucléaires et leurs conséquences
Le développement des armes nucléaires a nécessité un grand nombre d’essais, le premier ayant eu lieu le 16 juillet 1945 dans un désert du Nouveau-Mexique aux États-Unis. Jusqu’au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires [6] en 1996 (qui fut ratifié par la France en 1998, mais n’est toujours pas en vigueur faute d’un nombre suffisant de signataires), on recense plus de 2 000 essais dans le monde entier, réalisés pour une grande majorité par les États-Unis (1032), l’Union soviétique (715), la France (210), la Chine (45) et le Royaume-Uni (45). Quelques tests d’explosions nucléaires ont aussi été réalisés par l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord [7]. Environ un quart des tests ont eu lieu dans l’atmosphère et trois quarts étaient souterrains. En 1963, un traité international interdit les essais « dans l’atmosphère, dans l’espace et sous l’eau » et apporta un certain nombre de restrictions pour les essais souterrains [8]. La France s’y est ralliée en 1980.

Si les grandes puissances ont renoncé aux essais nucléaires, c’est qu’elles peuvent s’appuyer sur les mesures acquises lors des tests déjà réalisés, mais aussi sur des simulations numériques des interactions matière-rayonnement lors d’une explosion. Des installations spécifiques ont été construites afin de tester le comportement de la matière dans les conditions de haute température et haute pression caractéristiques de l’explosion et pour « reproduire à toute petite échelle les conditions physiques dans lesquelles se trouve la matière lors du fonctionnement nucléaire de l’arme » [9].

Mahana no Atua (Jour de Dieu)
Paul Gauguin (1848-1903)

Avant de se conformer au traité international d’interdiction des tests nucléaires, la France a réalisé 210 essais – d’abord dans le sud algérien, de 1960 à 1966 (4 essais aériens et 13 essais souterrains), puis en Polynésie sur les atolls de Mururoa et Fangataufa de 1966 à 1996 (46 aériens et 147 souterrains).

Les essais souterrains ont parfois donné lieu à des fuites substantielles de radioactivité, mais ce sont surtout les essais aériens qui conduisent à des retombées radioactives importantes. Les sites d’expériences ont donc été choisis pour leur distance aux zones plus peuplées, en particulier sous les vents dominants. Il était cependant difficile de trouver des sites avec strictement aucune habitation dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. De plus, des erreurs de prévision météo, des erreurs dans l’évaluation de la puissance de certains essais
ainsi que des accidents ont conduit à des contaminations significatives sur certaines zones qui devaient être épargnées. Les premiers touchés sont les militaires et le personnel sur place, mais les populations locales ont parfois été atteintes. Ces tests étant souvent couverts par le secret militaire ou par le peu de transparence de certains États, un bilan précis de leur impact est difficile à établir.

En France, toutefois, un Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) a été instauré par une loi de 2010. Le CEA (2006) ainsi que l’Inserm (2020) ont procédé à des études sur les impacts sanitaires des populations locales (voir l’article de François-Marie Bréon, « Conséquences sanitaires des essais nucléaires français en Polynésie ».).

Dans son rapport d’expertise, l’Inserm conclut que « les rares études épidémiologiques sur la Polynésie française ne mettent pas en évidence d’impact majeur des retombées des essais nucléaires sur la santé des populations polynésiennes », avec cependant « une faible augmentation du risque de cancer de la thyroïde ». Pour le personnel militaire ayant une dosimétrie non nulle, le rapport note « une augmentation du risque de mortalité par hémopathies malignes » [10]. L’institut de santé souligne toutefois ne pas pouvoir « exclure l’existence de conséquences sanitaires qui seraient passées inaperçues jusqu’à présent » et recommande la mise en place d’autres approches complémentaires.

On ne peut pas exclure que les retombées radioactives aient eu un impact sur la fréquence des cancers en Polynésie, mais il est certain que cet impact, en regard des cancers non radio-induits, reste faible. Pourtant, les malades atteints de pathologies pouvant être radio-induites seront facilement enclins à voir dans les essais la cause de leur souffrance, augmentant l’impact psychologique sur les populations.

La sûreté du nucléaire militaire
En France, le contrôle des installations du nucléaire civil offre une très grande lisibilité via une autorité indépendante (l’ASN, Autorité de sureté nucléaire) et un organisme de recherche et d’expertise qui lui est associé (l’IRSN, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Ainsi, par exemple, le site de l’ASN expose l’ensemble des déclarations d’incident [11], y compris ceux dits de « niveau 0 » concernant « des écarts par rapport au fonctionnement normal des installations, à l’utilisation normale des sources radioactives ou au déroulement normal des transports » et qui « n’ont aucune importance du point de vue de la sûreté ». Une centaine de ce type d’événement est rapportée chaque année.

Il n’en est pas de même dans le domaine du nucléaire militaire où les exigences et finalités ne sont pas les mêmes, bien qu’une Autorité de sûreté nucléaire défense ait été instituée (placée sous la responsabilité du ministère de la Défense et celui de l’Industrie).

L’Incendie de la Chambre des Lords et des Communes, le 16 octobre 1834 J.M.W. Turner (1775-1851)

À l’échelle mondiale, des milliers d’ogives, des milliers de sites nucléaires, des armes déclassées et recyclées et des déchets à gérer sont autant de sources potentielles d’accidents. De fait, l’histoire du nucléaire militaire est parsemée de nombreux accidents, sans qu’une liste exhaustive puisse être établie.

Le ministère de la Défense américain reconnaît 32 accidents entre 1950 et 1980 [12] avec, par exemple, l’écrasement de bombardiers porteurs de charges nucléaires, le largage en urgence de bombes en mer, l’incendie d’entrepôts ou de silos nucléaires. Fort heureusement, au cours de ces accidents, si la partie classique de la bombe a pu exploser, la réaction nucléaire ne s’est jamais enclenchée.

L’un de ces accidents a été très médiatisé par un livre et un documentaire [13]. Il s’agit de celui intervenu en 1980 à Damascus dans l’Arkansas dans le silo de lancement d’un missile Titan II. Au cours d’une opération de maintenance, un opérateur a laissé tomber une lourde clé qui a perforé le réservoir de carburant sous pression du missile provoquant, huit heures plus tard, une explosion tuant une personne et en blessant 21 autres. L’ogive nucléaire a été éjectée à quelques dizaines de mètres, mais a été retrouvée intacte.

Le plus grave accident connu du nucléaire militaire reste l’explosion (chimique) d’un réservoir contenant des produits hautement radioactifs à Mayak (Russie) en 1957 [14]. Il a contaminé une large région, avec des conséquences sanitaires qui restent mal connues du fait de l’opacité du régime soviétique de l’époque. Cet accident a longtemps été gardé secret et on peut penser que d’autres États ont caché et continuent à cacher des accidents qui sont intervenus sur leur territoire.

Une centrale nucléaire peut-elle exploser comme une bombe ?

L’idée qu’une centrale nucléaire puisse exploser comme une bombe nucléaire est encore parfois présente. Pourtant, si dans les deux cas on cherche à exploiter l’énergie contenue dans les noyaux des atomes à travers une « réaction en chaîne », les différences sont fondamentales et une centrale nucléaire ne pourra pas s’emballer « comme une bombe ». Une bombe nucléaire nécessite un combustible hautement enrichi en isotope fissile (par exemple de l’uranium 235 ou du plutonium 239) et une configuration particulière (très forte densité générée par un explosif chimique dans une bombe) qui ne sont pas présents dans un cœur de réacteur.

Dans le cas de l’accident de Tchernobyl, la puissance du réacteur a brusquement augmenté, conduisant à l’échauffement et la vaporisation de l’eau, et donc à une « explosion de vapeur ». Néanmoins, même si la puissance du réacteur était très au-dessus des normes pour un réacteur nucléaire, elle est restée très largement en dessous de ce qui se produit lors de l’explosion d’une bombe nucléaire.

À Fukushima, l’absence de refroidissement a conduit à un échauffement graduel des cœurs des réacteurs, conduisant à la fonte des combustibles et à la formation d’hydrogène. C’est l’explosion de ce gaz qui a endommagé les installations ; rien à voir donc avec une explosion nucléaire.

Reste que ces explosions, de vapeur à Tchernobyl et chimique à Fukushima, ont conduit à la dissémination de particules radioactives, à l’image des bombes « sales » évoquées plus haut.

Armageddon, Nicolas Roerich (1874-1947)

Un risque de prolifération ?

Une des critiques souvent faites au nucléaire civil est le risque de prolifération, c’est-à-dire l’utilisation des technologies ou des matières développées dans un cadre civil (production d’électricité) pour construire une bombe nucléaire. Une des missions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est de contrôler les sites civils pour s’assurer qu’ils ne sont pas utilisés pour un usage militaire. On notera cependant que la grande majorité des pays qui utilisent l’énergie nucléaire pour un usage civil n’ont pas développé d’application militaire. Et surtout, la quasitotalité des pays qui ont développé une bombe nucléaire l’ont fait avant de développer leur programme civil. Aujourd’hui, avec les techniques de centrifugation poussée, il est devenu possible d’extraire un combustible fissile (l’uranium 235) de l’uranium naturel sans nécessiter de réacteur nucléaire. Ainsi, la Corée du Nord a développé une bombe nucléaire sans avoir de programme nucléaire civil tandis que son voisin du Sud dispose d’un parc de réacteurs nucléaires important, mais n’a pas développé le côté militaire.

Conclusion

Son potentiel militaire est un des côtés sombres de l’énergie nucléaire. Le risque d’une guerre nucléaire avec des conséquences dramatiques sur l’humanité toute entière est bien réel. Même sans aller jusqu’à de telles perspectives, le secret militaire est propice au développement de rumeurs et de fantasmes. Dans le présent dossier, nous essayons de séparer ce qui relève du risque réel et ce qui est plutôt de l’ordre de la fiction.

Références


1 | Weisskopf VF, « La physique au XXe siècle », Cern, 1974. Sur cds.cern.ch
2 | Gamow G, Trente année qui ébranlèrent la physique – Histoire de la théorie quantique, Dunod, 1968.
3 | “Armaments, Disarmament and International Security”, Sipri Yearbook 2022, summary. Sur sipri.org
4 | Kaiho K et al., “Global climate change driven by soot at the K-Pg boundary as the cause of the mass extinction”, Sci Rep, 2016, 6 :28427.
5 | Stern J, « À propos de terrorisme », IAEA Bulletin, septembre 2006, 48/1.
6 | « Traité d’interdiction complète des essais nucléaires », CTBTO, 1996.
7 | “International Day against Nuclear Tests 29 August – Ending Nuclear Testing”, ONU. Sur un.org
8 | “Treaty Banning Nuclear Weapon Tests in the Atmosphere, in Outer Space, and Under Water”, US Department of State, 1963.
9 | « Les 20 ans du programme Simulation : histoire d’un succès ! », CEA, 2016.
10 | Expertise collective, « Essais nucléaires et santé. Conséquences en Polynésie français », Inserm, Collection Expertise collective, EDP Sciences, 2020.
11 | « Avis d’incident des installations nucléaires », ASN. Sur asn.fr
12 | “Narrative summaries of accidents involving US nuclear weapons”, Department of Defence, États-Unis.
13 | Kenner R, Schlosser E, Command and Control, film documentaire, 2016.
14 | Akleyev AV et al., “Consequences of the radiation accident at the Mayak production association in 1957 (the ‘Kyshtym Accident’)”, Journal of Radiological Protection, 2017, 37 :R19.

Publié dans le n° 342 de la revue


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Les auteurs

François-Marie Bréon

François-Marie Bréon est chercheur physicien-climatologue au Laboratoire des sciences du climat et de (…)

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Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (…)

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