Recyclage des métaux et minéraux : pas si simple
Publié en ligne le 9 juillet 2025 - Environnement et biodiversité -
Dossier coordonné par Jean-Paul Krivine et Sandra Rimey.
Tout ce qui est utilisé ou consommé par les humains, que ce soit dans leurs activités du quotidien ou lors d’activités spécialisées (science, technologies de pointe, etc.), est composé de ressources issues du sol ou extraites du sous-sol. Sans elles, il n’y aurait pas d’alimentation, pas d’hôpitaux, pas de logements, pas de vêtements… Derrière ce qui peut apparaître comme une affirmation triviale se trouvent des chiffres impressionnants et une réalité souvent méconnue.
Une consommation accrue de ressources naturelles
Dans son dernier rapport, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) indique que, au niveau mondial, l’extraction des ressources matérielles (combustibles fossiles, minéraux et biomasse) est passée de 30 milliards de tonnes pour l’année 1970 à 107 milliards de tonnes pour l’année 2024 [1]. La demande moyenne mondiale par habitant et par an est ainsi passée, sur la même période, de 8,4 tonnes à 13,2 tonnes. Les déterminants principaux à l’origine de cette croissance globale sont la démographie (la population est passée en un peu plus d’un demi-siècle de 3,7 milliards d’habitants à 8,1 milliards), la croissance économique et l’amélioration du niveau de vie, particulièrement dans les pays en développement, et enfin l’urbanisation croissante des sociétés (la proportion de la population mondiale vivant en ville est passée de 37 % en 1970 à 56 % en 2020). Bien entendu, ces chiffres cachent des disparités majeures entre pays en fonction du niveau de développement : « Les pays à revenu élevé continuent de consommer des matériaux à un rythme six fois supérieur à celui des pays à faible revenu. »
Autre tendance relevée dans le rapport, reflet des transformations économiques observées : la biomasse (agriculture, foresterie, élevage) représentait la moitié du tonnage des ressources extraites en 1970. Aujourd’hui, elle n’en représente plus que le quart. Métaux et minéraux non métalliques (incluant les matériaux de construction) comptent aujourd’hui pour près de 60 % du tonnage total, le reste (environ 15 %) étant les combustibles fossiles (voir encadré).
Des impacts majeurs
L’impact de l’utilisation de ces ressources sur la société et sur l’environnement est évidemment majeur : climat, biodiversité, pollution… Comment dès lors concilier le développement humain, qui ne peut se passer de ces ressources, et la préservation de l’environnement ? Le Groupe international d’experts sur les ressources, plate-forme scientifique et politique mondiale créée par le PNUE [2], décrit différents types de mesures qui pourraient contribuer à cet objectif [3, 4]. Certaines concernent directement l’activité d’extraction (mines et carrières). Mais d’autres s’intéressent à la possibilité de « réduire la demande de minéraux et de métaux primaires en adoptant des approches “d’économie circulaire”, y compris l’écoconception, le recyclage, la remise à neuf et la réutilisation, ainsi que l’exploitation de sources secondaires de ressources minérales et métalliques (résidus et déchets industriels, par exemple) ».
Dans le précédent numéro de Science et pseudosciences, nous avons abordé les questions relatives à l’extraction des matières (mines et carrières, impacts environnementaux et sociaux, réglementations, etc.) [5]. Nous nous intéressons ici à quelques aspects relatifs aux usages et au recyclage des métaux et minéraux.
Recyclage et économie circulaire
Le terme d’« économie circulaire » est maintenant largement mis en avant dans les agendas institutionnels (Union européenne [6], France [7]…). D’une manière générale, l’économie circulaire est un modèle de production et de consommation fondé sur la conception, la réutilisation, la réparation, la rénovation et le recyclage afin de prolonger au maximum la durée de vie des biens consommés, de préserver leur valeur, de limiter le recours aux matières premières et de réduire la quantité de déchets générés (voir encadré). Elle met au centre des préoccupations la lutte contre le gaspillage [8]. Dans ce cadre, le recyclage désigne l’ensemble des opérations visant à réintroduire dans un cycle de production des matériaux issus de produits en fin de vie, de rebuts de fabrication ou de déchets, afin d’en faire de nouveaux produits ou matières premières.

Extraction de matières à l’échelle mondiale entre 1970 et 2024 (en milliards de tonnes). En 2024, cette extraction représente plus de treize tonnes par an et par habitant. Les minéraux non métalliques, incluant ici les matériaux de construction, constituent la composante la plus importante et ont vu leurs niveaux d’extraction multipliés par cinq, passant de 9,6 à 45,3 milliards de tonnes.
Source
International Resource Panel, “Global critical minerals outlook”,. rapport, 2024. Sur resourcepanel.org
Mais derrière cette idée séduisante se cachent des difficultés parfois importantes : composants pouvant être complexes à recycler, très faible teneur de certains éléments dans les équipements, évolution rapide des technologies et des produits, rentabilité économique parfois incertaine, politiques publiques, maturité des filières industrielles, etc. (voir l’article de Patrice Christmann, Article non encore mis en ligne).
L’exemple des batteries de nos téléphones et de nos voitures est illustratif. Les batteries jouent un rôle important dans les transitions numérique et énergétique et elles font appel à des matériaux critiques 1 (lithium, cobalt, nickel, etc.). Les procédés de recyclage existants sont gourmands en ressources (eau, énergie) et ont également un impact environnemental. Par ailleurs, les technologies des batteries en évolution incessante rendent plus difficile la mise en place d’une filière industrielle pérenne de recyclage (voir l’article de Mathieu Salanne, Article non encore mis en ligne).
Les minéraux industriels, substances minérales non métalliques et non énergétiques, sont utilisés principalement pour leurs propriétés physico-chimiques : fabrication du verre, de céramiques, de cosmétiques, de peintures, d’engrais, de détergents, etc. (ils n’incluent pas les matériaux de construction, où les propriétés physiques et mécaniques sont privilégiées). Ce sont par exemple la silice, le kaolin, le talc, la barytine, la fluorine, le phosphate, le carbonate de calcium. Les minéraux industriels sont omniprésents dans les objets du quotidien. Selon les représentants des producteurs et importateurs de minéraux industriels, jusqu’à 60 % des minéraux industriels sont réutilisés à l’échelle de l’Union européenne. Toutefois, il reste encore de nombreux obstacles à lever pour assurer une sécurité d’approvisionnement durable (voir l’article de Sandra Rimey, Article non encore mis en ligne).

L’écoconception est l’intégration systématique des enjeux environnementaux dès la phase de conception et de développement d’un produit afin de minimiser les impacts à chaque étape de son cycle de vie (incluant le recyclage).
Schéma
P. Christmann et P. Piantone (BRGM). Avec l’aimable autorisation des auteurs.
La production d’énergie électrique nucléaire est une filière particulière : la fission nucléaire utilise une énergie extrêmement concentrée. Ainsi, la France n’utilise que 8 000 à 9 000 tonnes d’uranium naturel par an pour alimenter la totalité de son parc de centrales [9] ; rapporté à la population, cela fait moins de 150 grammes d’uranium par habitant et par an. À titre de comparaison, tous usages confondus, elle est de près d’une tonne de pétrole [10]. Toutefois, des questions sont parfois posées quant à la sécurité d’approvisionnement en uranium. Et si l’opinion publique est maintenant redevenue plus favorable à l’électricité d’origine nucléaire, la gestion des déchets radioactifs reste, pour elle, une préoccupation importante [11]. La technologie de réacteurs, dits « à neutrons rapides », pourrait radicalement changer la situation en matière de déchets si elle était industrialisée. Aujourd’hui, à peine 1 % des minerais d’uranium naturel est utilisé (l’uranium enrichi sert de combustible et l’uranium appauvri est un déchet, actuellement non valorisé). Les réacteurs à neutrons rapides pourraient utiliser cet uranium appauvri et seraient également capables de consommer une partie des déchets les plus radioactifs produits dans le cœur des centrales existantes. Ainsi, non seulement ces réacteurs permettraient un plus grand recyclage dans la chaîne de production et une réduction des déchets, mais ils assureraient aussi une indépendance d’approvisionnement en combustibles pour des milliers d’années (voir l’article de Henri Safa, Article non encore mis en ligne). Pour des raisons politiques, les prototypes français de réacteurs à neutrons rapides ont été arrêtés (Superphénix en 1997 et le projet Astrid du CEA en 2019) et avec eux, une bonne partie des recherches expérimentales et technologiques associées ont été abandonnées [12].
Conclusion
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit qu’au niveau mondial, les besoins annuels en ressources naturelles vont largement continuer à augmenter pour atteindre en 2060 le total de 167 milliards de tonnes, toutes ressources confondues (actuellement, 107 milliards de tonnes) [13]. Toujours selon l’OCDE, pour les ressources minérales « le secteur du recyclage devrait plus que tripler de taille entre 2017 et 2060 » et « si le recyclage et l’exploitation minière devraient croître à un rythme similaire jusqu’en 2030, le recyclage devrait ensuite croître bien plus fortement ». Toutes ces projections reposent sur un ensemble d’hypothèses techniques, économiques et sociales. Elles montrent à la fois que le recyclage va jouer un rôle croissant, mais également qu’il ne pourra pas être une solution permettant de se passer des extractions primaires.
1 | International Resource Panel, “Global critical minerals outlook”, rapport, 2024", rapport, 2024]. Sur resourcepanel.org
2 | United Nations Environment Programme, « Groupe international d’experts sur les ressources », 2025. Sur unep.org
3 | International Resource Panel, “Mineral resource governance in the 21st Century”, rapport, 2020. Sur resourcepanel.org
4 | International Resource Panel, “Opinion piece : we need a global discussion on natural resource management”, 2022. Sur resourcepanel.org ;
5 | Krivine JP, Rimey S, « Transition énergétique, numérique, environnement, risques de guerre : va-t-on manquer de minéraux et métaux ? », SPS n° 352, avril 2025. Sur afis.org
6 | Parlement européen, « Comment parvenir à une économie circulaire d’ici 2050 ? », 27 mai 2024. Sur europarl.europa.eu
7 | République française, « L’économie circulaire », 6 avril 2023. Sur www.notre-environnement.gouv.fr
8 | European Parliamentary Research Service, “Closing the loop new circular economy package”," briefing, janvier 2016. Sur europarl.eu
9 | Connaissances des énergies, « D’où vient l’uranium naturel importé en France ? », 30 juillet 2024. Sur connaissancedesenergies.org
10 | Institut national de la statistique et des études économiques, « Consommation de produits pétroliers : données annuelles de 1965 à 2022 », étude, 2023. Sur insee.fr
11 | Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, « Baromètre IRSN 2024 sur la perception des risques et de la sécurité par les Français », communiqué de presse, 17 septembre 2024. Sur irsn.fr
12 | Coudouneau L, « Cycle du combustible : vers un nucléaire “durable” ? », SPS n° 340, avril 2022. Sur afis.org
13 | Organisation de coopération et de développement économiques, “Global material resources outlook to 2060 : economic drivers and environmental consequences”, rapport, février 2019. Sur oecd.org
1 Métaux ou minéraux ayant une grande importance économique et un risque élevé en termes d’approvisionnement.
Publié dans le n° 353 de la revue
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Les auteurs
Jean-Paul Krivine

Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences (depuis 2001). Président de l’Afis en 2019 et 2020. (…)
Plus d'informationsSandra Rimey

Géographe, secrétaire générale Minéraux industriels-France, et administratrice à la Société géologique de France.
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